La rémunération des illustrateurs et illustratrices : quelle responsabilité pour qui ?

by Marièke

Bonjour,

Vous le savez peut-être, j’ai ouvert un groupe Facebook destiné à l’échange entre illustrateur·trice·s et auteur·trice·s sur Facebook. Le groupe a pris de l’ampleur depuis (nous avons récemment atteint le millier de membres) et les échanges vont de bon train. Il y a quelques semaines, suite à une demande d’illustration contre visibilité, j’ai décidé d’intervenir et de lancer la discussion. Il s’est avéré que les conditions de rémunération pour la réalisation d’une illustration étaient peu maitrisées par les auteurs et les autrices et j’ai pensé qu’un article sur le sujet pourrait être utile.

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La rémunération des illustrateur et des illustratrices

Dans une maison d’édition classique

Lorsqu’un roman est édité par une maison d’édition classique (aussi appelée maison d’édition à compte d’éditeur), c’est la maison d’édition qui prend en charge l’ensemble des dépenses liées au livre (mise en page, impression, correction, distribution…). Dans ce cadre, la maison d’édition prend naturellement en charge les frais d’illustration. L’illustrateur·trice est alors prestataire de services de la maison d’édition et vend une illustration et les droits d’exploitation de son oeuvre.

Souvent, les maisons d’édition travaillent en étroite collaboration avec des prestataires précis (souvent pour conserver une cohérence entre les livres d’une même collection) mais il peut parfois être possible pour un·e auteur·trice de soumettre à la maison d’édition la personne avec qui il·elle a envie de travailler sur ses illustrations.

Dans l’auto-édition

Lorsque l’on s’autoédite, on devient sa propre maison d’édition et on doit alors assumer toutes les casquettes et tous les frais liés à cette mission : corrections, illustration, impression, distribution… C’est donc à nous, futur autoédité·e, de prendre en charge les frais d’illustration. Dans ce cadre, l’illustrateur·trice est notre prestataire de services et nous vend son illustration et ses droits d’exploitation.

Dans la BD

La création d’une BD est un cas isolé. C’est le seul livre dans le cadre duquel scénariste et illustrateur·trice sont tou·te·s deux considéré·e·s comme auteur·trice·s et se partagent les droits d’auteur. Ils/Elles travaillent ensemble à la réalisation d’un dossier qui est ensuite accepté ou non par les maisons d’édition qui les rémunèrent avec une avance sur les droits.

Retrouvez mon article sur la création d’une BD en douze étapes pour mieux comprendre le processus de soumission d’une BD à une maison d’édition et la notion de dossier.

La responsabilité de l’auteur et de l’autrice

Du fait de l’importance prise par l’auto-édition ces dernières années, illustrateurs et illustratrices sont désormais souvent prestataires de service des auteurs et des autrices pour la publication de leur livre. La juste rémunération des illustrateur·trice·s devient de la responsabilité des auteur·trice·s.

Si ce corps de métier se sent parfois floué par les conditions de rémunération qu’il reçoit, je crois qu’il ne peut répercuter ces difficultés sur les illustrateurs et les illustratrices qui connaissent des problématiques similaires. Le monde du Livre se transforme actuellement du fait de l’autoédition mais, à l’image des auteur·trice·s, les illustrateur·trice·s n’en sont qu’un maillon fragile.

Autrement dit, même si vous vendez votre livre à 10 exemplaires, il est normal de rémunérer l’illustrateur·trice à hauteur du temps passé sur votre couverture. L’illustrateur n’est pas responsable du nombre de ventes que vous allez effectuer : en vous autoéditant vous avez choisi de vous substituer à la maison d’édition et vous devez en assumer les conséquences.

En tant qu’auteur·trice, si vous ne voulez pas prendre cette responsabilité, deux choix s’offrent à vous :

  • Ne vous auto éditez pas
  • Réalisez seul·e votre couverture

Aspects pratiques

Combien coûte une couverture ?

Le prix d’une couverture dessinée par un·e illustrateur·trice pro dépend de plusieurs facteurs :

  • le temps passé sur votre couverture
  • la réputation de l’illustrateur·trice
  • la disponibilité de l’illustrateur·trice

Pour une couverture préfaite, comptez environ 50 euros. L’illustrateur·trice a déjà composé son illustration et vous propose de simplement d’y ajouter le titre de votre roman et votre nom et de l’adapter au support que vous avez choisi (livre papier, ebook…).

Pour la réalisation d’une couverture sur mesure, les tarifs varient souvent entre 150 et 500 euros. Certains illustrateur·trice·s demandent en plus un pourcentage sur le nombre de ventes et/ou sur les goodies que vous allez développer à partir de l’illustration créée.

Les tarifs pour une illustration interne, pour un album illustré ou encore pour une BD sont plus difficiles à estimer car cela dépendra aussi de la spécialisation et de l’expérience de l’illustrateur·trice que vous contactez. N’hésitez pas à demander des devis.

Comment faire appel à un·e illustrateur·trice

Si vous recherchez des informations sur le déroulement d’une prestation type, je vous invite à découvrir mon article sur la réalisation de la couverture de mon roman Pouvoirs, autoédité. Cela date de 2016 et j’avais fait appel à une illustratrice que j’aime beaucoup : Tiphs 🙂

Limites, questions et raccourcis

La notion de gratuité

Dans le milieu de l’édition (et plus largement de la création), la culture de la gratuité est très répandue. Les revues demandent souvent des participations à titre gratuit en échange de visibilité et de renommée. C’est pourquoi il peut apparaître normal de ne pas payer un illustrateur·trice. Or il n’en est rien.

La vérité, c’est que c’est la demande de ces revues qui est abusive. Plutôt que d’imposer des conditions de travail déplorables aux illustrateur·trice·s, je vous conseille de boycotter ces concours et revues qui vendent vos textes sans rien vous proposer en retour. Évitons le nivellement par le bas des métiers de la culture. Vous remarquerez d’ailleurs que j’évite de partager des Appels à textes et des concours où aucune rémunération n’entre en jeu.

Je suis un auteur amateur !

À partir du moment où vous prenez la décision de vous auto-éditer et donc de vendre votre livre, vous quittez le statut d’auteur amateur. Vous ne pouvez pas demander à un·e illustrateur·trice de travailler gratuitement alors même que vous avez l’ambition de vendre votre livre. Même si vous le vendez à 15 exemplaires aux membres de votre famille : cette personne n’est pas responsable de la façon dont vous allez distribuer votre livre.

Le boulanger se fiche de savoir ce que vous allez faire de sa baguette, il la vend 1€ que vous souhaitiez l’utiliser pour faire des sandwichs, du pain perdu ou des tartines.

Quand peut-il être juste de demander une participation gratuite ?

Il y a certains cas où il peut être légitime de demander une participation gratuite à un·e illustrateur·trice.

C’est le cas d’une participation à une revue associative dans laquelle les participant·e·s agissent bénévolement. Pour partager leurs valeurs et leurs passions, ils font le choix de ne pas se rémunérer. Il peut-être alors légitime d’inviter un·e illustrateur·trice à participer de manière bénévole (et il a le droit de refuser).

C’est aussi le cas dans le cadre d’un projet à 4 mains. Si vous souhaitez développer une BD ou un livre illustré, vous pouvez demander à un·e illustrateur·trice de s’impliquer dans votre projet. Avec quelques limites cependant :

  • Vous devez l’impliquer dans le processus de création et pas simplement lui donner des directives. Sinon, vous lui demandez d’être votre prestataire et il est logique d’inclure une rémunération.
  • Vous devez l’inclure dans le contrat d’édition et dans le calcul des droits d’auteur.

Justement, comment différencier prestation de service et collaboration ?

Vous avez bien lu cet article mais vous êtes un peu perdu·e et vous ne savez pas exactement si vous recherchez un·e prestataire de service ou un·e partenaire pour votre projet ? Il est en fait assez aisé de faire la différence. Un·e prestataire travaille pour vous sur votre projet. Un·e partenaire travaille avec vous sur un projet commun.

Si votre histoire est déjà écrite et votre découpage page à page est déjà pensé, vous recherchez un·e prestataire de service.

Si vous avez une idée et que vous êtes prêt à accepter les idées de quelqu’un d’autre alors peut-être recherchez vous une collaboration.

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J’espère vraiment que cet article vous aura permis de mieux comprendre les liens entre ces métiers et la responsabilité des auteurs et autrices envers la rémunération des illustrateurs et illustratrices. N’hésitez surtout pas à commenter et à poser vos questions en commentaire !

Allez sur ce, je m’en retourne à mon NaNo 🙂

Marièke

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11 comments

Béatrice 2 novembre 2018 - 9 h 03 min

Bonjour, Marièke,

Belle piqûre de rappel !

Je découvre petit à petit ce monde de l’édition en pleine mutation, et je me rends compte que l’on se dirige à la vitesse de l’éclair vers un bénévolat culturel. Même dans une maison d’édition classique, la promotion de la vente d’un ouvrage repose de plus en plus les épaules de l’auteur.

Pourtant, tout le monde doit avoir les moyens de faire face au coût de la vie !

Je te souhaite une très belle journée.

Béatrice

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Fabienne 2 novembre 2018 - 21 h 08 min

Hello,
Je pense que tout travail mérite salaire.
Très bel article de mise au point.
Au plaisir de te lire.

Reply
Jérôme Vialleton 3 novembre 2018 - 23 h 10 min

Bonjour et merci pour cet article qui tombe à point nommé,
Mon roman va bientôt sortir et c’est un membre de ma famille qui a réalisé la couverture et les illustrations. La question de la rémunération est là encore plus délicate car le lien de parenté complique tout.
Mais dans ce cas comme dans celui, plus traditionnel, du rapport auteur/illustrateur, je pense que la générosité doit être le maître mot d’un auto-édité. Certes il faut pouvoir se le permettre, mais c’est un investissement rentable.
L’auto-édition est en plein boum, mais il s’agit encore d’un petit monde dans lequel tout le monde se connait. Les auteurs échangent sur les réseaux sociaux, les illustrateurs également et une réputation de radin peut vite coller à la peau d’un auteur trop près de ses sous.
La relation auteur/illustrateur doit rester dans un rapport gagnant/gagnant si on souhaite qu’elle soit saine et durable.

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Bob Decoster 30 avril 2020 - 10 h 09 min

Je retrouve ici toujours des informations justes, sur un ton posé, c’est rare. Bonne continuation.

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Marièke 1 mai 2020 - 8 h 51 min

Merci pour votre commentaire 🙂

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anne 6 juillet 2020 - 20 h 03 min

Bonjour,
merci beaucoup pour toutes ces informations!
je souhaite savoir combien un illustrateur peut demander de % sur les ventes d’un livre de poésie.
merci beaucoup

Reply
Marièke 14 août 2020 - 18 h 24 min

Bonjour, ça dépend d’énormément de facteurs – nombre d’illustrations, maison d’édition … C’est très difficile de juger comme ça. Il y a souvent une part fixe et un pourcentage sur les ventes.

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Marion 26 août 2020 - 10 h 04 min

Bonjour,
comment ça se calcule du coup ? Où peut-on trouver ce type d’information ?
Je vous remercie pour votre aide et votre article.

Reply
Marièke 3 janvier 2021 - 17 h 05 min

En général, c’est l’illustrateur·trice qui va te donner ses tarifs et ses conditions. Chacun a les siens. Les maisons d’édition ont aussi leurs barêmes et conditions. Il n’y a pas de règle fixe.

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Anais 25 juillet 2020 - 0 h 55 min

Bonjour,
Super article car justement je cherchais des réponses à mes questions.
J’ai postulé auprès d’une maison d’édition, qui a refusé ma candidature mais qui veut bien me prendre pour illustrer bénévolement leur webzine, qui lui est vendu.
Je sais pas trop si c’est de l’arnaque ou quoi, mais je dois dire que j’ai pas envie de dire oui, pour un travail bénévole, alors que le webzine est vendu et qu’en plus ils m’ont dit non pour un poste payé d’illustrateur.
Accepté pour soi disant être rénomée ? mais la renommée paie pas les factures.
Voilà où nous ne sommes encore aujourd’hui, un métier qui est très incompris.

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Marièke 14 août 2020 - 17 h 47 min

Ahah, refuse. C’est clair, c’est net.
S’ils estiment que ton travail n’est pas assez bien pour être payé alors pourquoi souhaitent-ils t’accepter dans leur webzine ? Ils se contredisent. Ton travail mérite mieux que ça et ton temps mérite d’être consacré à tes projets à toi !

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