S’inspirer de la réalité pour écrire : comment, pourquoi, risques ?

by Marièke

Mettre de la réalité dans ses textes, tous les auteurs et les autrices le font. Mais comment s’y prendre, sous quelle forme, quelles sont les limites –notamment légales– on en parle !

Hello ! 💫

En tant qu’auteur ou autrice, la réalité est notre fond de commerce. C’est ce que nous vivons et ressentons en vrai qui vient générer de belles histoires ! Pourtant, il n’est pas toujours évident d’oser écrire sur le vrai. Pendant longtemps, j’ai par exemple évité d’écrire de la littérature contemporaine pour limiter les ressemblances et m’éloigner de tout ça !

Dans l’article du jour, j’avais envie de parler de s’inspirer de la réalité et de vous proposer un article complet à ce sujet. Qu’est-ce que ça signifie, quelles sont les différentes alternatives, quels sont les risques aussi : bref, j’avais envie de tout vous dérouler !

Belle découverte !

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S’inspirer de la réalité en écriture : une base

Tous les auteurs et toutes les autrices s’inspirent de la réalité et de leur vie pour écrire.

C’est un prérequis, une évidence.

C’est ce qui permet d’avoir des idées d’histoires, des idées de personnages, des idées d’anecdotes, des idées de prénoms et ainsi de suite. Si tous les auteurs et toutes les autrices n’écrivent pas de l’autofiction ou des autobiographies, toutes et tous s’inspirent de la réalité, de façon évidente ou parcellaire. C’est la réalité qui permet d’inventer les émotions et c’est la réalité qui permet à notre lectorat de ressentir ces émotions et de s’identifier. 

En d’autres termes, s’inspirer de la réalité en écriture (et plus largement dans l’art), c’est une base.

Pour autant, il y a plusieurs façons de le faire et cela peut entraîner différentes problémartiques et limites.

On en parle dans cet article.

S’inspirer de la réalité : 6 façons

Il y a plusieurs façons de s’inspirer de la réalité quand on écrit. Les voici. Quelles sont vos propres inspirations ?

Écrire une biographie / une autobiographie

La première façon de s’inspirer de la réalité est de s’en inspirer sans détour, par le biais d’une biographie ou d’une autobiographie. Si la biographie consiste à s’inspirer de la vie d’une personne ou d’un moment de vie d’une personne pour le raconter, l’autobiographie consiste à le faire pour soi-même.

La particularité des genres biographique et autobiographique est que la vérité est recherchée au maximum : le but est de romancer le moins possible et de toucher la réalité du doigt. La difficulté de ce genre est d’en faire un texte valant la peine d’être lu, intéressant. Cet objectif peut entraîner des coupures, des raccourcis, des ajustements de réalité.

👉 Retrouvez mon article sur la biographie.

Écrire une autofiction

La deuxième façon de s’inspirer de la réalité pour écrire est de s’en inspirer tout en la modifiant plus ou moins. Il s’agit d’une genre nouveau, appelé l’autofiction. Ce genre a été tout particulièrement mis en avant par l’écrivaine belge Amélie Nothomb qui a fait de l’autofiction son genre de référence. Une majorité de ses romans sont des autofictions – elle part de faits et d’éléments vrais et les mets en fiction. La réalité devient le canva à partir duquel est construite l’histoire et elle n’est donc pas un objectif à atteindre : le lectorat sait que ce n’est pas complètement réel mais ne connaît pas forcément les frontières.

La particularité du genre de l’autofiction est qu’il faut parvenir à construire une histoire autour de soi tout en évident d’être trop dytirambique à propos de soi (c’est d’ailleurs une des limites que je retrouve dans les romans que j’ai lus d’Amélie Nothomb). 

👉 Retrouvez mon article sur l’autofiction pour mieux comprendre ce genre.

S’inspirer de situations, d’anecdotes

La troisème façon de s’inspirer de la réalité dans ses textes est une façon que j’utilise régulièrement pour ma part : il s’agit de glisser des situations vécues, des anecdotes réelles ou encore des parties de dialogues ou de disputes au sein de ses textes. Les personnages sont différents, les lieux sont différents, le contexte peut être différent mais les anecdotes sont réelles. En tant qu’auteur·trice vous le savez certainement : rien n’est plus fou que la réalité ! C’est pourquoi injecter des moments de réalité est un réel plaisir et un bon moyen de rendre vrai son texte !

S’inspirer de personnages

La quatrième façon de mettre un peu de réel dans ses textes est de réutiliser des personnes réelles dans ses romans. Bien entendu, il ne s’agit pas de reprendre exactement, tels qu’ils sont pour de vrai, des gens que vous connaissez… cela pourrait s’avérer bizarre et peut-être problématique (cf. les parties suivantes de cet article sur les limites et vos droits). Cependant, parce que le réel dépasse la fiction, reprendre les qualités, les défauts et les petites  particularités d’une personne réel pour les glisser dans un personnage est non seulement intéressant mais parfois jouissif ! Et promis, ce sera une expérience positive pour vous mais aussi pour votre lectorat qui s’attachera à coup sûr à ce personnage plus vrai que nature… et pour cause !

S’inspirer d’émotions réelles

La cinquième façon de s’inspirer du réel pour vos textes est de tirer du réel les émotions afin de les glisser dans votre roman. Cette façon est certainement plus difficile et moins évident que les précédentes, mais c’est cela qui va vous permettre de faire passer des émotions dans vos textes et permettre l’identification même si vos personnages vivent des choses que votre lectorat ne vivra jamais. 

Imaginez que vous écrivez un combat médiéval entre deux chevaliers. Il y a fort à parier que votre lectorat n’a jamais vécu telle aventure et ne pourra pas facilement s’y identifier (à la différence d’une rupture amoureuse ou d’une dispute familiale !). Ainsi, pour rendre cette bataille réelle, vous devrez puiser dans les émotions que vous ressentez – la peur, la fatigue, l’envie de justice, la peur de mourir… – et les mettre dans votre texte. Les émotions issues de la réalité serviront à rendre votre texte plus réel et l’identification deviendra possible.

S’inspirer de thématiques

La sixième et dernière façon de faire entrer la réalité au sein de vos textes est d’utiliser des thèmes réels. Le COVID, les élections présidentielles, le réchauffement climatique, les violences faites aux femmes, l’amour… Tous les romans qui paraissent aujourd’hui, quels qu’ils soient, ont des thématiques et portent des messages qui prennent corps dans la réalité. À vous de voir la place que le thème prendra dans votre roman et le message que vous souhaitez porter, mais la réalité s’invitera forcément dans votre texte, même si vous faites tout pour vous en éloigner et optez pour un genre de la littérature de l’imaginaire !

S’inspirer de la réalité pour écrire : les limites

S’inspirer de la réalité pour écrire a plusieurs limites. Bien entendu, cela va dépendre du degré de réalité que vous allez mettre dans votre texte : à vous de voir à quel point les limites qui suivent sont franchies dans le cadre de vos propres projets en cours d’écriture !

Les risques juridiques

Le premier risque à s’inspirer de la réalité est juridique. Il y a, en France, des lois qui régissent la façon dont vous allez parler de personnes et de personnes morales (lieux, marques…). S’inspirer de la réalité, c’est prendre le risque de s’exposer à des poursuites juridiques, notamment pour diffamation.

La diffamation est un concept juridique désignant le fait de tenir des propos portant atteinte à l’honneur d’une personne physique ou morale (personnalité, marque, entreprise, établissement…).

À noter :

  • ce n’est pas parce que vous ne citez pas qu’il ne peut pas y avoir de diffamation. Si une personne est reconnaissable et/ou se considère reconnaissable, vous pouvez être poursuivi. Ceci étant, vous pourrez vous défendre en expliquant en quoi cette personne n’était pas reconnaissable et en quoi vous ne portez pas atteinte à son honneur.
  • si dans certains pays, le fait de dire la vérité vous protège d’une poursuite en diffamation, ce n’est pas le cas en France. Vous pouvez être attaqué même si vous dites la vérité : la vérité pourra cependant être un axe de défense, on parlera alors d’exception de vér.

Ceci étant dit, les risques sont limités : 

  • D’une part, la personne diffamée doit prendre connaissance de votre livre ;
  • D’autre part, la personne diffamée doit se reconnaître ;
  • Enfin, elle doit entamer des poursuites juridiques pour qu’il y ait condamnation et vous aurez alors l’opportunité de vous défendre.

En réalité, le risque le plus important dans ce cas de figure est votre image et votre réputation : souhaitez-vous être associé·e à cette personne et souhaitez-vous qu’elle puisse avoir le pouvoir de vous attaquer ? Lui en voulez-vous assez pour entrer directement en conflit avec elle par le biais d’un livre plutôt que, par exemple, par le biais de poursuites  ? À vous de voir !

Les risques émotionnels

Écrire sur des sujets qui nous touche tout particulièrement – par le biais d’une autobiographie ou d’une autofiction, mais aussi par le biais des émotions et des personnages – remue nos émotions. En tant qu’auteur·trice, il y a donc un risque émotionnel à aborder ces sujets. 

À titre personnel, j’ai du mal avec cet afflux d’émotions et préfère séparer projets de fiction et projets d’émotion. Je maitrise le premier – j’y glisse les émotions que je souhaite et j’ouvre les vannes des émotions en fonction des besoins de l’histoire – tandis que le second me sert de défouloir et d’outil cathartique. J’ai ainsi deux espaces définis et je jongle entre les deux en fonction de mes besoins. Découvrez d’ailleurs mon article sur l’écriture automatique si vous éprouvez le besoin de vous défouler.

Si une oeuvre de fiction vous fait trop mal, mon conseil serait de vous en éloigner au risque de vous en dégoûter et d’arrêter de l’écrire – mais je sais aussi que cette douleur est nécessaire pour certains et certaines auteur·trice·s. Donc faites au mieux et rappelez-vous seulement qu’il n’est pas forcément nécessaire de souffrir pour écrire…

Les risques fictionnels

J’en ai parlé lorsque j’ai évoqué les limites de l’autofiction et de l’autobiographie en début de cet article : ces deux genres sont tout particulièrement compliqués à maîtriser. Nombre d’auteur et d’autrices commencent par l’autobiographie et l’auto fiction car iels pensent qu’il leur sera plus facile d’écrire sur un sujet qu’iels connaissent. C’est faux et les risques de se perdre dans son texte sont nombreux.

La règle est simple : même dans le cadre d’une auto fiction ou d’une autobiographie, votre lectorat veut que vous lui parliez de lui, non que vous lui parliez de vous. Les thèmes abordés, l’angle d’attaque de l’histoire ou encore les problématiques évoquées doivent faire écho à ce que votre lectorat ressent – vous-même n’êtes que le support, le vecteur de l’histoire mais en aucun cas le centre.

Le risque frictionnel est grand de vous perdre dans de la justification et dans une histoire mal maitrisée et peu concise. C’est un défaut récurrent chez les jeunes auteurs et les jeunes autrices. Pour limiter ce risque, mon conseil serait de ne pas commencer l’écriture par de l’autobiographie ou de l’autofiction ; à mon sens, le risque est trop grand de se laisser enfermer dans ses réflexions personnelles et d’aboutir à un journal intime plutôt qu’à un roman. Si vous souhaitez écrire sur vous, préférez découvrir d’abord les rouages de l’écriture et les mécanismes pour créer une bonne histoire et écrivez sur vous ensuite. 

S’inspirer de la réalité pour écrire : vos droits

Pour conclure cet article, je souhaitais répondre à plusieurs questions que j’ai pu croiser sur le sujet lors de mes pérégrinations dans les commentaires du blog et sur les réseaux sociaux. 

  1. Puis-je citer une marque ? OUI à condition que vous ne portiez pas atteinte à son honneur. Dans ce cas, vous pourriez être poursuivi en diffamation. Ceci étant dit, les risques sont moindres dans le cadre d’une simple citation : il y a peu de chance que Coca vous poursuivre parce que l’un de vos personnages déteste le coca light et le recrache à chaque fois qu’il en croise !
  2. Puis-je nommer un lieu ? OUI à condition que vous ne portiez pas atteinte à son honneur, à nouveau vous risquez d’être poursuivi en diffamation. À nouveau le risque est moindre : l’Etat français ne portera pas plainte contre vous si vous vous plaignez de l’organisation à la caisse de la Tour Eiffel… Un roman entier sur le fonctionnement d’une entreprise comme Renault, par contre, pourra vous être préjudiciable.
  3. Puis-je parler en mal d’un lieu existant ? OUI à condition qu’il ne soit pas reconnaissable. Pour reprendre l’exemple précédent de Renault, vous pouvez totalement écrire sur une entreprise française qui développe des voitures. Evitez cependant de la nommer, de nommer ses marques ou encore d’utiliser des détails réels qui permettrait de l’identifier : adresse, noms des dirigeants, et ainsi de suite !
  4. Si je ne nomme pas un lieu, une marque, y-a-t’il diffamation ? OUI. Le simple fait qu’une personne ou une personne morale soit reconnaissable peut entraîner une attaque en diffamation. 

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En tant qu’auteur ou autrice, il est essentiel d’utiliser un peu de réalité dans ces récits. C’est la réalité qui va permettre l’identification et l’attachement aux personnages, ainsi que la plausibilité des situations. C’est la réalité aussi qui va apporter les émotions.

Cependant, la réalité peut aussi être source de risques et de limites pour votre récit et reste donc à manier avec précaution et attention !

Comment utilisez-vous la réalité dans vos textes ? Écrivez-vous de l’auto fiction ? Préférez-vous injecter de la réalité via les émotions ou des personnages inspirés de personnes réelles ? Dites moi tout !

Belle journée

Marièke 💫

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1 comment

Lorenzo Villard 12 juillet 2022 - 9 h 35 min

J’aime beaucoup m’inspirer des gens que je rencontre pour mes personnages. En devenant écrivain, j’ai commencé à voir dans les personnes avec beaucoup de personnalité une façon de transmettre un certain trait de caractère.
Par exemple, lors de ma dernière croisière sur un bateau de touriste sur les canaux d’Amsterdam, notre capitaine était un sacré personnage ! Il a commencé à laisser des gens à la porte du bateau parce qu’il était en train de parler et ne voulait pas être dérangé dans son discours, ensuite il s’énervait en néerlandais contre les bateaux qui bloquaient le sien, avant d’être agréable avec eux une fois qu’ils s’étaient écartés… Je remarque que ce n’est pas si simple à retranscrire, mais il donnait vraiment une impression unique avec seulement quelques actions ; et c’est de ce genre de choses que j’aime m’inspirer pour les personnages ! 😁

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