Choisir le nom de ses personnages de fiction

by Marièke

Au moment de créer les personnages de votre roman, la question de leur identité — leur(s) prénom(s) et leur nom – s’est forcément imposée à vous. Les techniques sont très différentes selon les auteurs et j’avais envie de vous partager les miennes et celles que j’ai pu croiser dans mes lecteurs. Les outils que vous trouverez en fin d’article (générateurs et listes) sont utilisés par certains auteurs pour choisir le nom de leurs personnages de fiction.

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L’importance du prénom d’un personnage

Dans la vie de tous les jours, le prénom et le nom d’une personne sont les principaux éléments qui rendent compte de l’identité d’une personne (avec l’âge et le sexe). En effet, le simple fait de connaître le nom d’une personne nous donne des indications :

  • Sur ses origines géographiques — si vous appelez un personnage Samia Bourhal, votre lecteur pensera directement qu’elle est d’origine maghrébine.
  • Sur ses origines sociales — si vous nommez un personnage Anne-Sophie de la Tour, votre lecteur la verra issue de la noblesse.

Notez que le nom donne des informations aux lecteurs… mais il peut tout à fait s’agir d’une fausse piste ! Un personnage nommé Samia n’est pas forcément d’origine maghrébine : les parents peuvent avoir eu un coup de foudre pour ce prénom et l’avoir attribué à leur enfant 🙂 A vous de jouer avec les images, les préjugés et les anecdotes pour construire votre personnage.

Construire un système crédible : l’exemple de GoT

Dans le cas où vous créeriez un monde de toute pièce, vous ne pourrez pas faire fi des conventions évoquées ci-dessus. Un nom reflète les origines géographiques et sociales d’un personnage : vous devrez construire les noms au sein de votre monde de façon à ce que cela se retrouve. (Evitez par exemple de mélanger des noms d’origine espagnol avec des noms d’origine hébraïque, japonaise et viking… sauf si vous avez affaire à un port où les populations se mélangent !)

Dans Game of Throne, J. R. Martin a construit toute une réflexion sur la construction des noms de ses personnages. Pour le Royaume des sept Couronnes, il s’est très clairement inspiré de l’époque médiévale en Angleterre : les noms des familles nobles sont liés à la terre qu’elles exploitent et aux seigneurs auxquelles elles sont inféodées tandis que les chevaliers gagnent la particule ‘Ser’ devant leur nom quand ils deviennent chevaliers. Plus encore, l’auteur a créé des noms génériques pour tous les bâtards des royaumes (Snow au Nord, Storm à Dragonstone…). Enfin, chaque peuple (les Sauvageons comme les Dothrakis) a des spécificités dans sa façon de nommer ses représentants, si bien qu’il est possible, à partir d’une simple identité, de savoir d’où vient la personne.

Des méthodes d’auteur

Tous les auteurs utilisent des méthodes différentes pour nommer leurs personnages. En voici quelques unes.

Reflets de leurs origines

Elisabeth George explique dans Mes secrets d’écrivain (retrouvez mon article sur sa méthode d’auteur) que le prénom et le nom sont les deux éléments qu’elle choisit en premier au moment de commencer à travailler sur un personnage. Elle joue sur les sons et sur l’imaginaire collectif au moment de choisir les prénoms de ses personnages.

« [Mon personnage] devait être un dur à cuire, un entrepreneur qui avait réussi, originaire de Newcastel, né dans une famille de a classe ouvrière et qui s’était élevé à la force du poignet. Ce n’était pas un plaisantin. Il ne supportait pas les imbéciles. Je commençais par l’appeler Leo Swann. Puis je restais assise devant mon ordinateur pendant vingt bonnes minutes, incapable d’écrire quoi que ce soit à son sujet, jusqu’à ce que je me rende compte que je lui avais donné un mauvais nom, qu’un personnage appelé Leo Swann ne pouvait pas être tel que je voulais qu’il soit. À partir du moment où je l’ai rebaptisé Alexander – Alex – Stone, j’ai pu travailler avec lui. Pour moi, ce nom traduisait une certaine force, il évoquait la détermination, un homme de pierre, qui ne s’en laissait pas conter. Leo Swann était différent. Et surtout, je pense que Leo Swann évoquait autre chose pour le lecteur – au moins pour le lecteur anglo-saxon, « swan » voulant dire « cygne ». » (Première partie : Survol du métier / 1 – Les personnages font l’histoire)

Par ailleurs, nous avons vu précédemment que J. R. Martin s’inspire de la réalité historique pour nommer ses personnages (et plus encore, pour trouver des systèmes différents selon ses peuplades). J. R. Tolkien, linguiste et créateur de la Terre du Milieu, avait mis en place des systèmes similaires.

Clins d’oeil

À la suite d’un partage que j’avais fait sur Facebook, L’échangeoire d’écriture m’a signalé un auteur espagnol qui aimait jouer avec les clins d’oeil au sein de ses romans. Ainsi Marianna Rios était-elle une républicaine (référence à la Marianne) insaisissable (« rio » signifie « fleuve » en espagnol). Si elle / il lit cet article, je veux bien le nom de l’auteur car je n’ai pas réussi à remettre la main dessus 😉

Dans le Journal de Bridget Jones, il n’aura pas échappé aux fans de Jane Austen que le nom « Darcy » du personnage Marc Darcy n’est autre qu’une référence au « Mister » Darcy de Elizabeth Bennet dans Orgueil et Préjugés. Le clin d’oeil va même plus loin puisque c’est Colin Firth qui joue Mark Darcy… le même acteur qui jouait Mr Darcy dans la (très bonne) adaptation de la BBC du roman de Jane Austen.

Anecdotes

Dans la même idée que les clins d’oeil, une technique que j’apprécie pour nommer les personnages peut être l’utilisation d’anecdote autour du choix du prénom. Cette méthode me vient de mon propre prénom : Marièke. J’ai un prénom flamand alors même que mes seules origines sont italiennes (et remontent à loin)… mais ce prénom a été choisi en hommage à la chanson Marieke de Jacques Brel. Une jolie histoire à raconter à chaque fois que quelqu’un fronce les sourcils face à mon prénom…

Aussi, pour mes personnages (plus dans mes romans contemporains que dans mes romans fantastiques), j’essaye de fonctionner de la même façon. J’essaye de réfléchir comment les prénoms ont pu être trouvés par les parents et comment ils sont reçus par les enfants. Dans Entre chiens et loups (titre provisoire), mon personnage s’appelle Maxence. Un prénom volontairement mixte (plutôt masculin de nos jours, mais féminin durant les siècles précédents), car j’aimais l’idée que les parents de la jeune fille, très catho et très conservateurs, aient choisi un prénom masculin pour leur fille — alors même que la notion de différenciation des genres est essentielle pour eux.

Précisions et limites

Nommer ses personnages comporte quelques écueils. Je vous en présente ici quelques uns.

Le poids des préjugés

Plus encore que révéler des éléments de l’identité de vos personnages, leurs noms et prénoms vont réveiller des préjugés dans la tête de vos lecteurs. Ne négligez pas le poids de ces images pour votre lecteur, mais évitez un maximum les clichés !

Ce que j’entends par là, c’est que le prénom dénote des origines, mais qu’il ne construit pas à lui seul un personnage. Trouver un nom à votre personnage n’est qu’un outil pour le construire. Ne foncez pas dans les images toutes faites ou vous courrez à la catastrophe avec un roman prévisible.

Reprenez les noms évoqués précédemment : Samia Bourhal et Anne-Sophie de la Tour. Samia n’est pas forcément une jeune maghrébine qui vit dans la banlieue et s’interroge sur l’Islam. Quant à Anne-Sophie, elle n’habite pas forcément le 16e arrondissement de Paris et sa vie n’est pas forcément celle d’une richissime héritière. S’arrêter à ces images pourrait être très embêtant pour la crédibilité et la complexité de votre roman.

La question de la réalité

Vous avez certainement déjà entendu ce même : « I’m a Writer Everything you Say or Do may end up in my Novel » (en VF : « Je suis un auteur, tout ce que vous dites ou faites pourrait finir dans l’un de mes romans »).

Et bien, je n’en suis pas si sûre que ça pour les prénoms. Pour ma part, j’ai beaucoup de mal à utiliser dans mes récits des prénoms de gens que je connais. J’ai toujours peur que la personne qui porte ce nom en réalité influence le personnage que je vais créer. À vous de voir si vous êtes à l’aise avec ça 🙂

Attention aux noms imprononçables

La plupart des auteurs de fantasy s’amusent à créer des noms de plus en plus compliqués pour leurs livres. Je vous mets en garde sur cette pratique. C’est tout à fait OK si vous savez ce que vous faites (si vous parodiez certains noms, si vous proposez au lecteur un surnom court…), mais sachez TOUJOURS pourquoi vous proposez un nom de cette longueur. Ne balancez pas des syllabes pour le plaisir de balancer des syllabes !

Générateurs et outils

En plus des astuces précédentes, voici quelques outils pour choisir le nom de ses personnages de fiction.

Gunof

Ce générateur conviendra tant aux passionnés de fantasy qu’à ceux qui bossent sur des textes plus contemporains. Il propose de sélectionner : les origines (viking, romain, contemporain…), le sexe, le type de nom voulu (composé ou non) et le nombre d’occurrences.

http://www.gunof.net

Yafnag

Ce générateur conviendra à ceux qui écrivent des récits d’influence médiévale.

https://dicelog.com/yafnagfr

Fantasy Name Generator

Tout est dans le titre : ce générateur permet de créer des noms de plusieurs origines. Il est en anglais (enfin… Il suffit de cliquer sur le bouton « Generate names » pour le faire marcher !)

http://rinkworks.com/namegen/

The hobbit name generator

On a tous besoin d’un générateur de noms d’origine… hobbit. Si, si…

http://www.chriswetherell.com/hobbit/

Seventh Sanctum

Il ne s’agit pas d’un générateur, mais bien de plusieurs listes de noms aux inspirations diverses (japonaise, hébraïque, naine, elfe…)

http://www.seventhsanctum.com/index-name.php

Tous les livres de prénom pour bébé

Plus encore que présenter des tas et des tas de prénoms, ces livres vous apportent les significations et les caractères typiques des personnes portant ces prénoms. Si je suis très dubitative sur ce type de livre et d’analyse — d’une part, personne ne va dire aux parents : « Choisissez le prénom Kévin, c’est le prénom des bêtas et des imbéciles : ça ira très bien à votre fils ! » et d’autre part, le prénom montre l’origine sociale et les origines, mais ne peut pas agir sur la façon de se comporter des gens… (quoique ça pourrait être une bonne idée de roman fantasy).

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Ainsi s’achève mon article sur les prénoms. Désolée de ne pas avoir pu le poster vendredi, j’ai accueilli la veille mon petit chien, Maé et j’ai été un peu dépassée 🙂 Pour la petite histoire (il se trouve que c’est complètement dans le thème), le prénom de ma petite chienne a été inspiré par le chanteur Christophe Maé. L’association qui l’a recueillie lui a donné ce nom et mon copain et moi avons décidé de le garder car il nous plaisait bien.

A vendredi,

Marièke

Crédit image : Donner un nom et un prénom est l’un des premiers actes que font les parents au moment de la naissance de leur enfant. C’est aussi l’un des premiers actes de l’auteur, pour donner vie à ses personnages. (Pixabay, CC0)

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8 comments

Merlin 9 août 2016 - 11 h 39 min

Personnellement j’aime beaucoup utiliser les noms de plantes/fleurs en noms de famille (ex : Mme Hélianthème, nom de plante) , ou alors des termes en archéologie/architecture (ex : M. Gorgerin, partie d’armure).

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Cindy Costes 9 août 2016 - 12 h 16 min

Merci pour cet article 🙂

En générateur plus « généraliste » (quoique, il y a aussi hobbit de proposé), je te mets le lien de mon chouchou : http://fr.fakenamegenerator.com/
On peut choisir par pays (d’origine et d’habitation), et non seulement on a un nom mais tout une bio de ce personnage fictif, du nom de jeune fille de la mère à la couleur préférée, en passant par le compte en banque ou son modèle de voiture. Libre à nous de s’en inspirer, ou pas 😉

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C.S. Ringer 9 août 2016 - 12 h 44 min

Chouette article ! Je le ferais tourner 😉

Choisir un nom pour son personnage, c’est un peu mon moment préféré dans la création d’une histoire. C’est la première enveloppe du personnage, celle qui le définit subtilement. J’y accorde toujours de l’importance 🙂

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Tigre 9 août 2016 - 19 h 59 min

Merci pour les découvertes !

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Malie 11 août 2016 - 13 h 12 min

Bonjour, je suis Malie de l’Echangeoir d’écriture. Le nom de l’auteur est Antonio Muñoz Molina. Mariana Rios apparait dans deux livres Beatus Ille et La grande nuit des temps. Ce qui est particulièrement intéressant dans ce personnage c’est que selon les livres, elle est perçue de façon différente par les narrateurs: dans le premier, le narrateur est amoureux d’elle mais ce n’est pas réciproque, elle est alors une sorte de femme fatale, dans le deuxième c’est juste une collègue séduisante et le côté femme fatale disparaît pour laisser la place au mystère de sa vraie personnalité. Elle est donc aussi insaisissable que son nom l’indique.
Sinon pour les noms de famille de personnage, moi j’aime bien prendre des cartes routières (je sais plus personne ne s’en sert, mais ça leur donne un deuxième vie). Il y a plein de villes et de villages au nom suggestif, ça peut donner des idées

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Trouver des noms pour son roman – Céline Viel 22 novembre 2017 - 16 h 17 min

[…] sites ou blogs ont fait de bons articles à ce sujet. Je vous invite à aller voir par exemple : Mécanismes d’histoires ou […]

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Lucie 21 novembre 2020 - 19 h 20 min

Il est très sympa cet article. Merci beaucoup ! Il est vrai qu’il y a beaucoup de méthode. Parfois, lorsque j’ai envie de rendre hommage, je choisis des prénoms de personnes qui ne sont plus parmi-nous ou alors, je fouille dans les rois et reines d’une autre époque.

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Marièke 29 décembre 2020 - 17 h 25 min

Merci 🙂 Ah, le choix des prénoms ! C’est toujours une étape particulière de l’écriture d’un texte !

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