Lynda Guillemaud, 40 ans, écrit avant tout pour le plaisir. Après une pause de dix ans, elle s’est remise en selle grâce au Mooc de Draftquest « Écrire un roman » où elle trouve un confort d’écriture certain. Elle dépeint ici son parcours.
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Comment es-tu venue à l’écriture et pourquoi ? Qu’est-ce que cela t’apporte ?
L’écriture a d’abord été un plaisir physique : celui du crayon (plume de préférence) grattant le papier. J’écrivais pour un oui ou pour un non, ma famille m’a toujours vue un crayon à la main. Je crois que j’ai toujours entendu « Alors, quand est-ce que tu publies ton livre ? ».
J’ai commencé à écrire des histoires à l’adolescence, comme beaucoup d’ados je suppose. J’avais la manie de réécrire les livres ou les films à ma manière, en changeant la fin, en ajoutant des personnages ou en modifiant leurs réactions. Progressivement, certaines de ces histoires ont pris leur envol à tel point que l’une d’entre elles est devenue mon premier roman (historique) : Le vent des Lumières.
Difficile de dire ce que l’écriture m’apporte car je ne me suis jamais posé la question : c’est juste un geste naturel chez moi, comme d’autres dessinent ou prennent des photos… J’aime les mots. Certains pensent avec des images, moi je pense avec des mots.
Quels genres lis-tu, quels genres aimes-tu et pourquoi ?
Je lisais aussi beaucoup (un peu moins maintenant par manque de temps), mes genres de prédilection sont assez atypiques puisque j’aime lire les « classiques » (Zola, Flaubert, Maupassant… mais aussi des plus contemporains !) depuis mon plus jeune âge. J’apprécie les romans historiques, évidemment, mais aussi la littérature philosophique, les essais (parmi lesquels ceux de Régis Debray).
J’aime les livres qui me font réfléchir, en fait : sur moi-même, sur le monde, sur la vie. J’aime aussi les romanciers qui savent m’emmener avec eux dans leur histoire, qu’elle soit historique ou contemporaine.
Pour choisir un livre, je me laisse guider par mon instinct : je ne fais pas attention aux critiques littéraires des magazines ou sites spécialisés, j’aime bien me faire ma propre opinion. Quelquefois il m’est arrivé d’apprécier un livre choisi par hasard et de découvrir ensuite que c’était un best-seller ! Cela dit, le fait qu’un livre soit un best-seller me fait souvent fuir à toutes jambes (c’est dommage mais c’est comme ça). Mes chouchous sont en ce moment Eric-Emmanuel Schmitt et Carlos Ruis Zafon.
Qu’est-ce qui est difficile quand tu écris ?
J’ai un parcours d’écriture chaotique. J’ai énormément écrit de l’adolescence jusqu’à mes 25-30 ans, grosso modo (j’en ai 40 aujourd’hui). Puis j’ai eu 10 ans de « sécheresse d’écriture » pendant lesquels j’ai très peu écrit, simplement parce que ma vie était bien assez remplie pour m’occuper – les enfants, la vie professionnelle, tout ça… ! Ce n’était cependant pas forcément un problème de temps ou de possibilité, c’était aussi une histoire d’envie : la nécessité d’écrire se faisait moins impérieuse. Pour paraphraser un ami de lycée, j’étais « pleinement dans la vie ! ». J’ai profité de tout cela parce que c’était le présent et que ça passe vite…
Malgré tout, j’avais envie de finir Le vent des Lumières dont j’avais publié les premières pages sur un forum spécialisé et qui avait reçu d’excellentes critiques. J’avais donc la « pression » pour écrire la fin, mais j’étais bloquée aux trois-quarts de mon manuscrit, laissé en plan depuis ma sortie d’université. Pas facile de reprendre le fil de l’histoire (et de l’Histoire !), il a fallu reprendre beaucoup de pages, de personnages, de phrases… J’ai dû retravailler ma documentation, ma chronologie aussi. Avec dix ans de recul, les erreurs me sautaient à la figure, mais j’ai eu des bonnes surprises aussi.
Ma participation au Mooc Draftquest (saison 2, en 2014 / saison 4 à venir en janvier 2016 — plus d’infos rapidement) a été le tremplin décisif qui m’a remis le pied à l’étrier : j’ai présenté mon manuscrit inachevé, mais il a remporté le premier prix (une publication en ebook par Librinova !). Je ne pouvais plus reculer, cette fois, il fallait FINIR.
Le plus difficile a alors été de se remettre à inventer, à imaginer. Mais finalement, une fois lancée, j’ai mis six mois à écrire la fin du roman et encore six mois pour reprendre le tout et le finaliser.
Les plus grosses difficultés résident dans la réécriture : il faut savoir sabrer dans son propre texte, avoir suffisamment de recul pour juger ce qui va et ce qui ne va pas. Je réapprends aussi à écrire des premiers jets. Pour ça, le NaNoWriMo de cette année a vraiment été un révélateur : j’ai mené à bien un premier jet de A à Z dans les temps impartis et ce, pour la première fois depuis 10-15 ans ! C’était donc bénéfique pour me redonner confiance dans ma capacité non pas à écrire, mais à inventer.
Comment dépasses-tu ces difficultés d’écriture ? Planifies-tu ? As-tu d’autres outils ?
Assez curieusement, dans mon quotidien je suis quelqu’un d’assez planificateur et d’organisé : j’adore faire des plans, des méthodes, des procédures, des plannings… Pour l’écriture, c’est plus flou. La méthode flocon, découverte l’an dernier, me fascine par sa rigueur et son côté organisationnel. Mais pendant le Nano je me suis rendue compte que les plans très détaillés n’étaient pas pour moi, car je ne les suis pas. En réalité, il suffit que je sache où je veux aller et ensuite je me laisse porter. Mais je me soumets aux premières étapes de la méthode du flocon pour lancer la machine et avoir une idée claire de ce que je veux écrire.
Ensuite, pour la réécriture, je suis plus rigoureuse : pour le roman historique, par exemple, j’avais nécessairement besoin d’une chronologie bien travaillée, donc j’ai fait un tableau après coup avec mes différentes scènes, les dates, les durées… ça m’a permis de corriger des incohérences, qui ont parfois nécessité des réécritures de chapitres entiers !
Pour mon deuxième roman, j’ai aussi fait le plan a posteriori. Le premier jet a été écrit sans planification (mais ce premier jet date d’il y a très longtemps !).
En revanche, j’ai toujours une idée assez précise de mes personnages : même sans leur faire une fiche détaillée avec la biographie jusqu’à la douzième génération, ils sont dans ma tête bien définis, avec leur caractère propre, leur tempérament, etc… Là où je pèche un peu concerne parfois leur apparence physique. Mais je me corrige !
En terme d’outils, je suis assez basique : papier, crayon, carnet… Mais je passe du temps sur l’ordinateur évidemment. J’utilise de plus en plus Evernote pour capturer des infos sur le net. Pour écrire, c’est le bon vieux OpenOffice et tous mes manuscrits sont hébergés dans le Cloud, ce qui me permet d’y avoir accès depuis n’importe où.
J’expérimente depuis début novembre Scribbook, développé par un participant du Mooc Draftquest : il s’agit de l’équivalent de Scrivener, mais en ligne. C’est génial parce que le manuscrit est toujours disponible, de n’importe où, n’importe quel navigateur web, avec certaines possibilités de Scrivener (gestion des scènes, par exemple). Pour l’instant c’est en version alpha, mais je trouve ça très convaincant.
Où en sont tes projets d’écriture ?
Suite à la saison 2 du Mooc Draftquest en 2014, j’ai donc publié Le vent des Lumières en août 2015 (il m’a fallu un an pour aboutir mon manuscrit gagnant). A l’issue du Mooc, il y avait un concours en partenariat avec Librinova, qui est une plateforme d’auto-publication. Comme j’ai remporté le premier prix, j’ai gagné la gratuité de la publication numérique et la commercialisation pendant un an sur 90 e-librairies. A ce jour, j’ai vendu plus de 970 ebooks et environ 25 exemplaires papiers, c’est phénoménal à mes yeux !
Début 2015, j’ai suivi la saison 3 du Mooc et j’ai de nouveau remporté le premier prix (cette fois ex-aequo avec Stéphane Arnier qui a aussi témoigné sur ce blog) avec mon deuxième roman Oraison pour une île. Il s’agit cette fois d’une romance mais un peu atypique.
En janvier, je vais participer à la saison 4 du Mooc Draftquest « Ecrire une oeuvre de fiction », pas forcément pour y apprendre quelque chose (quoiqu’on apprend toujours !) mais pour bénéficier de la dynamique de groupe qui y règne. Je vais y retravailler un ancien roman que j’espère publier également en auto-édition. Parallèlement, je vais commencer à travailler l’écriture de la suite du Vent des Lumières, très demandée par mes lecteurs ! Je projette aussi de travailler sur le premier jet sorti du Nano de novembre, pour en faire un roman également. Bref, beaucoup de choses, mais je ne me mets pas la pression : l’écriture reste avant tout un plaisir.
Oraison pour une île et Le vent des Lumières,
les projets de Lynda Guillemaud
Pourquoi faire le choix de l’auto-édition ?
Pourquoi l’auto-édition ? J’ai expérimenté l’envoi aux éditeurs, avec le succès qu’on imagine… Le prix Librinova m’a fait sauter le pas de l’auto-édition numérique et je m’en félicite à présent. C’est aussi une manière de voir si ce qu’on écrit a un public, c’est une forme de reconnaissance. Malgré tout, j’aimerais un jour être publiée chez un éditeur traditionnel… Grâce au programme « En route vers le papier » de Librinova, j’espère que ce rêve deviendra un jour réalité !
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Merci Lynda 🙂 J’aime voir à quel point il est évident dans ton parcours que le support d’une structure et d’un environnement amical (que ce soit au sein du Mooc ou du Nano) t’aide à finir tes projets ! Je pense que cela peut vraiment être un outil pour certains auteurs.
Vous pouvez retrouver Lynda sur son blog Espace du Dehors et sur Facebook.
N’hésitez pas à me contacter pour participer à cette rubrique 🙂
À demain pour un nouvel article !
Marièke