Plusieurs schémas narratifs à la rescousse de l’intrigue de votre roman

Dans Mes secrets d’écrivain, le livre d’Elizabeth George dont je vous avais parlé il y a de cela quelques semaines, cette dernière, en plus de présenter sa méthode, présente les différentes schémas narratifs existants. Il est bien entendu possible de vous en écarter si vous en éprouver le besoin, mais je trouvais intéressant de vous les présenter afin de vous montrer comment s’articulent la plupart des histoires. Les schémas qui suivent vous seront, par exemple, très précieux si vous êtes un peu perdus dans la construction de l’intrigue de votre roman…

Structure en trois actes

Tout élève scolarisé en France ayant fini le collège a déjà approché la structure du théâtre classique, en trois actes. (Après il ne s’en souvient peut-être pas, mais c’est une autre histoire.)

Ce découpage est le premier sur lequel l’écrivain peut se baser pour écrire son roman :

• l’acte 1 : il présente la situation initiale : les relations entre les personnages, le lieu où ils évoluent… jusqu’à l’événement déclencheur qui clôt l’Acte 1.
• l’acte 2 : dans cet acte, les obstacles se dressent devant les héros qui les évitent. Il se conclut par l’élément culminant aussi appelé climax dans la plupart des livres de scénario. 😉
• l’acte 3 : il dépeint la résolution et présente le nouveau statu quo : si l’histoire est bien faite, le héros ne peut reprendre exactement sa vie d’avant et le monde autour de lui atteint un nouvel équilibre.

Les schémas narratifs qui découlent de la structure en trois actes

Les découpages qui suivent ne sont rien d’autre que des variantes de la structure en trois actes.

L’intrigue en sept étapes

Dans ce format, le roman est découpé en sept parties :

• l’accroche : c’est la présentation de la situation initiale. Attention, situation initiale ne veut pas dire « monde parfait », bien au contraire. Ce n’est pas parce qu’il y a équilibre que tout va bien : les premiers conflits existent et doivent être montrés afin que le lecteur puisse anticiper la suite.
• le premier nœud dramatique : c’est la rupture de la situation initiale. Selon Elizabeth George, cette rupture a lieu aux alentours du premier quart du roman. À partir de là, les événements découlent les uns des autres.
• le mi-parcours : les événements continuent à se déclencher et à faire monter la tension dramatique.
• le deuxième nœud dramatique : il achève la phase de complication du roman. La tension ne peut être plus importante…
• la prise de décision : le héros prend la décision d’agir. Les choses vont changer.
• le point culminant : la prise de décision amène au point culminant de l’intrigue. C’est mon moment préféré en tant que lectrice. 😉
• le dénouement : l’intrigue atteint là sa conclusion inévitable, tout est expliqué, précisé. Le nouvel équilibre est retrouvé.

Le voyage du héros

Ce format est présenté par Chris Vogler dans le roman The Waiter’s journey (en VF : Le voyage de l’écrivain). Le roman est découpé en douze parties qui suivent un schéma déjà utilisé dans les récits mythologiques. C’est aussi un schéma que l’on retrouve très souvent dans les contes (retrouvez par ici la structure du conte).

• le monde ordinaire du héros : le monde où évolue le héros ainsi que ses relations et son caractère sont dépeints dans cette première partie.
• l’appel de l’aventure : c’est un événement qui donne envie au héros de partir.
• le refus : le héros s’empêche de partir pour des raisons qui lui sont propres.
• l’arrivée du mentor : un personnage extérieur vient donner un coup de pied aux fesses du héros pour le pousser à partir.
• le premier seuil : le héros endosse son rôle de héros.
• les épreuves : le héros rencontre des obstacles, lie des amitiés et commence à comprendre la nature et l’identité de ses ennemis.
• l’approche du cœur de la caverne : les peurs du héros se révèlent de plus en plus fortement.
• l’épreuve finale : le héros mène sa plus grande bataille.
• la récompense : la victoire remportée, le héros accède à sa récompense.
• le chemin du retour : le héros rentre chez lui, mais ayant changé, il doit tout regarder autrement. Les combats sont psychologiques avant tout.
• la résurrection : c’est la dernière partie du voyage du héros. Il se retrouve une dernière fois confronté à un obstacle qu’il déjoue grâce aux enseignements qu’il a pu tirer de son aventure.
• la morale : c’est la leçon que le héros a tirée de son voyage — « L’amour est plus fort que l’argent. » « Les préjugés, ce n’est pas bien. » (Et autres morales bien dégoulinantes de bons sentiments !)

La pyramide de Gustav Freitag

Gustav Freitag est un romancier allemand du 19e siècle qui après avoir noté des similarités entre les différentes constructions dramatiques, les a résumées, à l’aide d’un schéma.

Le voici :

La pyramide de Gustav Freitag

Je ne vous recommente pas les différents éléments du schéma, c’est la même chose que précédemment !

D’autres schémas narratifs

Lorsque vous construirez votre roman, il est tout à fait possible que vous ne vous reconnaissiez pas dans le schéma en trois actes. Ou du moins que vous souhaitiez le faire évoluer autrement. Voici quelques idées supplémentaires pour booster vos récits.

La double intrigue

Le titre de cette structure est assez clair : dans les romans obéissants à une double intrigue, il y a… deux intrigues. Si, si. Plus encore, il y a une intrigue principale et une intrigue secondaire. Les deux intrigues évoquent les mêmes thèmes, mais restent parallèles durant l’ensemble du roman.

L’intrigue en sablier

À l’inverse, un roman fonctionnant sur le schéma de l’intrigue en sablier comporte deux intrigues qui convergent l’une vers l’autre. 1Q84 de Murakami est un parfait exemple : les personnages évoluent chacun de leur côté et finissent par se retrouver dans une même histoire d’amour.

La biographie, l’autobiographie, le roman picaresque

Les genres de la biographie, l’autobiographie et du roman picaresque, qui est une forme de fausse autobiographie, ne répondent pas aux mêmes schémas puisque c’est avant tout le voyage de la personne qui est mis en avant de façon chronologique. (Remarquez : certaines biographies et autobiographies sont construites sur un modèle en trois étapes autour d’un événement marquant qui a changé le protagoniste principal. C’est le cas par exemple de La promesse de l’Aube de Romain Gary qui est une autobiographie romancée)

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Il est possible que votre roman en cours ou à venir épouse parfaitement l’une de ces structures alors même que vous n’en avez jamais entendu parler… C’est plutôt bon signe 😉 Cela prouve que vous l’avez construite avec logiquement.

Il est aussi possible que votre roman ressemble un peu à l’une de ces formes. Il peut donc être intéressant de repérer les différentes afin de voir si vous pouvez apporter des changements à votre roman (ou à votre plan) pour respecter les mêmes étapes. Ne transformez pas forcément votre roman : si vous le trouvez bien et efficace tel quel, il n’est pas nécessaire de tout chambouler pour des règles d’écriture dont on sait qu’elles ne sont pas fixes.

En effet, toutes ces structures sont, comme Jack Sparrow le dirait, « des grandes lignes de conduite plutôt que des règles coulées dans le marbre ». N’hésitez pas à les adapter à vos propres histoires et à votre instinct. 🙂

À vendredi pour un article sur les applications qui peuvent vous aider à organiser vos recherches.

Marièke

Crédit image : Le pont suspendu de Brooklyn, à New York. Il symbolise non seulement l’emmêlement des fils narratifs mais aussi tous les liens sur lesquels doivent se suspendre une intrigue. (Pixabay, CC0)