Il y a maintenant près de 10 ans, je terminais le premier jet de Évidence, mon premier roman. J’avais alors 17 ans et je m’apprêtais à commencer ma Terminale. Je détestais me relire et Évidence est quelque part dans un tiroir (enfin, c’est une façon de parler : dans un fichier de mon ordinateur), vierge de toute réécriture. Je ne l’ai jamais vraiment terminé et pourtant j’ai tiré de cette expérience de nombreuses leçons que j’utilise encore pour écrire.
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1. Un roman terminé ne l’est pas
Je l’ai appris à mes dépends. Un premier jet n’est en aucun cas la version finale d’un roman. Un premier jet est bazardeux, il a des personnages parfois instables, des intrigues pas toujours cohérentes. Il a des fautes d’orthographes et de syntaxe. C’est pourquoi j’ai un peu peur de remettre le nez dans Évidence : je sais que le travail de réécriture sera conséquent. Je le ferai certainement. Un jour.
2. Le premier jet n’est pas définitif
Et donc, ça ne sert à rien de faire tout un plat du premier jet. En vrai, il est tellement bancal qu’il a le seul mérite d’exister et de servir de squelette à la suite du travail. Cela ne sert à rien de peaufiner un premier chapitre 15 fois avant d’écrire le deuxième chapitre : vous vous rendrez peut-être compte, au chapitre 14, que vous avez oublié un personnage important… Puis au chapitre 22 que votre personnage n’a pas les cheveux blonds comme vous le pensiez, mais roux. Alors mieux vaut noter tout ça quelque part et continuer. Quitte à faire un premier jet imparfait puisque de toute façon, il ne sera pas définitif.
3. Ecrire, c’est de la persévérance plus que du talent
J’ai aussi appris qu’écrire est d’abord une question de persévérance, de ténacité. Une belle histoire jamais terminée, qu’est-ce, sinon une belle histoire jamais terminée ? Elle finira sa vie dans un fichier informatique où, c’est vrai, elle ne prendra pas la poussière, mais où elle ne sera jamais lue. Ecrire, c’est avant tout se botter les fesses pour se pousser à avancer, même si l’histoire est un peu bancale et que vous vous en rendez compte. L’inspiration d’une intrigue, le talent de la belle tournure de phrase ne suffisent pas à faire un roman. S’asseoir chaque jour devant son bureau pour écrire, par contre… Et même si vous ne trouvez pas la bonne tournure lors du premier brouillon pas de problème : vous pourriez trouver l’idée qui tue lors de la deuxième, de la troisième ou de la énième version.
4. Écrire un roman est possible…
Finir ce premier jet pour la première fois a été un souffle de confiance en moi énorme. Jusqu’ici, je me lançais dans des projets compliqués dont je ne parvenais jamais à voir la fin. Je m’arrêtais au premier chapitre, au cinquième quand je me forçais. Et j’en étais arrivée à me demander si je ne serais jamais capable de réussir à écrire et si mon envie d’être écrivaine (je l’ai depuis mes 7 ans) était réaliste. Conclure ce premier jet m’a prouvé que j’en étais capable. Quand je me lance dans un projet aujourd’hui, je suis beaucoup plus convaincue de ma capacité à éviter les pièges et à réussir grâce à cette expérience. D’ailleurs, j’ai conclu tous les projets entamés depuis. (Enfin, j’ai conclu les premiers jets ^^)
5. …à condition d’avoir un plan
Ce qui a fait que j’ai réussi cette fois là est que j’avais un plan. C’était un drôle de plan puisque c’était une histoire courte (pas vraiment une nouvelle, plutôt un conte écrit quand j’étais en cinquième). Un jour, j’ai décidé de réécrire cette histoire et elle est devenue un roman sans que je ne le décide vraiment. Le conte initial était donc une sorte de synopsis géant qui m’a bien aidé… Je l’ai compris bien plus tard mais l’existence de ce plan m’a permis de finir là où mes petites idées sur lesquelles je me basais auparavant pour écrire un roman n’étaient pas suffisantes. Pour le roman suivant, L’Encre de Paix, j’ai fait un plan. Cela a fonctionné.
6. Ecrire s’apprend — et on apprend en écrivant
Que vous écriviez de la fiction ou de la non-fiction (un mémoire, une thèse, des articles pour votre blog), vous apprenez. J’ai appris en finissant ce premier roman que je travaillais mieux avec un plan solide. Et depuis, je continue d’apprendre à chaque fois que je travaille sur un autre projet de fiction ou de non-fiction. J’ai découvert il y a peu que je suis plus inspirée le soir mais beaucoup plus productive le matin…
7. Finir un roman n’apporte pas la gloire
Je n’ai pas envoyé mon premier jet aux maisons d’édition, je n’ai pas été publiée, je n’ai pas été courir les salons, je n’ai pas signé d’autographe. Matériellement, avoir conclu ce premier jet ne m’a rien apporté. Et c’est aussi un apprentissage. L’écriture est avant tout un voyage personnel et il faut en profiter car il pourrait rester personnel 🙂
8. Savoir reconnaître les imposteurs
Les « écrivains » qui vous expliquent qu’ils ne retravaillent jamais leur premier jet et que toute l’histoire devrait couler de source du premier coup sont soit 1) des menteurs ou 2) des imposteurs ou 3) les deux. Tous les auteurs que j’ai rencontrés jusqu’à maintenant (et je commence à en connaître un petit paquet) disent la même chose – le premier jet est un bazar sans nom. Avancez à votre vitesse sans complexes et n’écoutez pas ceux qui vous disent qu’écrire est une histoire de muse, de talent et d’inspiration : ils n’ont jamais écrit plus d’un chapitre… La muse, le talent et l’inspiration existent et peuvent allumer l’étincelle de votre roman… mais c’est le bois coupé à la sueur de votre front qui le fera arriver à terme.
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Au final, et c’est réellement ce que cette première aventure m’a appris, il ne faut pas se faire tout une histoire du premier jet. C’est un moment important pour votre histoire, certes, car c’est la première fois qu’elle prend réellement forme sur le papier, mais c’est tout. Rien ne vous empêche de le modifier presque entièrement si la structure, telle que vous la faites lors du premier jet, ne vous satisfait pas. Le premier jet est seulement un brouillon à bonifier.
Avez-vous déjà terminé le premier jet d’un roman ? Qu’avez-vous appris à travers cette expérience ? Avez-vous du mal à finir vos romans depuis ou est-ce que, comme moi, cela vous a débloqué ?
A vendredi pour un article un peu différent de ce que je fais d’habitude, spécial Noël 🙂
Marièke
Crédit image : La première première version de Evidence a été écrite de façon manuscrite (Pixabay, CC0) — l’histoire faisait alors 40 pages grands carreaux recto-verso. J’ai commencé la réécriture lorsque j’ai reçu un ordinateur portable, quelques temps après. Le roman fait désormais plus de 100 pages A4 sur Word en Times New Roman taille 12 🙂
15 comments
A l’écriture d’un premier roman j’ai découvert une chose, ou plutôt deux… L’importance d’avoir un bon logiciel word ou pages ne faisant pas vraiment le boulot. Et l’importance de planifier un minimum… Pas forcément un plan détaillé mais au moins les grandes lignes…
Oui, c’est facile de se perdre lorsque l’on a aucun plan. Après, ça dépend vraiment de la méthode de chacun : je connais des personnes qui préfèrent ne pas avoir de plan et ça leur va bien…
J’ai fini plein de premiers jets (3 ou 4 déjà) mais seulement 2 sont déjà devenus des romans « publiables »… et encore, j’estime qu’il y a encore des choses à modifier et à améliorer.
Les miens étaient aussi, au début, manuscrits dans des cahiers d’écolière… Par contre, j’ai toujours pensé que le premier jet était un matériau brut dans lequel il fallait tailler, comme une roche que l’on sculpte. Il ne m’est jamais venu à l’idée de balancer le 1er jet directement à un éditeur !
Mais je te rejoins, ça fait beaucoup de bien de finir un premier jet, surtout la première fois : on se dit « je peux le faire ». Et puis en fait, à la réécriture, j’ai changé 50 fois de fin. En fait j’ai changé aussi 50 fois de milieu et peut-être bien 50 fois de début (rires). Finalement la fin du 1er jet n’est que le début de l’aventure, pas sa fin…
Totalement d’accord : le premier jet est un début. C’est à la fois rassurant — on va pouvoir modifier tout ce qu’on a raté — et effrayant — toute cette souffrance n’était qu’un avant-goût ! 🙂
Tout à fait d’accord avec ton article. Merci à toi pour ton point de vue et ton expérience.
Après un premier jet, il y a encore tant de travail! Mais c’est déjà une sacré étape de faite 🙂
Mon premier roman « Chasseurs de démons » terminé vers 18 ans, est planqué également dans mes tiroirs virtuels. Je n’ose pas remettre mon nez dedans, ça serait vraiment trop effrayant! :p
De rien 😉 Des fois, je m’amuse à déterrer mes premiers textes. J’ai commencé à écrire à l’âge de 7 ans et c’est finalement assez drôle de voir comment on évolue avec l’âge, au fil des livres qu’on lit et qu’on aime, ou encore à mesure que l’on écrit…
Mmmmmm
Instructif ton article. C’est toujours intéressant de connaître comment cela fonctionne pour certains mais pas forcément pour d’autres…ceci dit beaucoup de vérités qu’il fallait dire !
En ce qui me concerne, je ne fais pas de plan… je n’arrive pas à avancer 🙁 par contre j’ai mon histoire bien ancrée dans ma tête et elle défile au fur et à mesure que je l’écris… me mettant mentalement dans les situations…
Pour moi, quand j’écris, mon 1er jet doit avoir un minimum de fautes ^^ pour me permettre de continuer…sinon je bloque 😉
Mais au final, ce 1er jet, sera finalement lu, relu et re relu autant de fois qu’il le faudra… mais pas avant un laps de temps… il faut savoir laisser reposer…
On est d’accord : cet article est une expérience personnelle ! Ce qui marche pour les uns ne marche pas forcément pour les autres. Il faut trouver sa méthode avant tout (mais tester celle des autres peut permettre de trouver la sienne !).
Oui, certains sont bloqués par la présence d’un plan. Pour ma part, le plan n’est pas un objet immuable : il m’arrive de le changer si je sens que l’histoire évolue et s’étoffe : c’est un bon moyen pour ne pas me sentir entravée dans ma créativité 🙂
Merci ton article m’a redonné confiance et courage.
Heureuse qu’il ait pu te servir ! 🙂
C’est un article pertinent dans lequel je retrouve beaucoup de mes convictions, que je partage aussi sur mon blog. Écrire, c’est clairement une question de travail et de persévérance, et les gens qui prétendent que c’est facile, qu’il n’y a pas besoin de retravailler ses textes, me hérissent fortement. D’ailleurs, mieux vaut ne pas jeter un œil à leurs écrits, on remarque vite ce manque d’implication et de travail… Bon courage dans ton entreprise d’écriture.
Le problème – un des problèmes- qu’on retrouve dans l’auto-édition est justement cette ignorance sur la nature du premier jet… Du coup, on trouve des livres catastrophiques (vraiment, j’ai été horrifiée plus d’une fois par des auteurs auto-édités!) parce que ces écrivains se sont fiés à des proches qui ont manqué des sens critique Et , du coup, ils perdent beaucoup de lecteurs potentiels lorsqu’ils sortent leur deuxième livre. Ça a de quoi démoraliser s’ils ne savent pas ce qu’ils ont fait de traversé.
Bonjour! J’ai 14 ans et je commence à écrire (ce que je n’appellerai pas un livre tant que le premier jet ne sera pas fini, au cas où j’abandonnerai avant la fin). Je lis de nombreux articles sur ce sujet, ce qui me permet de structurer un peu mes pensées. Pour ma part, j’ai testé de faire un plan mais des idées fusent donc je ne le suis pas vraiment. J’ai l’idée à long terme mais pour y arriver c’est un peu fouillis. Auriez-vous des conseils à me donner pour me concentrer sur ce qui est important et ce qui ne l’est pas svp? Une amie a déjà lu le texte déjà écrit, mais je n’en suis qu’au chapitre 10. Est-ce une bonne chose? Ou plus attendre la fin? J’espère que vous allez me répondre. Maë
Bonjour ! Cela dépend vraiment des auteurs alors je n’aurais pas de recette miracle à te donner. Si le plan est quelque chose qui est trop structuré pour toi et que tu as du mal à suivre, commence peut-être par faire un synopsis assez détaillé (un résumé de ton livre). Cela te permettra de fixer tes idées et de ne pas écrire des chapitres entiers que tu jetteras peut-être à la poubelle ensuite parce que tes idées sont parties dans tous les sens 😉 Pour ce qui est de la relecture de ton amie, je ne sais pas. Je te conseillerais plutôt d’attendre d’avoir écrit la fin, surtout si tu es du style à avoir les idées qui fusent, parce qu’elle va forcément t’influencer avec ses retours et tu risques de perdre un peu le fil et avoir de nouvelles idées.