L’impact du point de vue sur un récit est immense. Le point de vue influence la façon de raconter, le style utilisé. Dans cet article, je me propose d’étudier le rôle de chacun des points de vue sur votre récit.
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L’influence du point de vue interne
Style
En point de vue interne, il faut coller avec le style de votre personnage. S’il vient de la Haute, vous ne pourrez pas utiliser le même style que s’il vient de la banlieue de Marseille.
Histoire
Si vous choisissez le point de vue interne, vous vous concentrez sur les pensées et les connaissances d’un personnage. Or votre personnage ne sait pas toujours tout et cela peut ajouter des difficultés au moment de faire avancer l’intrigue. Par exemple, dans Orgueil et Préjugés, on suit seulement l’intrigue à travers les pensées de Élizabeth. Pour suivre les autres personnages, on utilise les lettres, les dialogues.
Objectivité
Nous l’avons vu récemment, il est impossible d’être entièrement objectif en adoptant un point de vue interne. D’une part car un personnage n’est jamais objectif. Dans Orgueil et préjugés, Élizabeth donne deux portraits bien différents de Mr Darcy. D’autre part, car même s’il souhaite être neutre, il peut se tromper. Prenez le docteur Watson qui essaye d’être neutre : il peut se tromper en rapportant quelque chose.
Difficulté(s)
J’ai construit L’Encre de paix en point de vue interne. Sauf que c’est un roman de guerre et politique. Pas facile de retranscrire les débats, les échanges ou encore les actions qui se déroulent dans le dos de mon héroïne ! De même, les descriptions posent pas mal de problèmes : pourquoi irait-elle parler du décor de la chambre dans laquelle elle évolue depuis toujours ? Pour être entièrement crédible, le point de vue interne pose de nombreuses questions.
Un livre exemple
J’aime beaucoup la façon avec laquelle Suzan Collins l’a géré dans Hunger Games… Sauf peut-être dans le troisième opus où l’intrigue s’est complexifiée.
L’influence du point de vue externe
Le point de vue externe me semble être le plus difficile à mettre en oeuvre car c’est celui auquel le lecteur que nous sommes est le moins habitué. Peu d’ouvrages adoptent uniquement le point de vue externe.
Style
Tous les styles peuvent être utilisés puisque le narrateur est détaché du personnage.
Histoire
Tout va dépendre de votre narrateur. Est-ce une souris qui regarde une famille ? Est-ce un homme sur un banc qui décrit ce qu’il voit ? Est-ce une sorte de Dieu qui voit tout sans la possibilité de lire les pensées ? Vous ne raconterez pas votre histoire de la même façon.
Objectivité
Le narrateur peut être neutre ou impliqué. Comme il ne sait pas ce qui se passe dans la tête des gens, il peut interpréter, juger…
Difficulté(s)
Comment raconter une histoire sans utiliser les pensées du personnages ? Comment les faire comprendre sans les dire clairement ? Sans compter qu’il n’est pas facile de pousser le lecteur à s’identifier à un personnage dont on ne connait pas les pensées.
Livre clef
Je n’ai pas réussi à retrouver une lecture en point de vue externe uniquement… N’hésitez pas à m’en soumettre !
L’influence du point de vue omniscient
Au contraire du point de vue externe, c’est certainement le point de vue auquel nous sommes le plus habitué.
Style
Le point de vue omniscient permet à l’auteur d’adopter le style qu’il souhaite, sans restriction. Le style dominant est un style neutre.
Histoire
Raconter l’histoire du point de vue omniscient permet de limiter les difficultés en ce qui concerne la façon de raconter l’histoire. Le narrateur est dieu : il peut se placer n’importe où, de la cave où se fomente un attentat au bureau où se déroule un adultère. Cette position peut lui permettre de faire monter la tension car il peut montrer à quel point la position des héros est compliquée tout en montrant que celle des méchants est forte.
Objectivité
De par position supérieure, le narrateur omniscient peut choisir de traiter l’histoire avec l’objectivité la plus totale ou au contraire de se moquer de ses personnages…. Ou de son lecteur.
Difficulté
Comme avec l’ensemble des points de vue précédents, il faut faire attention de ne pas trop en dire. Certaines informations sont inintéressantes pour le lecteur. En plus, il y a le risque de se perdre dans les détails.
Livres clefs
Guerre et Paix, Harry Potter. Deux livres très différents mais où le point de vue est similaire : omniscient avec des petites touches de jugement.
>> Deux façons de faire monter le suspense dans votre récit découlent de l’utilisation des points de vue :
1. Ne pas trop en dire / être mystérieux avec le point de vue interne centré sur un personnage et le point de vue externe
2. Tout dire / montrer l’impasse dans laquelle est le héros avec un point de vue interne multiple (centré tour à tour sur le protagoniste et son antagoniste) ou omniscient.
Pour conclure sur les différents points de vue et leur importance dans la façon de raconter l’histoire, vous n’êtes pas obligé d’en utiliser un seul dans un texte. Certains auteurs jonglent entre les points de vue, d’un paragraphe à l’autre. Cela peut permettre d’additionner leurs caractéristiques. La seule limite est la lisibilité de votre texte. S’il faut une page à votre lecteur pour comprendre qui parle à chaque fois, cela risque de lui poser problème.
À vendredi pour un article dédié à ceux qui approchent de la fin d’un texte : une liste des maisons d’édition à compte d’auteur spécialisées dans la jeunesse (et adolescent / young adult) et la fantasy / fantastique.
Marièke
Crédit image : Regarder à travers une bulle déforme l’image. C’est la même chose qui se passe lorsque l’on regarde son histoire à travers plusieurs points de vue. (Pixabay, CC0)
2 comments
Un style qui s’est pas mal développé est l’alternance de points de vue internes. Le bon exemple est Game of Thrones, où l’histoire est raconté par des personnages différents à chaque chapitre ce qui permet de ne pas instaurer de lassitude et surtout de s’affranchir du problème de la connaissance d’un personnage (plusieurs bouquins Star Wars le font aussi, mais bon…) Ce n’est pas de l’omniscience, mais c’est un bon compromis. Pour m’y être essayé, c’est de plus assez intuitif.
J’aime aussi cette façon de fonctionner. Le seul risque est de ralentir l’histoire en racontant la même chose plusieurs fois de points de vue différents 🙂