Alors que le ton continue à monter contre l’écriture inclusive et tout particulièrement contre le fameux point médian (qui aurait cru qu’un si petit symbole pouvait cristalliser autant de hainte ?), de nombreuses entreprises envisagent de l’utiliser dans le cadre de leurs communications en interne et en externe (sur leur site, dans leurs articles…). Une envie intéressante qui se heurte à une limite de taille : l’algorithme de Google, moteur de recherche dominant sur le marché, qui régit en partie l’écriture web, ne saurait actuellement ni lire ni interpréter le point milieu. Est-ce une raison pour ne pas l’utiliser ? Comment utiliser l’écriture inclusive dans le cadre d’une rédaction web SEO ? Quelles sont les autres solutions, s’il y en a ? Dans cet article, on prend le temps de décrypter l’écriture inclusive (sur le point médian mais aussi sur ses différentes prérogatives) pour montrer en quoi son usage peut poser problème avec le fonctionnement actuel de Google. Et on envisage des solutions en proposant trois pistes pour écrire en écriture inclusive ses articles de blog SEO sans perturber Google.
✨ Pourquoi ce sujet ? Sur ce blog, j’ai fait le choix d’utiliser l’écriture inclusive depuis septembre 2018. Ce, parce que je suis féministe et que cette forme d’écriture et d’expérimentation me semblait nécessaire dans le cadre de mon activité. En tant que rédactrice web, je trouvais intéressant de tester la réception, l’adéquation de l’écriture inclusive à mon métier et les différents formats que je pouvais appliquer. Aujourd’hui, je vous propose une réflexion sur ce que j’ai pu observer et adopter.
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Qu’est-ce que l’écriture inclusive ?
Si elle est souvent réduite au fameux point médian « ·« , l’écriture inclusive ce n’est pas ça–ou du moins, ce n’est pas uniquement ça. L’écriture inclusive, c’est une forme de l’écriture du français qui a pour but de donner de la visibilité aux femmes et aux minorités. Dans cet objectif, elle tourne autour de trois concepts.
Féminisation des titres et des fonctions
La féminisation des titres consistes à accepter des expressions telles que :
- Madame LA ministre
- Madame LA maire(sse)
S’il reste encore quelques opposants à cette application de l’écriture inclusive, l’usage a depuis longtemps supplanté les recommandations de l’Académie française qui s’est alignée le 28 février 2019.
Féminisation des métiers
L’écriture inclusive appelle aussi à la féminisation des métiers : boulanger / boulangère (la boulangère n’étant pas forcément la femme du boulanger), plombier / plombière, avocat / avocate… Du fait du passé et de l’usage, tous les métiers n’ont pas encore de forme féminine installée et largement utilisée. C’est le cas, par exemple de :
- peintre / peintresse
- auteur / autrice
- maire / mairesse
Cependant, l’écriture inclusive pousse à l’utilisation et à la démocratisation de ces noms de métiers. Ce, dans le but de mieux parler des femmes qui pratiquent ces activités mais aussi de montrer que ces activités peuvent être pratiquées par des femmes.
?Le saviez-vous ? Des études ont montré que l’usage impactait les représentations. Moins de femmes auront tendance à présenter leur candidature si une annonce est formulée uniquement au masculin. Pour plus de chiffres sur l’impact de l’écriture et de la langue sur les perceptions, je vous invite à découvrir l’excellente vidéo de Scilabus.
Féminisation de l’accord en genre et en nombre
La règle « Le masculin l’emporte sur le féminin », réinterprétée plus récemment sous la forme « le masculin équivaut au neutre dans la langue française » est certainement la règle qui cristallise le plus de questionnements et de problématiques au moment de féminiser la langue française.
Pour y répondre, plusieurs solutions sont appliquées :
- Utiliser des noms épicènes : des noms qui englobent tout le monde sans distinction de genre ou de nombre. « Les personnes », « Les gens », « Le lectorat », « l’audience » : l’ensemble de ces termes évitent de s’interroger sur le nombre d’hommes et de femmes présents dans l’audience. Mieux, ils englobent aussi les personnes non binaires.
- Appliquer l’accord de proximité : « Les kiwis et les pommes ont été mangées. » Dans l’exemple ci-contre, « pommes » (féminin) est le sujet placé plus proche du verbe et c’est donc avec lui que s’accorde le verbe. La limite de cette technique est que cette règle n’est pas communément admise et elle peut s’apparenter à une faute de français. C’est pourquoi j’ai fait le choix de ne pas l’utiliser.
- Utiliser l’alternance : dans un récent article écrit sur le métier de rédacteur web, j’ai fait le choix d’utiliser de façon aléatoire, le terme « rédacteur web » et « rédactrice web ». Il était difficile, pour la compréhension et la lecture, d’écrire « rédacteur/trice » web à chaque fois. Utiliser de façon aléatoire la forme masculine et la forme féminine m’a permis d’avoir une écriture plus « légère », sans pour autant négliger la représentation et le sens. Cependant, ce n’est pas une solution qui peut s’appliquer dans tous les contextes.
- Énumérer les deux formes, en cas d’accord masculin et féminin et/ou pluriel : « Les rédacteur·trice·s web sont des professionnel·le·s de l’écriture. » Dans cet exemple, j’ai utilisé le point médian (·) aussi appelé point milieu, mais notez que l’on peut aussi utiliser les parenthèses ou les tirets. Les parenthèses sont ainsi beaucoup mieux acceptées, on les retrouve notamment sur de nombreux papiers officiels : « Né(e), domicilé(e)… » et ainsi de suite ! Cette méthode a plusieurs limites : peu lisible, difficile à prononcer à l’oral et compliqué à mettre en oeuvre.
La question des personnes non binaires
L’écriture inclusive a vocation à intégrer et à développer la représentation, dans la langue française, des personnes invisibilisées. Les femmes, donc, mais aussi les personnes non binaires que les formes masculines et féminines ne sont pas aptes à représenter. Différentes formes commencent à se développer et à se faire entendre, parfois dans la douleur –comme souvent quand il s’agit de toucher à la langue française :
- Les pronoms IEL, OL, AEL ou encore UL tentent de se faire une place. Ils viennent au secours de IL et ELLE pour mieux définir les personnes non binaires ;
- Dans certaines interprétations langagières, le point médian / point milieu intègre non seulement la forme féminine mais aussi les personnes non binaires. Sinon, certaines personnes apprécient l’usage de la lettre X pour inclure les personnes non binaires : écrivain-e-x ;
- Plus encore, le français propose généralement deux formes pour les mots et adjectifs : une forme féminine et une forme masculine. La / le, grand / grande, voisin / voisine, lent / lente et ainsi de suite. Afin de mieux représenter les personnes non binaires, de nouvelles formes apparaissent : lae / granx / voisaine, lenx…
Ces formes restent assez faiblement utilisées. D’une part parce que les personnes non binaire intéressées par ces questions sont peu nombreuses. D’autre part parce que leur usage et leur questionnement est souvent prétexte à une levée de boucliers. Mais je trouve intéressant de savoir ce que ces formes existent et qu’elles sont expérimentées et utilisées pour mieux répondre aux limites de la langue française sur la question de la non binarité.
Écriture inclusive et SEO : quels sont les freins ?
Le SEO est aujourd’hui une contrainte technique pour qui crée du contenu à visée de visibilité sur le web. Or ses contraintes et son fonctionnement peuvent venir s’opposer à l’écriture inclusive.
Qu’est-ce que le SEO ?
SEO signifie « Search engine optimization« , autrement dit « Optimisation pour les moteurs de recherche ». Il s’agit de créer des contenus optimisés pour être trouvés et référencés en hautes places par les moteurs de recherche et, plus précisément, par Google. En effet, Google est leader sur le marché et l’optimisation des contenus se fait majoritairement selon ses recommandations (et de toute façon, ses concurrents tentent de se calquer sur son algorithme…).
Le SEO est un enjeu majeur pour de nombreuses entreprises et pour cause : c’est un canal d’acquisition de nouveaux clients majeur ! C’est notamment le cas pour les entreprises de service ou pour les sites e-commerces.
Si Google n’a jamais communiqué sur son algorithme exact (on comprend aisément qu’il ne veuille pas confier sa recette magique), les fuites, les annonces régulières et les expériences des professionnels tendent à montrer que le SEO se base sur trois piliers :
- la structure technique du site
- les interconnexions entre le site et le reste du web
- les contenus du site
C’est ce troisième et dernier point qui nous intéresse tout particulièrement dans notre discussion du jour car c’est lui qui touche spécifiquement à la rédaction et aux contenus.
Comment fonctionne le SEO pour les contenus ?
Google met en corrélation des recherches des utilisateurs avec des contenus qu’il juge correspondre à leur intention de recherche. En d’autres termes, à travers un ou plusieurs mots entrés dans la barre de recherche, Google devine ce que vous cherchez et vous le transmet.
- « Culotte rouge » : Google comprend que vous cherchez à acheter une culotte rouge ;
- « Rédacteur web » : Google comprend que vous cherchez à devenir rédacteur web ou que vous recherchez à embaucher un rédacteur web pour votre activité. Il vous propose donc ces deux types de résultats ;
Et ainsi de suite ! Plus vous êtes précis dans votre demande, plus Google affine ses réponses :
- « Coudre une culotte rouge » : Google comprend que vous souhaitez apprendre à coudre votre culotte et vous proposera des formations, des patrons et des vidéos Youtube au format tutoriel ;
- « Comment devenir rédacteur web » : Google comprend que c’est exercer cette activité qui vous intéresse et il vous propose de ce fait des contenus liés à cette activité !
En quoi SEO et écriture inclusive peuvent se confronter ?
Ces bases ainsi posées, peut-être comprendrez-vous en partie comment SEO et écriture inclusive peuvent se confronter à différents niveaux.
- Addition des formes non encore reconnues : la lecture du point milieu (mais aussi de la parenthèse) n’est pas encore au point en SEO. Ce, notamment, parce que Google est un outil façonné en langue anglaise : il répond en premier lieu aux particularités de la langue anglaise. Aujourd’hui, les termes « Rédacteur web » et « Rédacteur·trice web » n’amènent pas aux mêmes résultats ;
- Formes féminisées des termes non reconnues : si vous cherchez « Peintresse » vous trouverez sur Google les réflexions autour de la féminisation de ce terme… si vous cherchez « Peintre » vous aurez une liste des artistes peintres célèbres et des informations pour devenir peintre en bâtiment !
Et le cercle vicieux qui en découle : les débats autour de la féminisation des noms a tendance à dépasser l’usage réel du mot… aussi il est souvent plus facile, au moment de chercher un nom de métier, par exemple, de chercher le nom masculin pour trouver des informations sur ce métier. Cela a un impact puisque les rédacteurs et les rédactrices de nouveaux contenus vont avoir tendance à écrire des contenus pour les mots clés les plus recherchés… En d’autres termes, les usagers et les usagères cherchent au masculin pour avoir des réponses et les créateurs et créatrices de contenus créent des contenus au masculin pour répondre à leur demande… les formes féminines disparaissent –ou du moins n’apparaissent que pour des réflexions liées à leur faible utilisation ! Le serpent se mord la queue ! ?
3 pistes pour intégrer l’écriture inclusive dans la rédaction web SEO
Comme tous les outils, le SEO, et plus largement l’algorithme de Google, a un impact sur notre façon de penser et sur notre façon d’écrire. Et donc, sur notre usage de l’écriture inclusive. Sachant cela, il peut être difficile, en tant que rédacteur(trice) web d’intégrer l’écriture inclusive dans nos textes. Je vous présente ici quelques unes de mes pistes de réflexions en tant que rédactrice web –je vous laisse me partager votre usage !
#1 Informer le client
En rédaction web, c’est votre clientèle qui décide. Si vous pouvez lui suggérer d’adopter l’écriture inclusive parce que c’est important pour vous en tant que rédacteur(trice) web, c’est votre clientèle qui aura le dernier mot. C’est normal après tout : c’est son image et son argent qui est en jeu !
Ceci étant posé, vous pouvez totalement évoquer avec votre clientèle :
- les choix qui s’offrent à elle : écriture inclusive, écriture au féminin… ;
- les avantages et limites d’utiliser l’écriture inclusive pour son référencement web mais aussi pour son image (soyons honnête, l’écriture inclusive peut engendrer des polémiques et des problématiques que toutes les entreprises ne veulent pas gérer !) ;
- votre position par rapport à l’écriture inclusive : pourquoi vous souhaitez l’utiliser de façon générale et pour le site et les textes de votre client(e).
#2 Rendre l’écriture inclusive « transparente »
Beaucoup résument l’écriture inclusive au point médian. C’est lui qui cristallise une majorité des débats. Or, on l’a vu, le point médian ne représente qu’une partie seulement de l’écriture inclusive. Il est totalement possible d’écrire en écriture inclusive de façon presque « transparente », non visible ! Ainsi, la féminisation est présente mais les critiques sont moindres !
Pour cela, vous pouvez abuser de :
- la féminisation des titres et des fonctions : cet aspect est largement accepté, même pas l’Assemblée nationale, pour dire 😉
- la féminisation des noms de métier : de même, cet aspect est largement démocratisé ;
- la féminisation en nombre et en genre sans utiliser le point milieu. Vous pouvez ainsi utiliser les noms épicènes (la clientèle, l’audience…) et les doubles occurrences ou doublons (les clients et les clientes, les auditeurs et les auditrices…).
Votre texte sera plus inclusif de cette manière tout en restant discret et non vindicatif. Ce n’est pas complètement inclusif (les personnes non binaires et transgenres pourront peiner à se retrouver entre ces lignes), mais c’est déjà une meilleure façon de promouvoir l’inclusivité de la langue française, sans pour autant mettre votre clientèle et son image en porte-à-faux, plongé dans des questions d’écriture inclusive.
Utiliser l’alternance
Pour aller plus loin dans la notion d’écriture inclusive « discrète », j’ai eu l’occasion de croiser des guides qui ont fait le choix de l’alternance. Ils s’adressent parfois au masculin et parfois au féminin pour parler à des publics spécifiques. Cela est intéressant et peut être proposé comme alternative au doublon systématique à votre clientèle. Attention tout de même : il peut être difficile de comprendre l’alternance ET ce choix peut être considéré comme politique et critiqué.
#3 Écrire au 100% féminin
Une autre alternative consiste à retourner les rôles et à écrire au 100% féminin. C’est l’option que j’ai choisi à titre personnel dans le cadre de la rédaction pour mon entreprise La Patronnerie, qui rassemble un espace de coworking dédié à l’entrepreneuriat au féminin et une boutique collaborative féministe. Écrire au féminin nous paraissait intéressant pour nous adresser à notre audience majoritairement féminine et était un vrai acte féministe. Je le fais aussi pour l’une de mes entreprises clientes dont la clientèle est majoritairement féminine.
Cela entraîne deux réflexions / questions :
- L’impact au niveau du référencement : comme indiqué plus haut, les mots au féminin n’entraînent pas toujours les mêmes recherches que les mots au masculin. Ce choix peut pénaliser le référencement général ;
- La représentation des personnes non binaires : nous n’avons pas encore de réelle solution face à ces questions. Si vous avez des solutions et des usages différents par rapport à ces questions, je suis toute ouïe !
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Aujourd’hui, l’écriture inclusive de la langue française est une thématique qui m’importe et qui me questionne, à titre personnel (pour mes engagements féministes) et professionnels (pour mon job de rédactrice web spécialisée dans le SEO). Il m’est encore difficile aujourd’hui de pousser l’écriture inclusive auprès de ma clientèle et même dans les titres de mon propre bloc à cause du déficit de visibilité que cela semble entraîner auprès de Google. J’espère des évolutions avec le développement de l’usage de l’écriture inclusive.