Choisir un point de vue pour son récit, c’est aussi choisir la place du narrateur dans le récit, son implication. Va-t-il être partie prenante ou au contraire complètement neutre ? C’est le point que je souhaite développer dans cet article de ma série sur Choisir le point de vue de son texte.
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Selon les récits, le narrateur peut-être très présent — notamment en point de vue interne où personnage et narrateur se confondent — ou au contraire, donner l’impression d’être absent. C’est le cas dans de nombreux écrits au point de vue omniscient. Afin d’avoir une idée du style que vous allez adopter pour développer votre récit, il peut être intéressant de savoir, avant même de commencer la rédaction, quelle place vous allez donner au narrateur.
Avant propos : Auteur, narrateur, personnage
Juste avant de commencer sur la place du narrateur selon les points de vue utilisés, il me semble nécessaire de faire un petit rappel sur la différence entre auteur, narrateur et personnage. L’auteur est la personne du monde réel qui crée le texte. Le narrateur est la personne du monde imaginaire qui raconte le texte. Le personnage est la personne du monde imaginaire qui vit l’histoire. Dans certains cas, les trois entités peuvent être confondues : c’est le cas dans une autobiographie par exemple. Dans le cas d’un récit raconté à la première personne, narrateur et personnage sont une seule et même personne.
Le narrateur neutre
Le narrateur est neutre quand il ne prend pas partie. Il est un simple rapporteur des faits qui se déroulent devant ses yeux. Il est totalement objectif. Cette implication est possible avec les points de vue externe et omniscient. Il est impossible d’obtenir une totale objectivité avec le point de vue interne car ce dernier exprime les pensées d’un personnage qui n’est pas objectif lui-même.
Le narrateur subjectif
Le narrateur est subjectif quand il intervient dans la narration. Il place des commentaires, prend position pour l’un de ses personnages ou pour une cause en particulier. Cela peut-être au sein d’un point de vue interne, omniscient ou externe. Il y a plusieurs degrés de subjectivité.
Les commentaires, la prise de parti
JK Rowling, dans la description qu’elle fait des Dursley tout au début de son roman, prend fait et cause pour le jeune Harry. Elle se moque gentiment du mode de vie de sa famille d’accueil. Cependant, ses critiques restent assez légères.
Dans Orgueil et préjugés, Jane Austen se rit régulièrement de la haute bourgeoisie et de ses mondanités par des tournures de phrases moqueuses (et géniales).
La subjectivité de fait : le point de vue interne
Dans le point de vue interne, le personnage est le narrateur et vice-versa. Lorsqu’il parle des faits, des personnes qu’il rencontre ou des choses qu’il voit, il inclue forcément une part de subjectivité. Il regarde le monde avec sa propre culture, ses propres connaissances, ses propres préjugés aussi. Et il y a forcément des gens qu’il aime et déteste.
La subjectivité totale : Le narrateur incertain
Plus encore que le narrateur subjectif, le narrateur incertain (concept anglais du unreliable narrator) peut rapporter l’histoire de façon erronée parce que cela l’arrange. C’est par exemple le cas dans le film Usual suspect où le récit qui régit toute l’histoire est celui d’un suspect à la police… On peut imaginer que le suspect a des raisons de le modifier légèrement… tout l’art du film étant de révéler en une scène toute la vérité.
A votre tour
Quelle place aimez-vous donner à votre narrateur ? Utilisez-vous toujours les mêmes ressorts ou changez-vous selon les histoires ? Pour ma part, j’utilise beaucoup le point de vue interne, ce qui implique une part de subjectivité qui n’est d’ailleurs pas facile à incorporer…
A bientôt,
Marièke
Crédit image : Une jeune femme qui commence son récit : peut-être est-elle en train de s’interroger sur la place du narrateur de son récit ? (Pixabay, CC0)
4 comments
Comme toi, j’utilise un point de vue interne. Tout passe par le filtre du personnage, son attitude, ses avis, ses préjugés. Du coup, quand je change de personnage et donc de point de vue, je change de filtre et ça donne assez bien je trouve.
C’est exactement ce que j’aime faire aussi. Avec le risque de ne pas réussir à donner un style à chacun des personnages (c’est la principale difficulté, je trouve ^^).
C’est vrai aussi. Ceci dit, quand on estime qu’un personnage mérite son point de vue, il est en général suffisamment travaillé pour avoir son style. Sinon, c’est peut-être que ce n’est pas un personnage qui devrait être principal.
Totalement vrai. Je suis partisane de faire des tests et de voir. Ce n’est pas parce qu’on part avec une idée qu’elle est forcément celle qui va s’imposer à la fin. J’ai une histoire avec 6 points de vue internes différents et je me rends compte que c’est difficile à gérer vu que j’ai encore peu développé leur personnalité…