Le Pacte de lecture : c’est quoi et pourquoi le respecter ?

by Marièke

Bonjour à toutes et à tous,

De retour dimanche de vacances et un peu rattrapée par le travail depuis lundi, je vous retrouve aujourd’hui avec plaisir 🙂 A partir d’aujourd’hui, on va reprendre le rythme d’un article par semaine le vendredi et des petites séries le lundi et le mardi de temps en temps. Si mes articles vous intéresse, sachez aussi que vous pouvez me retrouver régulièrement sur le webmag de mon entreprise, le Mag Quatremain.

Pour aujourd’hui, je vous propose de découvrir le concept de Pacte de Lecture, dont je vous avais un peu parlé il y a quelques semaines dans un autre article.

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Le Pacte de lecture, c’est quoi ?

Le Pacte de lecture, c’est le pacte passé explicitement ou implicitement entre l’auteur·trice et son/sa lecteur·trice. Il peut être lié au genre (c’est le cas du pacte autobiographique) ou à l’univers imaginé par l’auteur·trice (notamment dans les romans fantasy / fantastique..). L’auteur·trice s’engage à proposer un univers complet et une histoire cohérente tandis que son/sa lecteur·trice s’engage à y croire, à faire semblant.

– On dit que Barbie elle est vétérinaire
– Et Pépette elle est malade.
– Mais pas trop malade, Barbie elle peut la soigner.

– D’accord.

Autrement dit, lorsqu’on entame un livre, on accepte l’univers de la personne qui l’a écrit et on fait siennes les règles de cet univers, qu’il nous soit décrit peu à peu ou directement. On accepte alors tout ce qui est écrit – tant que cela correspond aux règles fixées – un peu comme lorsque les enfants commencent à jouer avec des barbies, des playmobiles et que sais-je encore.

Lorsque l’auteur·trice déroge aux règles fixées (en nous faisant entrer dans un monde fantastique d’un coup ou en changeant les règles de son propre monde), le Pacte de lecture est rompu et la lecture est perturbée, incohérente. (Chez les enfants, cela arrive que le Pacte soit rompu aussi : en général, ils commencent à pleurer parce que Grand frère a décidé qu’il ne voulait plus être le malade ou que Grande soeur a choisit qu’elle pouvait voler maintenant…).

Le Pacte de lecture et les genres littéraires

Le cas du Pacte autobiographique

Dans le cas de la lecture d’une autobiographie, le Pacte qui lie auteur·trice et lecteur·trice est le Pacte autobiographique. Il est différent du Pacte de fiction : dans le Pacte de fiction, l’auteur·trice ne demande pas à son/sa lecteur·trice de le croire, mais simplement de faire semblant de croire. Dans le Pacte autobiographique, l’auteur·trice raconte sa vie ou un morceau choisi de sa vie et demande à être cru.

Ainsi, on ne lit pas de la même manière une autobiographie et un roman. Dans l’autobiographie, la relation avec l’auteur·trice est embrayée (il vous demande de le croire, il voudrait obtenir votre estime, peut-être votre admiration ou même votre amour, votre réaction à sa personne est sollicitée, comme par une personne réelle dans la vie courante), tandis que dans le roman elle est débrayée (vous réagissez librement au texte, à l’histoire, vous n’êtes plus une personne que l’auteur sollicite).

Le Pacte de lecture en littérature de l’imaginaire

Parce que les littératures de l’imaginaire demandent aux lecteurs·trices de jouer à croire à l’histoire encore plus forte, certains textes démarrent par un Avant-propos ou par un texte plus ou moins long qui permet de poser le contexte. Le Pacte de lecture est alors explicite : pour entrer dans l’histoire, le/la lecteur·trice est invité·e à croire ce qui est écrit.

Dans d’autres romans, le Pacte est implicite. Les éléments fantastiques apparaissent dans le texte et le/la lecteur·trice doit s’y adapter petit à petit, comme les personnages du livre.

Rompre le Pacte de lecture

Après avoir découvert ce concept, vous vous demandez peut-être si vous pouvez rompre le Pacte de Lecture lorsque vous écrivez. Et comme souvent sur ce blog, je vais botter en touche : en écriture, il n’y a pas de règle et rien ne vous oblige donc à respecter ce Pacte lorsque vous écrivez.

Quelques limites à la rupture du Pacte

Les risques d’incohérences : si vous avez insisté durant toute votre histoire sur le fait qu’un chat ne peut pas voler et que d’un coup, un chat volant vient sauver votre héros, cela risque d’être incohérent pour votre lecteur·trice. Pourquoi ce chat peut voler et pas les autres ? Ici, la rupture du Pacte semble relever plus d’un manque d’explication que d’une véritable volonté. (Si vous justifiez pourquoi dans ce cas spécifique le chat peut voler, votre Pacte de lecture est rétabli.)

Les risques de frustration / sentiment de trahison de votre lecteur : un lecteur peut se sentir trahi et trouver votre livre désagréable du fait de cet écart. Par exemple, si le fantastique / la fantasy fait irruption trop tard dans votre texte, les lecteurs·trices peuvent se sentir mal à l’aise. J’ai fait cette erreur avec un texte sur lequel j’ai travaillé l’année dernière.

Un exemple de rupture acceptable

En travaillant sur cet article, j’ai réfléchi aux situations dans lesquelles un Pacte de lecture pouvait être rompu sans sembler désagréable au lecteur. Il me semble – vous pouvez confirmer ou infirmer dans les commentaires – qu’un narrateur incertain (un narrateur dont le point de vue est subjectif et peu fiable) est un type de rupture de Pacte de lecture qui peut être acceptable et donner du relief à un texte. Si vous suivez les aventures d’un personnage à la première personne et réalisez au fur et à mesure qu’il vous ment, cela peut être très intéressant. Je trouve que c’est une façon intéressante de déjouer le Pacte et de tromper le/la lecteur·trice (et ça m’a donné plein d’idées pour un autre de mes textes).

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Connaissiez-vous la notion de Pacte de lecture ? Il me semble que cette notion est très intéressante pour anticiper les incohérences dans un roman et mieux construire son intrigue. Qu’en pensez-vous ?

A très vite,

Marièke

Crédit image : Une jeune femme en train de lire par Thought Catalog (Unsplash, CC0).

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6 comments

Pauline 21 septembre 2018 - 9 h 08 min

Très intéressant comme article, merci ! En lisant la fin, j’ai tout de suite pensé à La fille du train, de Paula Hawkins. Je n’ai pas lu le livre (j’ai vu l’adaptation ciné) mais il me semble que c’est un peu ça : la narratrice n’est pas fiable du tout malgré elle, et on se rend compte que ce dont elle se souvient est soit fragmenté, soit erroné. Le résultat (dans le film en tout cas) est intéressant, puisqu’on en vient à douter de tout ce qu’elle raconte, quand bien même elle n’aurait pas si tort que ça… Mais j’avoue que je serais très intéressée de lire un roman où le ou la narrateur-ice nous mène délibérément en bateau.

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Marièke 7 octobre 2018 - 17 h 48 min

Bonjour ! Je ne connais pas le livre (et le film) dont tu parles mais effectivement, vu ce que tu m’en dis, j’imagine qu’on est dans un cas de narrateur incertain.

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Daphné 29 septembre 2018 - 21 h 17 min

Très intéressant ! Je n’avais jamais fait attention au fait que le pacte de lecture est fondamentalement différent pour une autobiographie et une œuvre de fiction (et pour une biographie, j’imagine que c’est un pacte encore différent).

En ce qui concerne une rupture délibérée du pacte de lecture via le choix du narrateur, l’exemple le plus célèbre est probablement « Le meurtre de Roger Ackroyd » d’Agatha Christie. Apparemment, cette rupture du pacte a créé la polémique parmi les critiques à la sortie du livre…

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Marièke 7 octobre 2018 - 17 h 20 min

Intéressant, l’ouvrage que tu cites ! J’irai donner un coup d’oeil 🙂

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nathalie 25 juin 2019 - 15 h 44 min

Bonjour, d’où vient précisément la notion de pacte de lecture ?

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Marièke 20 août 2019 - 7 h 59 min

D’après mes recherches, il s’agirait d’une notion démocratisée par Philippe Lejeune en 1975. Plus d’infos ici : https://www.fabula.org/atelier.php?Genres_et_pragmatique_de_la_lecture.

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