Combats, actions rapides, doutes, paranoïa.. Retranscrire l’accélération en littérature requiert différents subterfuges : figures de style, changement de rythme ou encore type de phrase à éviter. Quelques solutions dans cet article.
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Votre personnage court, est en plein combat ou encore est complètement affolé. Comment retranscrire la vitesse de ses actions ou de ses pensées ? Quels sont les effets, les figures de styles avec lesquels il est possible de jouer ? En voici quelques uns, avec des exemples. N’hésitez pas à proposer vos trucs.
Des outils pour retranscrire la vitesse en mots
Le présent de narration
La plupart des textes de fiction en langue française sont écrits au passé et alternent entre l’imparfait et le passé simple. Lors des scènes d’action, et sans faute de concordance des temps (ce sera grammaticalement correct), il est possible d’utiliser le présent de narration. Derrière ce nom chiadé se cache l’une des fonctions du présent de l’indicatif. Le présent de narration peut s’utiliser dans un texte pour donner de la vivacité au récit.
Un exemple dans Les Confessions, de JJ Rousseau
Je ne trouvai point Mme de Warens ; on me dit qu’elle venait de sortir pour aller à l’église. C’était le jour des Rameaux de l’année 1728. Je cours pour la suivre : je la vois, je l’atteins, je lui parle…
>> Un article de l’excellent blog de français Ralentir Travaux sur les valeurs du présent.
La longueur des phrases
Pour faire varier le rythme d’un récit, il est intéressant de jouer sur la longueur des phrases. Des phrases courtes, composées d’un sujet et d’un verbe, donneront un effet de vitesse…. à la seule condition que vous n’utilisiez pas seulement des phrases courtes. En variant la longueur des phrases, vous varierez le rythme du récit.
Un exemple dans 20 milles lieues sous les mers, de Jules Vernes
La panique me gagna. Mes mouvements s’embrouillèrent et ralentirent. Je commençai à suffoquer. Ma bouche s’emplit d’eau. Je coulai. C’est alors que mes habits furent saisis par une main vigoureuse, et je me sentis violemment ramené à la surface.
Les phrases interrompues
Votre personnage peut être tellement brusqué qu’il n’arrive pas à finir sa phrase, dans un dialogue, ou sa pensée, dans le cas d’un point de vue interne. C’est un procédé assez gros, je conseillerais de l’utiliser une fois, maximum deux fois, dans votre récit.
Un nouvel exemple tiré de 20 miles lieues sous les mers de Jules Verne
Les années d’université me revinrent à la mémoire, les amphithéâtres bondés, les conférences durant lesquelles je noircissais des pages de notes agrémentées de croquis de vertébrés fabuleux tout droit sortis de mon imagination…
– À nous ! cria Conseil.
– À nous ! criai-je à mon tour.
La ponctuation
L’abus des points d’exclamation et de suspension n’est pas bon pour votre récit. Mais en glisser quelques uns aux moments opportuns pourrait apporter vitesse et rythme à votre récit.
L’effet d’accumulation
L’accumulation est une figure de style qui consiste à accoler des actions, mots… par des virgules. Le plus souvent, le mot le plus fort est placé en fin de figure. Le but est de donner une impression d’abondance, mais l’accumulation peut aussi être utilisée pour accélérer votre récit.
Un exemple (de ma création…)
Elle se glissa avec grâce, dansa, virevolta entre les balles des soldats.
La suppression du pronom sujet
Certaines constructions de phrases permettent de supprimer le pronom sujet. C’est le cas quand il est répété deux fois : il est possible de le supprimer la seconde fois.
Un exemple (de ma création…)
Il m’a beaucoup aidé lorsque je me suis retrouvé au chômage du jour au lendemain. Il m’a hébergé quelques jours et (il) m’a prêté de l’argent.
Cependant, certains auteurs ne se gênent pas pour le supprimer à des endroits où la grammaire de la langue française vous demande d’en mettre… Le but est souvent d’éviter la répétition des pronoms sujets. Faîtes ce que vous voulez, tant que cela reste agréable et compréhensible pour votre lecteur.
Les ralentisseurs de récit
Certaines techniques et expressions sont plutôt de nature à ralentir votre récit. Au moment de l’accélérer, il peut être bien vu de les éviter… Ou de les détourner à votre sauce.
Le gérondif et les adverbes
J’estime que la route menant en enfer est pavée d’adverbes et je le crierai sur les toits. ~ Stephen King
Gérondifs et adverbes sont les grands ennemis des auteurs qui retravaillent leurs textes. Ils essayent d’en retirer le plus possible et de les remplacer par les termes justes. Notamment parce qu’ils ralentissent le récit. Essayez donc de les éviter lorsque vous voulez donner une impression de vitesse à votre récit et voyez ce que ça donne.
Ainsi, dans Ecriture, mémoire d’un métier, Stephen King milite pour la suppression des adverbes de manière qui ralentissent le récit.
Attention à la description
La description est de matière à tuer la vitesse de votre récit. Attention à votre façon de l’utiliser.
Vos personnages sont en plein combat épique et vous prenez le temps de décrire les marguerites qui poussent sur le champs de bataille. Soit vous avez une très bonne raison de le faire – faire une comparaison entre la fleur et la fragilité de l’ennemi, votre personnage a des troubles de l’attention et s’égare, ces fleurs dégagent un poison toxique qui va tous les tuer… –, soit vous avez des chances que ce soit complètement hors de propos : cela risque de ralentir votre récit.
Tous les outils de la langue française présentés ici sont à votre disposition pour des tests et des assemblages. Ce qu’il y a de génial dans l’écriture, c’est que rien ne vous empêche de détourner un outil de sa fonction première pour qu’il fasse ce que vous souhaitiez. Amusez-vous, testez, lisez à voix haute, faîtes lire… Et partagez ce qui marche pour vous !
Très bon weekend à tous !
Marièke
Crédit image : Comment rendre la description de cette scène assez rapide ? (Pixabay, CC0).