Réflexions du moment : l’écriture et la comparaison

by Marièke

Bonjour à toutes et à tous,

En plein atelier d’écriture à l’espace Les mots au centre de Paris (je vous en parle plus dès vendredi prochain !), j’ai eu l’occasion de me confronter chaque soir de cette semaine à l’écriture d’autrui. Une expérience aussi intéressante que perturbante sur laquelle j’avais aujourd’hui envie d’échanger avec vous. Cet article est un flot de questions, de réflexions et de pistes de réponse : je ne détiens aucune vérité et je serai heureuse d’avoir vos pensées et retours en commentaires.

*****

La comparaison en écriture

Il m’apparait que la comparaison en écriture se passe à deux niveaux : entre nous et les auteurs capés / respectés / adulés et entre nous et les auteurs apprenants.

Entre nous et EUX

Lorsqu’on lit un livre dans lequel on reconnaît son maître – j’ai eu cette sensation quand j’ai lu les premières pages de JRR Martin, l’auteur de Games of Throne : j’ai été soufflée par la voix de ses personnages et par la cohérence et la force de son intrigue – on peut être traversé par divers sentiments.

  • L’impression qu’on n’y arrivera jamais, qu’on ne saurait jamais faire aussi bien.
  • L’impression que l’on doit s’inspirer – mais où commence la copie ? Faut-il vraiment copier le style de ceux qu’on admire ?
  • L’impression que l’on a trouvé notre style – mais est-ce vraiment le nôtre ?
  • L’impression que tout a déjà été écrit et que notre histoire est vaine et futile à coté.

(Que des émotions positives, n’est-ce pas ?)

Entre nous et les autres

Face aux autres aspirant·e·s écrivain·e·s – publié·e·s ou non – la sensation est différente mais pas moins perturbante. Sont-ils/elles meilleur·e·s ? Méritent-ils/elles plus ou moins la publication que nous ? Vont-ils/elles y arriver ? C’est bien ce qu’ils/elles font, non ?

Les places sont chères et la question d’une sorte de concurrence peut exister – même s’il serait faux de se croire en opposition avec l’ensemble des écrivant·e·s de cette planète tant les styles et les genres sont nombreux.

Plus encore, et j’ai cette sensation à chaque fois que je vais en atelier d’écriture ou que je rencontre des écrivains, tout le monde galère, à sa façon, face au roman. La comparaison est plutôt vers le bas, cette fois, et elle a quelque chose de rassurant. Chacun·e a ses propres difficultés, ses propres casseroles, sa propre histoire avec les mots. Il n’y a pas (peu) de surdoué·e de l’écriture : il n’y a que des galérien·ne·s et des artisan·te·s persévérant·e·s.

La difficulté d’etre soi

Toutes ces questions m’amènent à cette nouvelle conclusion. Pourquoi est-ce si difficile d’être soi en écriture ? Comment se sentir en accord et en adéquation avec ce que l’on écrit ? Pourquoi est-ce si difficile de révéler ce que l’on écrit ? Voici quelques pistes, cette fois encore jetées sous vos yeux.

  • Il est difficile de faire le deuil de l’écrivain qu’on se rêve d’être, dans les mots et dans le genre. Ce que l’on aime, ce que l’on rêve et ce que l’on écrit sont des choses bien différentes. Je crois qu’être fan de Victor Hugo et écrire de la Chicklit n’est PAS forcément incompatible.
  • Il est difficile de révéler quelque chose qui vient du plus profond de nous – je vous invite à lire mon article Faut-il faire son coming out d’écrivain·e ? sur le sujet.
  • Il est difficile d’accepter ce que l’on est, ce que l’on aime. Or l’acte d’écriture exacerbe qui l’on est et le révèle au monde.

Le plaisir d’être soi

Je n’ai pas de réponse unique et universelle aux questions que j’ai balancé ici. Je ne pense pas qu’il en existe d’ailleurs. Ce que j’ai compris avec le temps, c’est qu’il est plus aisé d’assumer son écriture quand 1) on assume qui l’on est, 2) on prend du plaisir à écrire et 3) on accepte le genre que l’on écrit.

Assumer qui l’on est pour mieux écrire

En mettant en lumière nos aspirations les plus profondes et les thématiques qui nous sont chères, l’écriture a la fameuse tendance à nous confronter à ce que nous sommes réellement. Or nous ne nous révélons pas toujours comme nous sommes. Aimer Jane Austen n’est pas comme aimer JK Rowling (du moins aux yeux de la société) et pourtant, Harry Potter et Orgueil et Préjugés ont tout deux marqué ma vie à leur façon. S’assumer dans sa différence et sa complexité est, je crois, un premier pas vers l’acceptation de nos écrits. Je tente de le faire sur ce blog depuis trois ans pour ma part 😉

Prendre du plaisir à écrire

Il est possible que vous vous mentiez à vous même lorsque vous écrivez. En imitant un style ou en adoptant un genre qui ne vous correspond pas ou pas totalement. Est-ce l’envie de ressembler à votre maître écrivain·e ? Est-ce le besoin de se conformer à votre idéal d’écriture, ce que vous ou la société jugeraient bon ?

Je crois que la question est simple : est-ce que vous vous faites plaisir à écrire (et à lire) l’histoire et le texte que vous écrivez ? Cela doit commencer par là, il me semble. Ne serait-ce que pour parvenir à le terminer.

Accepter le genre que l’on travaille

Cette dernier étape découle des deux précédentes. La société, et notamment la société française, nous a habitué à classer les romans en différentes strates. En haut, la littérature générale, au milieu, la littérature de genre – le polar, le roman noir – et les littératures de l’imaginaires et en bas, la romance et ses dérivés. (J’ai simplifié volontairement ce classement qui n’a d’ailleurs jamais été rédigé comme tel.) Ce classement nous rappelle que pour être respectable en tant qu’écrivain·e en France, il faut écrire de la littérature générale. Tout autre texte ne saurait être assez bon…

J’exagère volontairement car je sais que nombre d’apprenant·e·s écrivain·e·s sont bloqués par des pensées similaires. Ils et elles n’osent pas s’épanouir dans le genre qu’ils/elles aiment écrire parce qu’ils/elles se comparent et s’auto-flagellent.

*****

Je réalise en terminant cet article – ce fatras de pensées – que je suis partie un peu dans tous les sens, ce qui n’est pas vraiment une habitude chez moi. Il me faut redire ici que j’ai passé chaque soirée de cette semaine (de 18 à 22h) en atelier d’écriture et que j’ai eu l’occasion de me comparer à mes voisins et voisines de table. Cela a éveillé de nombreuses questions et j’ai pu les partager avec plusieurs des participant·e·s à l’atelier. Enfin, je vous reparlerai de tout ça vendredi prochain.

En attendant, je vous invite à partager avec moi vos pensées quant à la comparaison en écriture. Comment la vivez-vous ? Comment la gérez-vous ?

Marièke

Crédit image : L’angoisse de la page blanche, par Kelly Sikkema (Unsplash, CC0)

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14 comments

Lynda 20 juillet 2018 - 8 h 05 min

J’avoue que ce n’est pas une chose qui me tracasse énormément : je pense que chacun a sa manière d’écrire et moi j’ai la mienne, imparfaite comme toutes les autres. En revanche ce qui est prégnant chez moi c’est la sensation d’être en constant apprentissage : j’ai beau avoir publié 4 romans, je me considère toujours comme une novice, une débutante, alors qu’en réalité (je le constate en discutant avec des « primo-romanciers » ou des auteurs qui n’ont même pas encore fini leur premier livre) j’ai quand même un certain bagage et une vraie expérience, voire un « savoir » que je pourrais transmettre.
Là où je fais des comparaisons assez facilement en revanche, c’est sur le « succès » d’un auteur : je me demande comment il a fait pour y arriver, quelle stratégie il a mis en place, qu’est-ce qu’il a (fait) de plus que moi, etc…

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Marièke 21 juillet 2018 - 16 h 03 min

C’est intéressant, je n’ai pas du tout réfléchis à la question du succès. C’est peut-être parce que je crois que le succès repose en grande partie sur du hasard. Bien sûr, il y a du talent, mais la majeure partie du temps, le succès découle d’un bon timing (une histoire dans l’air du temps) et/ou d’une belle rencontre (avec l’édition et son public)…

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MATHIEU 20 juillet 2018 - 9 h 22 min

Bonjour
Cela fait longtemps que je me suis résolu à ne rien comparer en matière d’écriture. Vous avez de mauvais écrits qui cartonnent au box office et des écritures magnifiques qui traînent à la cave des libraires.
Le livre est un produit comme le disque ou la tablette de chocolat, et sa diffusion demeure intimement liée à la promotion qui en sera faite. Et comme pour d’autres produits, seul l’argent investi dans cette promotion placera ou pas le livre au top.
La vraie question n’est donc pas de savoir si on mérite le succès d’une grande édition, mais si ceux qui nous lisent prennent du plaisir à nous lire. Bien sûr qu’on aimerait qu’ils soient des milliers, mais si quelques dizaines ont savouré notre ouvrage, cela devrait suffire à comble notre bonheur d’avoir écrit.
Chacun(e) écrit comme il est, avec ses références, ses sentiments et ses frustrations. On écrit parce que c’est jubilatoire pour nous. L’écriture est un des rares plaisirs personnels que l’on peut partager, une façon de briser notre intimité.
Il me paraît insensé de vouloir se comparer à un autre auteur et d’autant plus à son chiffre de vente. Sans le savoir, nous valons peut-être mille fois mieux que certains auteurs à succès qui n’ont obtenu ce succès qu’à coups d’affiche 4 x 4 sur tous les murs et à l’arrière des bus. La quelque dizaine de best sellers font entre 500 000 et 1 Million de ventes par an. Cela peut valoir le coup d’investir 1 Million d’Euro dans la promotion si le livre se vend autour de 20 €. Mon exemple le plus flagrant est « la fille du train » dont l’éditeur a inondé la France de publicité vantant le meilleur thriller du moment. Je me suis fait avoir comme des centaines de milliers d’autres et ai fini par acheter le bouquin que j’ai trouvé particulièrement nul dans le style et dans l’histoire. Le business a bien fonctionné. Ils en ont même fait un film que personne n’est allé voir. CQFD.
Je développe davantage sur mon blog, si ça vous tente.
Merci Marieke pour tes écrits.
A bientôt
Mathieu

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Marièke 21 juillet 2018 - 16 h 05 min

Je suis d’accord avec toi : il n’y a pas toujours de corrélation entre succès, ventes et qualité d’écriture… La promotion y est pour beaucoup, que ce soit dans l’édition classique ou dans l’auto-édition. Merci pour ton partage éclairant !

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Elodye H. FREDWELL 20 juillet 2018 - 9 h 23 min

Super article. Ça me fait prendre conscience que, finalement, je ne me pose pas tant de questions que ça, que je ne me compare pas aux autres, mais peut-être parce que j’écris depuis longtemps avec du monde. Par contre, je ne me cantonne pas à un seul genre et c’est peut-être là le problème (si c’en est vraiment un). J’aime essayer plein de choses, toujours sous le même nom, je ne sais pas si ça me portera préjudice un jour, on verra !
Merci pour cet article en tout cas !

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Marièke 21 juillet 2018 - 16 h 06 min

Je suis pareil : j’aime adopter plusieurs genres, en fonction de l’histoire qui me vient ! Merci pour ton retour 🙂

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Ed 21 juillet 2018 - 1 h 45 min

Pour la comparaison entre nous et les auteurs que j’admire, je ressens surtout ton premier et dernier point. Alors oui, j’ai la sensation que je n’y arriverai jamais (et qu’il faudra bien surpasser ce défaitisme et juste écrire) ET que je ne peux rien dire de plus. Heureusement, la nécessité (et non le plaisir) d’écrir me pousse toujours à dépasser cela.

Quant à la comparaison avec les auteurs débutants comme moi, je n’ai que bienveillance et aucune frustration. Après tout, nous sommes dans la même galère 🙂 Je les trouve parfois meilleurs que moi et les encourage car je pense qu’ils méritent de persévérer et d’être lus.

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Marièke 21 juillet 2018 - 16 h 10 min

Ah la galère d’être écrivain·e … 😉
Bon courage pour dépasser ce mini-complexe d’infériorité. Tu n’es pas le seul à le ressentir ! 🙂

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Lauraline 25 juillet 2018 - 14 h 23 min

Bonjour Marieke,
Le problème de la comparaison avec les autres s’est posé pour moi lors de mon premier atelier d’écriture il y a douze ans.Mais très vite, l’animatrice de l’époque a valorisé « la petite voix » de chacun, l’intérêt de la trouver et ensuite de l’exploiter si on le souhaite. Ce que je fais. Au début je me désespérais parce que telle écrivait des descriptions à tomber par terre tellement elles étaient belles, tel autre faisait de l’humour, tel autre encore incorporait à ses textes des réflexions sur la façon dont va le monde.
Moi, je n’écris pas de littérature dite « générale », je ne sais pas me lancer dans des digressions philo ou sociétales, même si mes personnages parlent de sujets « sérieux ». Je ne suis qu’une raconteuse d’histoires et on reconnaît une certaine saveur à mes dialogues.Je soigne tout particulièrement mes personnages (on peut en reparler ailleurs si tu le souhaites). Je prends plaisir à ce que j’écris. Mon premier roman s’est vendu en auto édition à 150 exemplaires, sans promo particulière, mais le premier cercle de lecteurs a fait tache d’huile et les retours étaient fondés sur « le plaisir de lecture » retiré. Pas de l’auto-satisfaction niaise mais la satisfaction d’être allée au bout du processus d’écriture du roman, et aussi bien sûr celle d’avoir été appréciée.
Alors, ok, je n’en vis pas, j’ai un métier autre, mais j’aime écrire et toujours le même plaisir à raconter des histoires. Pour moi, c’est l’essentiel…
Merci pour le partage de tes questions et surtout pas de mini-complexe d’infériorité. Repense à ça : « chacun sa petite voix ».
Lauraline

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Marièke 28 juillet 2018 - 14 h 50 min

Totalement d’accord avec toi et ta petite voix…
Merci pour ton retour ! 🙂

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Stéphane Arnier 2 août 2018 - 8 h 39 min

J’arrive un peu après la bataille, alors je vais faire court et aussi synthétique que possible : se comparer (en tant qu’auteur, en tant que personne) à un autre auteur (càd à une autre personne) n’a strictement AUCUN intérêt. Les gens sont tous différents. On ne peut pas devenir « l’autre ».
En revanche, comparer *ses écrits* aux écrits des autres est une source évidente de progrès. Comparer, ce n’est pas pareil qu’imiter. C’est « examiner les rapports de ressemblance et de différence entre une chose et une autre ». J’étudie de près les textes des autres (j’ai envie de dire « évidemment ! »). Qu’ils soient bons ou moins bons, c’est le meilleur moyen d’identifier ses propres forces et faiblesses, de trouver de nouvelles idées et des pistes d’amélioration de son écriture. Cela fait partie intégrante d’un apprentissage, quel qu’il soit, et c’est un passage obligé pour quelqu’un qui souhaite progresser. Un auteur qui refuserait de comparer son travail à d’autres est condamné à tourner en rond autour de son nombril.
😉
M’enfin, ce n’est que mon avis (et surtout je ne parle là que de la pratique de l’écriture, pas de succès ou de popularité).

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Marièke 4 août 2018 - 15 h 31 min

Je suis assez d’accord avec ton approche. Difficile de se changer en tant qu’écrivain·e : les thématiques que l’on aborde et son style sont personnels !
C’est vrai que la meilleure façon de progresser c’est de lire et de bêta-lire des textes : on voit mieux les erreurs quand elles sont commises par les autres et cela permet d’apprendre sur soi et sur sa propre écriture !

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Lily 18 avril 2019 - 16 h 31 min

Bonjour,
J’ai toujours écris et j’ai surtout beaucoup caché que j’écrivais. Etant dysorthographique je fais énormément de fautes d’orthographes, m^me en connaissant toutes les règles par coeur et en relisant plusieurs fois mes text, c’est une catastrophe. Du coup je me suis toujours fais brimer pour ça. Les gens ne lisait pas mes text, du moin pas le fond de mes textes, ils me pointaient mes fautes en m’humiliant sans même prêter attention au fond, à l’histoire que je pouvais leur raconter.

C’était très dur et parfois très violent au point de me dégouter d’écrire.

Et pourtant j’adore ça écrire. Raconter des histoire, donner vie à des personnages. Il ma fallut du temps et du courage pour m’y remettre. Alors en parler même à mon entourage très proche, c’était même pas la peine d’y penser.

Jusqu’a ce que je me mette à écrire une fanfiction sur l’univers de Harry Potter. Que j’ai publié en ligne sur un site spécialisé en fanfiction. Et les gens aimait ce que j’écrivais malgré mes fautes d’orthographe. Et par hasard dans ses gens qui me lisait il y avait mon mari.

Il m’a dit tous ce qu’il aimait dans ma façon d’écrire et ça m’as donner l’envie et le courage d’écrire plus et autre chose. Et donc de m’intéresser à comment écrire un romant.

Et depuis quelques temps déjà je lit assidument ton blog et ça me conforte dans mon idée que je suis faite pour écrire. Pas forcément pour être lu. Mais pour écrire. Alors j’écris sans penser à ces gens qui s’arrête à la simple forme.

Merci beaucoup !

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Marièke 21 avril 2019 - 15 h 29 min

Bonjour et merci pour ton témoignage super touchant !
As-tu vu cet article : https://www.mecanismes-dhistoires.fr/ecrivons-malgre-les-fautes-dorthographe/ ?

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