Andrea Field est agente littéraire au sein de Librinova — une entreprise qui a accompagne les auteurs dans l’auto édition de leur texte. Curieuse d’en savoir plus sur ce métier d’agent littéraire, très développé dans les pays anglosaxons mais beaucoup moins en France, j’ai demandé un entretien à Andrea. Elle a répondu à toutes mes questions.
Le métier d’agent littéraire
En quoi consiste ton métier d’agent·e littéraire ?
En tant qu’agent·e littéraire, je représente les droits et les intérêts de l’auteur·trice que je suis. Ce sont des attributions très larges et diverses. J’ai plusieurs casquettes.
J’ai d’abord un rôle de prospection : je soumets les romans sélectionnés auprès des maisons d’édition et des éditeur·trices qui me semblent correspondre au livre et à l’auteur·trice que je représente. Mon rôle est donc de trouver la bonne maison d’édition.
Ensuite, j’ai une dimension juridique. Je négocie les contrats pour le compte de l’auteur·trice. Je ne demande pas la lune – je sais ce qu’il est raisonnable ou non de demander pour un premier roman – mais je protège au mieux l’auteur·trice.
Enfin, j’ai vraiment comme rôle l’assainissement de la relation entre éditeur·trice et auteur·trice. Le but est que cela se passe bien. Je suis une personne référente, une alliée de l’auteur·trice, une oreille aussi. « Il m’est arrivé ça avec mon éditeur·trice, est-ce normal ? » est une question que j’entends régulièrement. Alors j’écoute, j’explique, je rassure.
Tu n’as pas de rôle éditorial du coup ?
Pas réellement. Il m’est arrivé de faire des suggestions ou des commentaires quand cela me paraît vraiment évident. Les auteur·trices dont je représente les intérêts m’envoient souvent leurs nouveaux ouvrages pour avoir un autre avis. Cependant, je crois que le travail édito est celui des maisons d’édition.
En France, il n’existe pas, aujourd’hui, de formation pour être agent·e littéraire. Quelle formation mais aussi quel parcours pro et quelles opportunités as-tu eu pour occuper ce rôle ?
Je suis d’origine américaine. Je suis arrivée en France en 99 avec des études de littérature française et anglo-saxonne en poche. J’avais eu l’occasion de travailler en maison d’édition et j’avais eu un coup de cœur pour ce secteur.
En France, j’ai refais un DESS d’édition à Villetaneuse où je me suis orientée sur la cession des droits étrangers — avantagée par ma maîtrise de la langue anglaise.
Ensuite, j’ai occupé ce poste dans plusieurs maisons — dont XO où je travaillais avec des auteurs reconnus. Cependant, je me suis un peu lassée de cette impression d’être en bout de chaîne. Quand j’intervenais, les romans étaient déjà terminés.
Je suis partie avec l’idée d’aller plus en amont de cette chaîne éditoriale et c’est à ce moment que Laure, l’une des fondatrices de Librinova, m’a contacté pour développer la dimension « agent » de l’entreprise. Nous nous étions rencontrées à l’occasion d’un salon. Je me suis dit « pourquoi pas ? » en attendant que mes autres activités décollent et en fait et bien… j’ai adoré ! Je suis tellement au début de la chaîne que je lis des dizaines de romans qui ne paraîtront peut-être jamais. C’est parfois frustrant mais j’aime cette impression d’être au début de l’aventure et de permettre à un auteur de réaliser son rêve !
Maisons d’édition & agent littéraire en France
Question bête : est-on assuré d’être publié lorsque l’on passe par un·e agent·e littéraire ?
On ne peut malheureusement pas garantir la signature d’un contrat d’édition, mais cela multiplie les chances d’y arriver : chez Librinova, 1 auteur sur 50 signe un contrat d’édition. Ce chiffre est à comparer avec 1 sur 3000 lorsqu’un auteur envoie son manuscrit directement à une maison d’édition.
Pourquoi ? Parce que lorsque j’envoie un manuscrit à un·e éditeur·trice, iel sait que je l’ai sélectionné pour lui/elle, que je connais ses goûts, iel va donc lire le manuscrit et me faire un retour. Ce n’est pas du tout le cas quand un·e auteur·trice envoie un manuscrit par la Poste : c’est généralement un·e stagiaire en littérature qui fait le premier tri et cette personne n’a pas forcément les mêmes goûts que le/la directeur·trice éditorial et doit par ailleurs faire un tri drastique.
Les maisons d’édition françaises comprennent-elles ton activité ? Comment la voient-elles ?
C’est compliqué. Au premier abord, pour une majorité de maisons, les plus petites, l’agent·e littéraire est, d’abord et avant tout, vu comme un coût complémentaire. Cette impression est fausse parce que l’agent se rémunère sous forme de commission sur les droits d’auteur (cf. question suivante). En plus, la maison d’édition sait que je vais défendre le droit de mes auteur·trices. Une fois que l’on commence à travailler ensemble, cependant, les éditeur·trices voient bien souvent l’intérêt de ma présence.
Si je représente les auteur·trices, je connais aussi mieux le secteur du livre qu’elleux : je suis plus à même de faire des demandes raisonnables et de faire gagner un temps certain à la maison d’édition. Par exemple, quand l’auteur·trice a des questions, c’est à moi qu’iel les pose et non à son éditeur·trice. Je filtre. Je suis même régulièrement l’alliée de l’éditeur pour défendre les intérêts d’un auteur. Par exemple, si son deuxième livre n’est pas aussi puissant que le premier, nous pouvons réfléchir ensemble au retour que nous pourrions lui faire.
Finalement, ce rôle de médiatrice que j’ai dans la relation auteur-éditeur est bénéfique aussi pour l’éditeur·trice. Cela lui permet d’avoir avec l’auteur·trice une discussion essentiellement artistique, tandis que je prends en charge la partie économique.
Tu évoquais les maisons d’édition et leur appréhension sur ton « coût » : comment fonctionne la rémunération des agent·es littéraires ? En sachant que pour ta part, tu travailles pour Librinova.
Les agences littéraires sont rémunérées par le biais de commissions qui sont prélevées sur les droits d’auteur : comme on représente les auteur·trices, c’est normal que ce soient elleux qui nous rémunèrent.
La promesse de Librinova est celle-ci : un texte vendu à plus de 1000 exemplaires est représenté par un·e agent littéraire et cela lui donne l’opportunité d’être publié dans une maison classique.
Pour conclure, à l’attention des personnes qui envisagent ton activité : penses-tu qu’il est possible de vivre de l’activité d’agent·e littéraire en France ?
Il serait très difficile de ne représenter que des auteurs français débutants. Les avances sont peu élevées et la commission ne représente que 10-20 pour cent de ces montants, payée en plusieurs parties. Combien d’auteur·trices faudrait-il représenter pour en vivre ?!
La plupart des agences existantes représentent un mélange d’auteurs déjà connus et débutants mais aussi des maisons d’éditions étrangères en France. Car on peut aussi être agent d’une maison d’édition.
Merci à Andrea pour toutes ses précisions et sa disponibilité. Notre entretien était très agréable et instructif. Si je connaissais de nom ce métier d’agent·e littéraire, j’avoue que je ne savais pas exactement quelles missions il encadrait.
Vous connaissiez ce métier ? Avez-vous déjà fait appel à quelqu’un pour vous accompagner sur les questions de contrat, d’édition ?
Dites-moi tout 🙂
Marièke