S’il y a bien une chose que j’adore écrire, ce sont les dialogues. Et pourtant, je me retrouve souvent en difficulté au moment de les rédiger. La plupart du temps, la première mouture n’est pas crédible, les dialogues sont trop mécaniques. Voici cinq idées pour rendre ses dialogues naturels.
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1. Donner sa propre voix à chaque perso
C’est le plus difficile. L’idée est que l’on puisse reconnaître chacun des personnages de l’histoire par sa façon de parler. En voici une liste non exhaustive :
- un accent
- un tic de langage
- une tendance à la franchise / timidité
- une grossièreté récurrente
- un humour particulier
- des expressions et des images marquantes
- l’utilisation du patois, de l’argot, de la grossièreté
- le recours à des mots d’une autre langue
- un défaut de langage
- le refus de parler
- les fautes de français : « si j’aurais su » est une faute horrible mais certains l’utilisent… Moins pire : la double négation oubliée par exemple.
Bien entendu l’idée n’est pas de tous les utiliser ou vos personnages risqueraient d’être un peu trop surprenants. Mais c’est toujours intéressant d’avoir des personnages haut en parole.
Plus encore que la façon de parler, il va y avoir le contenu. Vous pouvez avoir des persos qui s’épanchent facilement ou au contraire qui s’enferment et se braquent. Les sentiments profonds, les ressentis peuvent aussi être difficiles à formuler…
2. Éviter d’abuser des verbes de paroles
Dit-il. Vociféra-t-il. Cria-t-elle. Murmurai-je. Des verbes de parole, il y en a pour tous les goûts. Et cela peut vite faire lourd si on en insère à chaque réplique. Dans son livre sur l’écriture, Stephen King est partisan des « dit-il » uniquement. Personnellement, je trouve que c’est un peu limité au vu de tous les verbes de parole dont on dispose (mais bon, ma légitimité est un peu inférieure à celle de cet auteur mondialement reconnu ;)). Il me semble intéressant de les varier et de laisser seules certaines répliques. Si chaque personnage a sa propre voix, il devrait être évident pour le lecteur de comprendre qui parle.
3. Opter plutôt pour glisser des actions
Pour donner du corps au récit, plutôt que des verbes de parole, je préfère glisser des phases d’action. Cela peut aller d’un verre prit sur une table pour boire quelques gorgées à une course poursuite. Cela crée de la vie dans le dialogue. A-t-on souvent une discussion planté, les bras ballants, au milieu d’une pièce ?
4. Éviter les longs monologues
Votre personnage est un militaire qui brief ses troupes ou un politique qui débite un discours. Soit, le monologue peut être accepté et pertinent. Mais ce n’est pas la norme. Même si votre personnage est particulièrement bavard, il s’arrêtera de parler pour vérifier qu’on l’écoute. Il interagira avec son audience… Attention aux longs monologues.
5. Éviter de tout dire
Sauf si l’on a un perso dont le maître mot est la franchise (et le manque de tact), les dialogues sont rarement un moment où tout est dit. Bien entendu, il existe des moments de révélation, de déclaration et de dispute… Mais en général, 1) les êtres humaines ne disent pas tout, 2) ils n’en sortent pas indemnes. Le non-dit est un vecteur essentiel de communication… La difficulté est de savoir l’intégrer dans sa conversation.
Bonus : Éviter de trop s’inspirer du cinéma
Il est vrai que les dialogues, au cinéma, sont souvent très bien rodés. Cependant, il faut se rappeler que la rédaction d’un dialogue dans un scénario ou dans un livre n’obéit pas aux mêmes règles. En effet, dans le cadre d’un film, le dialogue est l’une des seules façons pour le scénariste de faire passer les informations (en plus des images), alors que l’écrivain dispose de bien plus d’armes. Notez les répliques phares et leurs mécanismes, mais faîtes attention à ne pas abuser du dialogue comme source d’information.
Voilà mes principaux chevaux de batailles quand je travaille sur mes dialogues. Pour le point 1, la phase d’accordage entre un personnage et sa voix, je mets beaucoup de temps (à l’image du temps qu’il me faut pour comprendre mes personnages). Les autres phases sont aussi plutôt longs à mettre en oeuvre, car cela demande souvent de modifier votre récit pour que cela fonctionne, mais j’éprouve plus de facilité.
A votre tour
Quels sont vos tours de passe-passe pour réussir vos dialogues ? Aimez-vous les écrire ? A moins que vous ne préfériez la voix passive pour les retranscrire ? Commentez ci-dessous 🙂
Bons dialogues et à bientôt !
Marièke
Crédit image : Deux amis discutent sur un banc, que se racontent-ils ? (Pixabay, CC0)
7 comments
Merci pour le billet. Je suis d’accord que les conseils de Stephen King ne sont pas toujours top. Je trouve qu’ils s’adressent surtout à un public anglophone, ce qui est très différent de notre façon d’écrire bien française.
Même si c’est pas facile d’avoir la légitimité de contredire un mec pareil ^^
Super article! Bon, en tant que super méga fan de Stephen King, je ne peux qu’être contente de trouver ta référence à son livre « Ecriture »… (Et , sans surprise, je suis plutôt d’accord au contraire avec S. K, parce que son style se caractérise justement par des dialogues ultra-réalistes, vivants, toujours justes, jamais plats…! Donc, à mon avis, on devrait en prendre de la graine…!! 🙂 )
Les dialogues, c’est pour moi la partie la plus dure à réussir. J’utilise beaucoup la voix passive, ou bien les « pensées » des personnages, plus que leurs mots véritables. Et, comme toi, j’agrémente régulièrement de gestes, mouvements ou d’expressions de visage pour traduire les sentiments, les non-dits. Bref, mon style lors d’un dialogue est plutôt visuel que purement auditif.
Si ça te dit (et si tu as le temps), je t’invite à venir découvrir les extraits que j’ai mis sur mon blog: ça me ferait plaisir d’avoir ton avis. (dans la rubrique « Le Fil d’Argent » – Avis de lecteurs) A plus…
Merci ! Oui, mon commentaire n’engage que moi 🙂 Je comprends que l’on puisse faire davantage confiance à un auteur comme Stephen King… Son succès parle pour lui ! J’irai jeter un oeil à ton blog et à tes extraits rapidement, promis 🙂
Je découvre votre (remarquable) site, et je n’en finis pas de lire vos articles.
Après avoir posté un commentaire sur les « huit techniques pour venir à bout des scènes compliquées à écrire » je précise en quoi la scène finale qui oppose Harry Potter à Voldemort illustre parfaitement vos « cinq idées pour rendre ses dialogues naturels »
1 – Donner sa propre voix à chaque perso. Dans la version française Voldémort tutoie Harry, Harry vouvoie Tom Jédusor c’est bien suffisant pour savoir qui parle ; je ne maîtrise pas suffisamment l’anglais pour avoir lu la version originale, mais je ne serais pas étonné que chaque interlocuteur ait bien sa propre voix.
2 – Éviter d’abuser des verbes de paroles. Je trouve que c’est le cas (au sujet de l’excellent livre sur l’écriture de Stephen King il me semble évident que J.K. Rowling est d’accord avec vous, et sa légitimité me semble mondialement reconnue)
3 – Opter plutôt pour glisser des actions. Les exemples foisonnent : tous deux continuaient à se déplacer…, la foule qui observait la scène…, ils continuaient de tourner en cercle…, Voldemort se mit à rire…, il y eu un mouvement dans la foule…, il vit les narines de Voldemort frémir, etc.
4 – Éviter les longs monologues. Chaque réplique un peu longue se termine par une question qui rend la parole à l’adversaire ; c’est une joute verbale
5 – Éviter de tout dire. Il faut bien à chaque règle qu’il y ait des exceptions. Dans ce cas, étant donné que c’est le final, voici un dialogue où « tout est dit ». Aussi Voldemort n’en sort pas indemne, car n’ayant pas écouté et n’ayant rien compris il a laissé passer son unique chance de s’en sortir « indemne »
Merci pour tes précieux conseils. Je suis débutante et tu m’es d’une grande aide 🙂 Ecrire! quelle belle aventure 🙂
Merci pour tes encouragements 🙂