Parler de son livre en public : astuces et techniques

by Marièke

Bonjour à toutes et à tous,

Depuis le début de l’année, j’essaye de vous proposer régulièrement des interventions d’autres blogueurs et blogueuses sur l’écriture. C’est toujours un plaisir de vous proposer d’autres styles d’écriture et des articles sur des sujets que je ne maitrise pas forcément – ou pas forcément aussi bien que mon invité·e. Aujourd’hui, Jérôme de Ecrire et être lu vous propose un article sur Savoir parler de son livre en public. Un sujet que je ne maitrise pas du tout pour ma part et qui m’a donc beaucoup intéressée.

Bonne lecture !

*****

L’année de mes treize ans, je passais des vacances ennuyeuses dans la barre HLM où habitait ma grand-mère. C’était un été particulièrement chaud, je me souviens de l’air qui ondulait entre les parois en béton des immeubles, et du soleil qui nous écrasait.

Mon aïeul était une vieille dame aux cheveux blancs. Elle était gentille et aimable, mais offrait peu d’attrait pour le jeune garçon que j’étais et, à l’époque, j’avais peu de talents pour les relations sociales. Fils unique et sans ami, j’ai donc passé ces longues vacances plongé dans des cahiers de travaux pratiques que je noircissais d’encre pour y raconter les histoires d’aventure qui peuplaient mon esprit.

Ma grand-mère, en femme de son époque, me conseillait sur ce qu’un garçon de mon âge devrait faire :
– Tu devrais sortir de l’appartement par un temps pareil.
– Non, mamie. Je suis bien ici.
– Mais, tu ne veux pas te faire des amis ? Tu veux que je demande aux enfants de la voisine de jouer avec toi ?
– Non, mamie, je n’ai pas envie. Laisse-moi écrire s’il te plaît.

Dans l’âge ingrat de l’adolescence, je ne prêtais aucune valeur au verbiage agaçant d’une bienveillante vieille dame et je restais dans la fraîche pénombre de mon monde imaginaire. Pour me conforter dans ma décision, je m’appuyais sur le fantasme romantique de l’écrivain solitaire et taciturne qui oublie sa douleur en la couchant sur le papier ou en la noyant au fond d’une bouteille de whisky (merci, monsieur Hemingway).

Cela dura tout l’été. Parfois elle cédait, parfois je me laissais convaincre et j’errais sans but près de l’aire de jeux déserte. À mesure que mon entêtement à m’enfermer grandissait, son agacement augmentait à tel point que, à la fin de cet été interminable, nous étions tous deux heureux que je reprenne l’école.

Ce que ma grand-mère ignorait, tout comme moi à l’époque, c’était que : — 1 — Je m’étais découvert une passion pour l’écriture qui ne se tarirait jamais et — 2 — Cette passion m’amènerait, tôt ou tard, à sortir de chez moi et à parler à des gens… que je le veuille ou non.

La mort programmée de l’artiste maudit

Trente et un ans plus tard, l’homme avait inventé l’eBook, l’impression à la demande, l’auto-édition, et mon fantasme de l’écrivain torturé avait fait long feu.

Certes, l’auteur a un besoin impératif de s’isoler pour créer. La littérature reste un art solitaire qui passe par un retrait du monde. Il doit pouvoir s’immerger totalement dans sa bulle créative et dans l’univers qu’il façonne. Cependant, l’artiste d’aujourd’hui sait qu’écrire le livre ne représente que la moitié du job. Comme un entrepreneur, il doit faire entendre sa voix pour porter son existence et celle de son travail à la connaissance du monde et il doit crier d’autant plus fort que la concurrence est grande.

Or, elle n’est pas grande, elle est gigantesque. Tous les auteurs, qu’ils soient auto-édités ou publiés, doivent faire la promotion de leur dernier roman, faire des interviews, échanger avec des lecteurs lors des séances de dédicaces, tenir des conférences, négocier leur contrat avec un éditeur ou un agent… Bref, tous doivent parler de leur livre en public.

Quant à ceux qui persistent dans le fantasme de l’écrivain maudit, ils boivent leur whisky seul et dans l’indifférence générale.

Le chemin vers l’autre

Trois décennies après l’été chez ma grand-mère, j’ai fixé la date de publication de mon premier roman, et peu de personnes étaient plus fières que moi à ce moment-là.

Après tout, j’avais raison d’être fier. J’avais passé beaucoup de temps et d’énergie sur ce livre. J’étais satisfait du résultat. Ma compagne était impatiente de le voir en librairie… mais le reste du monde ? Il s’en fiche complètement. J’étais un énième inconnu de plus à avoir pondu un énième roman, tout comme des centaines d’autres chaque année. Pourquoi diable le monde s’intéresserait-il à notre travail ? Pourquoi serait-ce à lui à faire l’effort de venir vers vous ?

C’est donc à nous à aller vers lui. C’est à l’artiste qu’il revient de se déplacer pour lui parler. Je ne dis pas de marcher sur la première moitié du chemin et d’attendre que le public fasse l’autre moitié. Non, nous devons arpenter tout le chemin vers lui ; car le monde ne nous doit rien. Il ne nous a pas demandé d’écrire un livre. Et si nous voulons qu’il s’y intéresse, il faut le convaincre que cela en vaut la peine.

Pour que vous ayez cette opportunité, cette chance, de parler de votre œuvre, vous devez donc faire preuve de proactivité. En opposition à la réactivité, l’auteur proactif ne reste pas sagement assis en attendant de recevoir une visite, un e-mail ou un coup de téléphone pour communiquer sur son livre. L’auteur proactif se lève de sa chaise et va vers le badaud qui se promène entre les rayonnages de la librairie. C’est lui qui envoie un e-mail aux stations de radios pour demander une interview. C’est encore lui qui propose de tenir des conférences, des ateliers lors des événements en lien avec son ouvrage.
Lorsque vous avez franchi ce pas, quand vous avez fait le chemin vers l’autre, vous êtes sur scène, et le spectacle peut commencer.

De quel genre de spectacle s’agit-il, me demanderez-vous ? C’est un strip-tease… et vous êtes l’attraction. 😉

Se mettre à nu

Il vous reste à créer un lien avec votre interlocuteur. Que cette personne soit une lectrice, une journaliste, une auditrice radio ou une éditrice, la connexion avec elle ne peut passer qu’à travers l’émotion. C’est grâce aux capacités empathiques de votre interlocuteur, à sa faculté à s’identifier à vous et à votre discours que vous pouvez le toucher, et capter son attention.

Pour cela, vous devez vous ouvrir à votre auditoire et lui donner toutes les clés pour comprendre votre roman, lui faire entendre d’où il vient. En d’autres termes, vous devez faire en public ce que vous avez l’habitude de faire seul devant votre clavier : vous mettre à nu.

Car si un livre ne parle que d’un seul sujet, ce sujet est toujours l’auteur lui-même. Quand un écrivain verse ses tripes, sa sueur et son énergie dans un récit, il met forcément une part de lui-même sur le papier qu’il noircit. C’est cela qui intéresse votre auditoire : la partie intime et personnelle qui se cache derrière votre livre.

Évidemment, se lancer dans un strip-tease en public peut vous faire peur. C’est bien normal. Vous pouvez alors être tenté de vous réfugier derrière l’intrigue de votre roman, de lire son résumé à voix haute, car c’est facile et rassurant. C’est également une erreur. Vous n’avez pas besoin de réciter votre 4e de couverture. Elle est déjà accessible à tous ceux capables de retourner votre livre.

Bien sûr, vous devez fatalement aborder ce sujet. Donner un aperçu de ce que le lecteur achètera. Mais une phrase ou deux suffit amplement. Commençons par cela :

C’est l’histoire d’un mec

Notre Dame de Paris, c’est l’histoire d’un sonneur de cloches bossu qui tombe amoureux d’une belle gitane en danger de mort dans le Paris du 19e siècle.

Oliver Twist, c’est l’histoire d’un pauvre orphelin maltraité dans l’Angleterre Victorienne. Il va fuir ses bourreaux à Londres, mais son passé le rattrapera.

A Song of Ice and Fire, c’est l’histoire du royaume fantaisie de Westeros dont le roi décède prématurément. Les prétendants au trône se livrent alors une guerre sans merci pour le pouvoir.

Tous les romans, aussi complexes soient-ils, peuvent être résumés en quelques mots. C’est, à vrai dire, un excellent exercice qui vous aidera à capter l’essence de votre roman. Ce condensé doit placer les protagonistes principaux, le lieu, l’époque et LA grande ligne de l’intrigue. Il doit également rester ouvert afin de donner envie à votre interlocuteur d’en savoir plus.
Le condensé réussi d’un livre inconnu doit normalement susciter la question « Et alors ? ». S’il vous plaît, n’en dites pas trop.

L’histoire derrière l’histoire

Une fois que vous avez résumé votre roman, vous pouvez passer à ce qui intéresse vraiment votre interlocuteur : l’histoire qui se cache derrière votre ouvrage. Celle que votre livre révèle à votre propos. Et le strip-tease commence. 😉

Pourquoi faire cela ? Parce que raconter une histoire personnelle est le meilleur moyen de créer du lien avec votre auditoire. Avez-vous déjà remarqué l’effet que produit sur nous le récit d’une anecdote au milieu d’une présentation ennuyeuse ? Cela nous réveille, car nous sommes câblés pour nous intéresser aux histoires et pour nous identifier à celui qui la raconte.

Les histoires personnelles nous inspirent et nous permettent de ressentir un message autant que de le comprendre. C’est un mécanisme instinctif partagé par tous les individus de toutes les cultures. Il est aussi vieux que les récits de chasse mimés par nos ancêtres néandertaliens, et il a maintes fois fait ses preuves.

Pour réussir cette connexion émotionnelle, votre histoire doit respecter certaines règles :

1 — Préparez-vous en amont

Vous devez être clair dès le début. Savoir où vous allez pour éviter les bafouillements et les hésitations. À l’époque des réseaux sociaux et du fast-food, le temps de cerveau disponible est réduit à une peau de chagrin. Si votre interlocuteur n’est pas captivé dans les trente premières secondes, il est perdu.

Si vous êtes gêné ou nerveux à l’idée de vous lancer dans ce type d’expérience, je vous invite à :

  • répéter seul devant le miroir de votre salle de bain,
  • utiliser des techniques de développement personnel pour réduire votre trac et vous sentir plus à l’aise. Si vous souhaitez travailler ce point, vous pouvez lire cet article : Comment vaincre le trac.

2 — Votre histoire doit être personnelle

Ne racontez pas ce qui est arrivé à un ami ou à l’ami du cousin de votre collègue.

Pour toucher votre interlocuteur avec votre histoire, pour qu’il s’identifie, le principal protagoniste doit être vous. Parlez à la première personne et faites part de ce que vous ressentiez au moment où cela se passait.

3 — Le conflit

Ce qui rendra votre histoire intéressante, c’est le conflit.

La bataille qui se sera tenue entre vous et un obstacle tel qu’une émotion, un handicap, une situation dont vous avez été victime, etc.

Plus le conflit est grand, et plus vous serez captivant. Vous avez le droit d’enjoliver, de romancer un peu la vérité (vous êtes écrivain après tout !), mais vous devez rester honnête. C’est une tranche authentique de votre vie que vous racontez.

4 — Soyez précis

La précision ajoute de la crédibilité et du réalisme à votre histoire.

Par exemple, ne dites pas « un jour », mais « un samedi » ou « le 5 octobre ».

Ne dites pas « il y en avait un certain nombre », mais « ils étaient cinq », etc.

5 — Jouez les dialogues

Si votre histoire implique plusieurs personnes qui échangent sur un sujet, je vous invite à « jouer » les dialogues de ces personnes, plutôt que de les narrer.

Évitez les « Il m’a dit que… » et « Je lui ai répondu que… ». Incarnez vos personnages le temps d’un court dialogue.

Cela requiert un petit talent d’acteur, soit, mais on ne vous demande pas de remporter un Oscar ou de faire un one-man-show. Cela rend le récit beaucoup plus vivant et il gagne en impact.

6 — L’épiphanie

Comme votre roman, votre histoire doit avoir une fin, une morale. Le moment au cours duquel vous avez compris qu’un changement était nécessaire, celui qui vous a engagé à écrire votre livre peut-être, ou celui qui vous a fait comprendre le sens profond de votre roman. Bref, une révélation, de petite ou grande importance, qui doit être courte pour être inspirante et pour pouvoir être répétée.

Dans la mesure du possible, faites en sorte que votre épiphanie soit positive. Vous préférerez que votre interlocuteur vous quitte avec le sourire et le pas léger plutôt que les épaules basses et le moral dans les chaussettes.

Une « morale » positive est toujours plus inspirante, et elle enseigne sans sermonner (personne n’aime ça).

Un exemple ?

Si vous souhaitez un exemple, je vous invite à relire l’introduction de cet article.

Avez-vous été intrigué par mon anecdote sur ma grand-mère ?… Assez pour continuer ? Cette histoire a-t-elle capté votre attention ? Je l’espère, car c’était son objectif. 🙂

Elle raconte mon expérience personnelle (j’écris à la première personne), implique un conflit (mon désaccord avec ma grand-mère), elle est précise (« Quand j’avais treize ans »), reprend des dialogues et se termine sur une révélation (je devrais parler aux autres que je le veuille ou non).

Est-ce l’histoire du siècle ? Il est certain que non, mais ce n’est pas son but. Elle était là pour marquer votre esprit, pas pour gagner le prix Goncourt.

Savoir parler de son livre en public

Parler de son livre n’est généralement pas ce qu’un auteur a en tête lorsqu’il écrit. Après tout, si nous voulions nous montrer nous aurions opté pour le théâtre plutôt que l’écriture. C’est pourtant une étape nécessaire pour être lu.

La recette simplifiée pour cela ? Un zeste de courage et de culot pour aller vers l’autre, un sourire aimable et une histoire à raconter. Cela tombe bien, vous êtes écrivain. C’est ce que vous faites le mieux. 🙂

Il ne vous reste donc plus qu’à décrocher votre téléphone, et à rédiger des e-mails. Cela, personne ne pourra le faire pour vous. Comme toujours, vous êtes la clé de votre propre succès. La seule personne à pouvoir prendre en main votre vie d’auteur.

Maintenant, c’est à vous de jouer.

*****

Savoir parler de son livre en public me semble effectivement essentiel pour réussir son projet d’édition. Pourtant, c’est loin d’être évident : parler de son livre est déjà flippant, alors s’il faut en plus parler de soi ^^’ J’avoue que pour ma part, cela me terrorise… mais j’apprends et je m’en sors de mieux en mieux.

Merci Jérôme pour ce point à la fois complet et intrigant ! 🙂

A vendredi pour un nouvel article !

Marièke

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6 comments

Suzie Do’o 19 avril 2019 - 17 h 10 min

Bonjour,
merci pour cet article très intéressant. Pour moi qui suis d’un naturel timide, j’en ai appris beaucoup sur l’importance de parler de son roman. De se faire violence en quelque sorte pour mieux se préparer à la partie vente-marketing du roman.
À bientôt
Suzie

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Marièke 21 avril 2019 - 15 h 33 min

Bonjour, même édité en maison d’édition, il faut garder en tête que la part de promotion est importante pour vendre son texte 🙂 Il est important de s’en rendre compte et de se faire (un peu) violence !

Reply
michel Bernard 21 avril 2019 - 10 h 39 min

Exactement ça! Du vécu, pour accrocher l’auditeur. Je dois promouvoir mon dernier roman pour une dédicace de médiathèque. J’ai l’intention de raconter la progression de l’intrigue de mon roman par les nombreuses synchronicités qui sont apparues dans ma propre vie et dans la vie de mes personnages.
J’en dirais plus quand cette phase de promotion sera passée.

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Marièke 21 avril 2019 - 15 h 33 min

Bonne promotion 🙂

Reply
Alexandra Biedermann 3 juillet 2020 - 10 h 03 min

Bonjour!
Auteure auto-éditée, je viens de sortir mon premier roman. Cet article m’aide beaucoup, merci beaucoup!
Bonne journée!

Reply
Marièke 14 août 2020 - 18 h 29 min

Merci pour ton sympathique retour !

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