Je fais partie des lecteurs pour qui tout l’intérêt de la lecture d’un roman réside dans la découverte du BON personnage — l’identification, le réalisme, la complexité, la psychologie… C’est pourquoi j’accorde une attention toute particulière à la création de mes personnages quand j’écris.
Dans l’article qui suit, qui se trouve être le troisième opus du Challenge Voulez-vous écrire un roman avec moi ?, je vous donne ma technique pour réussir la création des personnages de votre roman. Asseyez-vous bien confortablement avec une tasse de café : cet article est loooong !
>> Vous avez raté un épisode ? Retrouvez ici l’ensemble des article du Challenge 🙂
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Prérequis à la création de personnage
Avant de commencer mon guide de création des personnages pour votre roman, je voulais attirer votre attention sur trois points qui me semblent ABSOLUMENT ESSENTIELS lorsque vous commencez à travailler sur un roman et à créer vos personnages.
Votre personnage et vous n’êtes pas la même personne
Cela peut semble évident et pourtant, il arrive assez souvent que l’on retrouve dans l’œuvre des écrivains qui débutent énormément de traits de leur auteur. Cela n’est pas forcément un mal et il est presque évident que vos personnages comporteront des morceaux de vous et de votre façon d’être ou de penser… Ceci dit, il est essentiel de s’en rendre compte et de ne pas faire de votre personnage une vision fantasmée de vous !
En écriture, cela s’appelle une Mary Sue : un personnage sans défaut qui n’est nul autre que la version lissée de l’auteur. Le risque d’écrire une Mary Sue est :
- D’ennuyer le lecteur : qui a envie de lire les aventures d’une personne parfaite ?
- D’accorder beaucoup plus d’attention à un personnage plutôt qu’à un autre… ce qui fait que tous les autres personnages paraissent secondaires.
Cf. : Questionnaire Votre personnage est-il une Mary Sue ?
Votre personnage ne doit pas être un cliché de papier
« Wesh, je m’appelle Mohamed, je vis dans le 9-3, je suis musulman et je n’ai pas d’emploi. »
« Bonjour, je m’appelle Marie-Adeline, je vis à Neuilly, je suis catholique et je fais des études littéraires en Hypokhâgne. »
« Salut, je m’appelle Camille, je suis homosexuelle et féministe. Je m’habille comme un mec et je me laisse pousser des poils sous les bras. »
« Hey, je suis Pierre, lorsque j’étais tout bébé mes parents ont été tués par le grand méchant de l’histoire à cause d’une prophétie qui fait de moi le seul à pouvoir le détruire… »
Les personnages « clichés » sont des personnages que j’appelle « prêts-à-servir » ou « statistiques ». Ils sont dans la moyenne et répondent à des idées préconçues.
En tant qu’auteur, vous devez les fuir. À toutes jambes. Autrement dit, vous devez non seulement les connaitre, mais aussi les reconnaître quand ils s’échappent (naturellement) de votre plume. En effet, le risque des personnages « clichés » est qu’ils rendent votre histoire très prévisible.
Bien sûr, rien ne vous empêche de jouer avec les clichés ou de partir d’un personnage cliché et de l’étoffer.
Votre personnage n’est jamais 100 % vrai
Un adulte ne dit jamais à 100 % ce qu’il pense et ne fait jamais à 100 % ce dont il a envie. Même si quelqu’un a un but dans la vie il est très possible que 1) il ne fasse pas tout pour l’atteindre et 2) il ne l’atteigne jamais. Des freins sociaux, culturels ou encore physiques l’empêchent d’être à 100 % vrai par rapport à ce qu’il est et ce qu’il voudrait être.
Par exemple, prenons un personnage a pour ambition d’être le plus franc et le plus sincère possible car il aime être en accord avec ce qu’il pense. Lorsqu’il verra un de ses amis souffrir d’une rupture, il ne lui dira peut-être pas « Tu l’as mérité, tu étais trop collant(e) avec lui/elle. » Il dira peut-être « Il/Elle n’était peut-être pas prêt(e) à s’engager dans la relation comme toi. »
(Il existe bien sûr des exceptions : un personnage comme Sheldon Cooper, dans The big bang theory est extrêmement sincère et n’a aucun filtre… Cela est dû au syndrome d’Asperger et n’est pas considéré comme « normal » par les personnes qui évoluent autour de lui.)
Tout ça pour dire que, pour rendre votre personnage réel et réaliste aux yeux de votre lecteur, vous devez insérer ces filtres à votre personnage. Vous devez le rendre complexe. Il y a pour cela plusieurs procédés et techniques d’écriture dont nous parlerons dans un prochain article si vous le désirez. 🙂
#1 : Penser vos personnages
D’une façon générale
Une solution que j’affectionne particulièrement pour penser ses personnages est d’avoir toujours à sa disposition un vivier de personnages. Pour cela, je conseille de tenir un carnet des personnages. C’est un carnet où vous allez consigner, au jour le jour, des personnages qui vous inspirent. Vous pouvez noter une habitude qui vous amuse, un défaut qui vous donne de l’inspiration, un comportement qui vous intrigue ou encore un physique qui vous impressionne. Le but est d’avoir toujours en sa possession plusieurs personnages prêts à être utilisés dans une histoire.
Cf. : Découvrez mon article sur la tenue d’un carnet de personnages.
Une deuxième solution consiste à utiliser ses proches et les people dans ses romans, que ce soit au niveau du physique ou du comportement. J’ai pour ma part tendance à récupérer des caractéristiques de personnes que je connais, mais j’évite de reproduire quelqu’un du tout au tout dans mes romans.
L’alternative : Notez ce qui vous intrigue chez ces personnes dans votre carnet de personnages 😉
Pour votre roman spécifiquement
Une fois que vous commencez à travailler sur un roman, il existe plusieurs solutions pour dénicher des personnages qui peupleront votre monde.
Étudier le thème du roman
Selon le thème que vous avez choisi pour votre roman, il est possible que des personnages s’invitent dans votre roman. Dans Entre chiens et loups (titre provisoire), dont le thème était l’amour et l’amour de soi, le personnage de Cécile — homosexuelle mal à l’aise avec son orientation sexuelle, mais très amoureuse — s’est imposé à moi avec évidence.
Réfléchir à votre histoire
Selon votre intrigue, il est possible que vous ayez « besoin » de certains personnages (un grand méchant, un mec tout doux, une boulangère musclée… que sais-je ?!)
Travailler à partir des stéréotypes de race
Si vous bossez dans un monde différent du nôtre, avec des races et des lieux particuliers, je vous conseille de commencer à travailler sur les caractéristiques des races qui peuplent votre monde AVANT de travailler sur vos personnages. Ainsi, vous pourrez déterminer en quoi le personnage que vous créez diffère (ou non) des autres membres de sa race. Dans la même veine, vous pouvez travailler à partir des clichés, en faisant bien attention à ne pas tomber dedans !
#2 : Faire une liste de vos personnages
Une fois que vous avez commencé ce travail de repérage sur vos personnages, je vous conseille de dresser une liste de l’ensemble des personnages qui peupleront votre récit.
Pour la part, je la dresse ainsi :
- Personnages principaux
- Personnages secondaires
- Autres
Si mon récit est plus compliqué, je fonctionne par famille et par lieux. Pour L’Encre de Paix, qui comporte un monde imaginaire entier, j’ai découpé comme suit :
- Personnages principaux
- Habitants du Ménéra
- Famille De Triabe
- Famille Dol Port de Triabe
- Famille …
- Habitants du grand Est
- Habitants du Ribeyro
- Habitants du Ménéra
- Personnages secondaires
- Habitants du Ménéra
- Famille …
- Habitants du Ménéra
PS : Cette liste n’a pas à être exhaustive ! Je suis la première à inventer des personnages au fur et à mesure de mon récit, car je n’arrive pas à me tenir à mon plan… et les personnages inventés ainsi sont souvent les meilleurs ! 🙂
#3 : Développer ses persos grâce à l’écriture automatique
Une fois que vous avez l’ensemble des personnages dont vous aurez besoin dans votre récit, je vous conseille de les développer à l’aide de l’écriture automatique, aussi appelée free writing en anglais. Il s’agit de se mettre devant une feuille et de sortir tout ce qui nous passe par la tête (avec un minimum de cohérence). L’avantage de cette méthode est qu’elle permet de débloquer notre inconscient et de développer des idées qui ne nous seraient jamais venues dans un autre cadre.
Je le fais soit sur le carnet de mon projet soit sur mon téléphone, sur l’application Evernote. Je suis une grande utilisatrice de cette application de prise de note qui rythme.
Pour vous aider, voici quelques questions auxquelles vous pouvez répondre pour avancer :
- Quel est le but de mon personnage ?
- Pourquoi est-ce qu’il m’intéresse ?
- Que veut-il réussir ?
- Que déteste-t-il ? Pourquoi ?
- Citez cinq qualités et cinq défauts.
- Il arrive à un entretien : comment se présente-t-il ?
- Il est face à un dragon, comment réagit-il ?
- …
>> Découvrez un article sur le carnet de projet mardi.
>> Découvrez un article sur mon utilisation de Evernote.
#4 : Donner un nom à ses personnages
Je classe cette étape en quatrième, mais, soyons honnêtes, le prénom et le nom d’un personnage ne m’arrivent pas toujours à ce moment-là du processus. Toujours est-il que, la plupart du temps, vous devez donner une identité à votre personnage en évitant les différents écueils qui se dressent face à vous.
>> Découvrez un article sur le choix du nom de ses personnages.
#5 : Mettre en forme ses personnages
L’écriture automatique est un processus de création très intéressant… mais c’est aussi un processus très bazardeux pour ne pas dire bordélique. Aussi, j’ai pour habitude de rassembler toutes les infos que j’ai sur un personnage au sein d’une fiche de personnage plus ou moins élaborée selon son importance.
Voici le modèle de fiche que j’ai créé l’année dernière. Cette fiche est une trame géniale (oui, je me lance des fleurs toute seule…) pour créer votre personnage (elle est certainement un peu trop complète pour des personnages ayant une importance moindre dans votre récit : vous n’êtes pas obligé de tout remplir !)
Étape bonus : Écrire l’histoire de ses personnages
C’est la dernière étape de la création d’un personnage. C’est une étape que j’ai tirée de la méthode flocon et qui marche très bien pour moi quand je commence à penser au synopsis détaillé de mon récit. Il s’agit d’écrire, pour chaque personnage, l’histoire de son point de vue.
Prenons un exemple : lorsqu’on lit Harry Potter, on lit l’histoire à travers Harry, Ron et Hermione à 98 % du temps. Cela ne signifie pas que, pendant ce temps, des personnages comme Dumbledore, Hagrid, Voldemort ou encore Draco restent immobiles : ils avancent tous à leur manière et leur histoire croise de temps en temps celle de nos héros pour faire avancer l’ensemble. Hé bien, c’est l’histoire de ces personnages oubliés que je vous invite à écrire (du moins sous la forme d’un synopsis !) pour les développer et les comprendre. Bien sûr, vous vous retrouverez avec bien plus de matière que ce dont vous avez besoin pour écrire votre livre… mais vous aurez aussi bon nombre d’informations qui vous permettront de faire avancer votre intrigue et de l’étoffer (coucou les intrigues secondaires !).
Cette étape est rangée au rang de bonus, car j’ai conscience que tous les auteurs ne veulent pas (ou ne peuvent pas) entrer à ce point dans le détail au moment de préparer leur récit. Ceci dit, je trouve que c’est un exercice hyper intéressant et j’avais envie d’en parler ici. 🙂
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Vous voilà au bout de ce guide ultime de la création de personnages de roman.
J’espère qu’il vous aura aidé dans la création de vos personnages et que vous aurez pu en retirer 1) une grande satisfaction et 2) des personnages cohérents, efficaces et uniques !
À demain pour une petite newsletter,
Marièke
Crédits image : Un petit garçon d’Afghanistan, une jeune fille sous la neige, un homme dans sa voiture. (Pixabay, CC0)