Pour ou contre les trigger warnings dans les romans ?

by Marièke

Depuis quelques années, les trigger warnings (TW) sont de plus en plus questionnés en édition. Qu’est-ce que c’est, comment les utiliser, pour ou contre ces outils d’information ? On en parle !

Hello ✨

La question des trigger warnings, sur les livres mais plus largement sur l’ensemble des produits culturels (films, séries, CD…), est très actuelle. Elle se mêle aujourd’hui au courant si décrié qu’est le wokisme et elle fait régulièrement l’actualité. Une plateforme comme Netflix s’y est d’ailleurs pliée. Alors pour ou contre les trigger warnings dans les romans ? On en parle aujourd’hui !

Belle découverte !

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Qu’est-ce que les trigger warnings ?

Avant de s’interroger sur la question de l’article – pour ou contre les trigger warnings ? – voyons d’abord ce que c’est, à quoi ça sert et dans quel type de situation les utiliser.

Définition d’un trigger warning

Un trigger warning, en anglais, est un avertissement, généralement écrit, qui prévient qu’un contenu (souvent dans le cadre d’une production culturelle : film, série, livre…) pourrait faire écho à un traumatisme psychologique vécu par une personne. Il est le plus souvent placé en tout début de l’oeuvre et/ou dans ses métadonnées (pitch, résumé, fiche de présentation…).

Un trigger warning peut aussi être retrouvé sous la forme “TW”. Les autres formules utilisées sont « avertissement au public » ou « traumavertissement ».

Il se différencie des avertissements de type PG-12, PG-16, PG+18 car il cible des contenus en particulier (viol, alcool…) et peut ainsi être utilisé en plus de ces avertissements.

À quoi ça sert ?

Le but des trigger warnings est de préserver la sensibilité des personnes qui ont vécu un traumatisme par le passé ou qui sont particulièrement sensibles à certaines thématiques. Ainsi, elles veulent s’y exposer le moins possible. En informant les consommateurs et les consommatrices de ce qu’iels vont trouver dans une oeuvre, le trigger warning leur permet de choisir de la consommer ou non.

Les traumas que l’on peut annoncer

La pratique des TW étant récente, il n’y a pas de liste exhaustive des traumatismes qui peuvent être annoncés par l’intermédiaire des trigger warnings.

Voici un premier essai de liste des TW que vous pouvez signaler dans un roman :

  • la présence de violences physiques (agressions physiques et sexuelles, viol, violences conjugales…) ;
  • la présence de violences psychologiques (racisme, sexisme, classisme, validisme, homophobie, transphobie…) ;
  • la présence de représentations de troubles psychologiques et de comportements autodestructeurs, type dépendance (dépression, mutilations, suicide, troubles du comportement alimentaire, alcoolisme, drogues…)
  • la présence de sujets forts et marquants (décès, décès d’un enfant, avortement, religion…) ;
  • la présence de sujets d’actualités choquants (COVID-19, #MeToo, #BlackLivesMatter, attentats…).

Pour ou contre les trigger warnings ?

À présent que l’on a fait le tour de ce qu’étaient les trigger warnings, il est temps de répondre à la fameuse question que nous nous posions en intro et que vous vous posiez peut-être en arrivant ici : pour ou contre les trigger warnings ?

Les pour

Il est impossible de savoir le contenu d’un livre avant lecture

Soyons honnête, sauf à mentionner, dès le résumé, que votre personnage traverse une épreuve spécifique ou souffre d’une maladie particulière, il est impossible de savoir, en amont, le contenu d’un livre. Une personne qui achète un livre ne sera donc jamais préparée à ce qu’elle va y rencontrer. Si un sujet est à même de la brusquer ou de la faire souffrir, la prévenir en amont qu’elle pourrait être confrontée à ce sujet pendant sa lecture semble intéressant –si tant est qu’elle souhaite s’en protéger.

Il est impossible d’aller “trop loin” quand il s’agit de respecter les autres

L’argument du “On ne peut plus rien dire” / “Ça va trop loin” ne me semble pas valide dans le cas des TW. En effet, il est impossible d’aller trop loin quand il s’agit de respecter autrui ET quand cela n’a aucun impact sur les autres personnes. On ne parle pas ici de censure ou de supprimer certains passages d’un texte ! On parle d’une mention, en amont d’un texte, afin de protéger des personnes.

Les contre

Le trigger warning est parfois un spoiler

Lorsqu’il est affiché ouvertement, le trigger warning peut, dans certains cas et pour certaines oeuvres, représenter un spoiler. Il peut alors devenir une gêne, notamment pour toutes les personnes qui ne se sentent pas concernées par ce TW. C’est clairement une problématique à prendre en compte au moment d’utiliser les TW pour ses propres oeuvres !

La classification des TW

Je l’ai indiqué un peu plus tôt : la classification des TW et leur liste reste assez floue et est encore assez peu précise. Sans compter que nous sommes chacun et chacune différent·e : les éléments qui nous choquent peuvent fluctuer ou se trouver aux frontières d’autres points problématiques.

Ainsi, faut-il classer agressions sexuelles et viol de la même façon par exemple ? Les séparer ? Les préciser, au risque de mettre des mots choquants qui auront tendance à être violents en dehors même de l’oeuvre ? Ces points restent flous.

L’efficacité des TW remise en cause

Depuis 2020, plusieurs universités américaines ont commencé à mener des études quant à l’impact et à l’efficacité des TW. La question est simple : la présence de TW est-elle suffisante et intéressante pour protéger des personnes ne souhaitant pas être exposées à certains contenus ?

Il semblerait que non, voire, pire, que les TW pourraient avoir tendance à renforcer et à accroître les troubles chez des personnes en situation de traumatisme. Si cela venait à être confirmé (pour l’instant le nombre d’études est encore assez réduit !), il me semblerait important d’arrêter de les utiliser.

Voici les études sources et des articles si le sujet vous intéresse :

Mon avis sur

À titre personnel, et ayant moi-même des sujets qui m’incommodent un peu sans pour autant que j’ai décidé de les bannir complètement de mes lectures, je suis pour l’addition de trigger warnings à mes romans si cela peut aider des personnes.

Mes deux limites sont :

  1. Éviter le spoiler : j’ai décidé d’inclure les TW de mon roman La vengeance est un article qui se publie à chaud en blanc sur blanc dans la fiche de présentation de mon roman. Le but : indiquer que ce roman contient des TW et forcer les personnes qui souhaitent en savoir plus à survoler ces derniers afin de les voir. Ainsi, les personnes qui ne se sentent pas concernées ne sont pas exposées aux TW et au risque de spoiler.
  2. Suivre les résultats des études : si les études montrent, avec le temps, que les TW n’ont aucun intérêt voire qu’ils ont même tendance à accroître le stress et les troubles des personnes en situation de mal-être, j’arrêterai de les utiliser.

Comment utiliser les trigger warning dans son roman ?

Vous avez décidé d’utiliser les trigger warnings pour votre roman. Ok, mais comment ça se passe, comment inclure des TW dans votre roman ?

#1 Choisir les TW présents dans votre roman

La première étape consiste à sélectionner les TW que vous allez associer à votre roman. Pour cela, vous pouvez vous inspirer de la liste présentée un peu plus haut dans cet article. Plus largement, tous les sujets dits “sensibles”, susceptibles de brusquer les consciences et les mentalités, peuvent trouver leur place dans vos avertissements.

#2 Choisir où afficher les TW présents dans votre roman

La deuxième étape consiste à choisir où afficher les TW de votre roman.

Plusieurs possibilités (vous pouvez les afficher à un ou plusieurs de ces endroits) :

  • Dans votre roman, à une page spécifique en début ou en fin de votre texte ;
  • Sur la couverture de votre roman, au dos, dans le résumé ou à part : cette méthode a le mérite d’être transparente mais elle peut aussi entraîner du spoiler… ;
  • Dans les métadonnées de votre roman : dans la fiche de vente, dans la fiche de présentation, dans le résumé présent en ligne… Pour ma part, afin d’éviter le spoiler, j’ai choisi d’écrire en ton sur ton les TW de mon roman La vengeance est un article qui se publie à chaud.

#3 Annoncer que votre roman comporte des TW

Dernière étape, annoncer, dans votre communication, que votre roman comporte des TW et qu’il est possible de les retrouver à un endroit spécifique de votre roman / de votre site.

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Nous voilà à la fin de cet article sur les trigger warnings : vous savez tout !

Vous utilisez des TW ? Vous pensez en utiliser ? Que pensez-vous de ces outils de communication un peu particulier ? Dites-moi tout en commentaires !

Belle fin de semaine,

Marièke ✨

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3 comments

NIESEN 24 juin 2022 - 19 h 40 min

Bonjour,
Eh bien, la question me semble difficile à trancher. Comme tout le monde ou du moins beaucoup de gens je suppose, je suis très sensible à certains sujets. D’autres m’insupportent totalement (ce sont deux sentiments totalement différents). Mais comment savoir ? N’importe qui peut être sensible ou réfractaire à n’importe quoi. Parfois (je parle d’expérience) ce peut être un tout petit passage, même pas super important pour l’intrigue, qui va me jeter hors de mes gonds ou me dégoûter si fort que je vais immédiatement refuser, rejeter, détester l’œuvre dans son entier. Je pense à un souvenir récent, le roman intitulé « Betty, » l’histoire d’une jeune métisse amérindienne au début du XXème siècle. Le roman aborde des thèmes difficiles, voire durs, l’inceste, le viol, le racisme… Mais ça, le résumé m’y avait préparée. Oui, j’ai bondi en voyant comment le père de famille, Amérindien, et ses enfants métis, étaient traités, ça m’a révoltée, ce racisme primaire… mais je trouvais le roman très bon… jusqu’à un passage à priori anodin, sauf pour moi : le massacre d’une portée de chatons. Et c’est vraiment un massacre, c’est horrible, c’est sadique, brutal… et le roman a atterri dans la poubelle, avec un flot d’injures et un torrent de larmes. Parce que c’est LE sujet que je ne supporte pas, la maltraitance animale. mais comment savoir ? C’est un tout petit passage d’un roman dont les thématiques sont ailleurs, alors comment l’auteur pourrait-elle prévenir au début ? Pour moi ce n’est pas le premier exemple, d’un tout petit truc qui m’a choquée, voire traumatisée, alors que c’était un détail par rapport à la trame directrice.
Je pourrais citer le film « Gorilles dans la brume », inspiré par la vie de Dian Fossey. Un très bon film… jusqu’à la fin où il y a des passages courts mais atroces de chasseurs qui… bref. Jamais je ne reverrai ce film, j’ai regretté de l’avoir vu,, pour moi c’est un sujet tabou.
Du coup, à la lumière de ces exemples; j’ai envie de dire que je suis contre les .. machins… désolée, mais les termes anglais, moi… bref, ces avertissements. Sauf si le thème principal est à priori choquant (mais les à priori, là encore…). La vie est pleine de risques, alors oui, des fois on tombe, on se cogne, on a mal. Mais on ne met personne à l’abri de la vie.

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Marièke 25 juin 2022 - 10 h 42 min

Je suis globalement assez d’accord avec vous et avec le fait qu’on ne met jamais réellement personne à l’abri de la vie (j’aime bien votre formule !). Ceci étant, si ça peut rassurer et que ça ne vient pas perturber le plaisir d’autrui, je n’y trouve rien à redire 🙂
PS : je suis un peu pareille en ce qui concerne la maltraitance animale. Un chien qui est tué dans un film et je suis dégoutée pour tout le film… et en même temps, difficile de le notifier :s

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Enirtourenef 2 juillet 2022 - 16 h 36 min

Pourquoi est-ce que la mention de trigger warning pourrait accentuer les troubles ?

De mon côté, je serais éventuellement OK pour les mettre si ça se révèle vraiment utile, mais seulement si la liste n’est pas écrite directement (pour éviter de me divulgâcher l’histoire, à moi et aux autres lecteurs qui n’en ont rien à cirer qu’on viole et qu’on tue, etc.) : c’est-à-dire que, si c’est un QR code qu’on peut choisir de décrypter ou pas, c’est OK pour moi.

J’aime bien aussi la formule de la personne dans le commentaire précédent 🙂

J’ajouterais qu’il y a des gens où les trigger warning sont inutile. Je pense au thriller ou à la dark fantasy. Bien sûr que, dans la dark fantasy, c’est une ambiance glauque avec une haute probabilité de trouver des meurtres, des viols, des maltraitances en tout sens. D’ailleurs, ce n’est pas tant que le contenu, qui me met mal à l’aise, dans la dark fantasy, que l’ambiance elle-même, l’atmosphère très gluante. Alors on va aussi devoir notifier l’atmosphère ? Pour ma part, je trouverais ça un peu exagéré : je sais, quand le livre est classé dark fantasy, que je dois bien réfléchir avant de l’acheter (et de le lire) et que, si je le fais, c’est avec un auteur pour lequel je me sens capable de le faire et à un moment où mon humeur est assez stable pour affronter le tourbillon de glauque que mon moi-éponge va devoir absorber.

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