Les différents points de vue narratifs

by Marièke

Point de vue interne, externe, omniscient. Il y a de fortes chances que vous les connaissiez – du moins de nom – mais pourquoi choisir l’un plutôt que l’autre ? Quelles sont leurs différences ? Cet article est le premier d’une série de quatre sur Choisir le point de vue de son récit.

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Avant-propos : C’est quoi le point de vue d’un récit ?

Le point de vue c’est la position du narrateur par rapport au récit. Où vous placez vous pour raconter votre histoire ? Dans la tête d’un personnage, dans la tête de tous vos personnages, dans aucune tête ?

Prenez ces trois textes :

Hunger Games, Tome 1, Suzanne Collins

De retour au centre du gymnase, je reprends ma position initiale et je transperce le mannequin en plein cœur. Puis je coupe la corde du sac de frappe, qui s’éventre en s’écrasant par terre. Sans un temps mort, je roule sur une épaule, me relève sur un genou et tire une flèche dans l’un des projecteurs suspendus au plafond du gymnase. Une cascade d’étincelles en dégringole.

C’est du grand art. Je me retourne vers les Juges. Quelques-uns hochent la tête d’un air approbateur, mais la plupart sont focalisés sur le cochon rôti qu’on vient d’apporter sur la table du buffet.

Soudain, je suis furieuse. Ma vie est en jeu, et ils n’ont pas la décence de m’accorder un regard. Ils préfèrent s’intéresser à un cochon crevé. Mon pouls s’emballe, mes joues s’échauffent. Sur un coup de tête, je sors une flèche de mon carquois et la décoche vers la table des Juges. Tout le monde s’écarte avec des cris d’effrois. La flèche arrache la pomme dans la gueule du cochon et la cloue au mur. On me dévisage avec incrédulité.
– Merci pour votre attention, dis-je.
Une légère courbette, puis je gagne la sortie sans attendre qu’on me le demande.

Les Misérables, Victor Hugo

Dans les premiers jours du mois d’octobre 1815, une heure environ avant le coucher du soleil, un homme qui voyageait à pied entra dans la petite ville de Digne. Les rares habitants qui se trouvaient en ce moment à leurs fenêtres ou sur le seuil de leurs maisons regardaient ce voyageur avec une sorte d’inquiétude. Il était difficile de rencontrer un passant d’un aspect plus misérable.

Guerre et paix, Livre 1, Partie 1, Léon Tolstoï

Un gros jeune homme massif , aux cheveux coupés courts, avec des lunettes, portant un pantalon clair à la mode d’alors, un haut jabot et un habit brun, entra peu de temps après la petite princesse. Ce gros jeune homme était le fils naturel d’un grand seigneur du règne de Catherine, le compte Bezoukhov, qui se mourait à Moscou. Il n’exerçait encore aucune activité, venait de rentrer de l’étranger où il avait été élevé et se montrait pour la première fois dans le monde.

Aucun de ces textes n’est écrit au même point de vue. Le premier est le point de vue interne. Le deuxième est un point de vue externe. Le troisième un point de vue omniscient. Voici les caractéristiques de ces points de vue.

Le point de vue interne

Dans le point de vue interne, le narrateur est le personnage. Il sait les mêmes choses que lui, partage ses pensées.  Ce type de point de vue est le plus souvent utilisé à la première personne mais il peut y avoir des exceptions.

Dans l’extrait d’Hunger Games proposé ci-dessus, le narrateur est Katniss Everdeen (l’archère qui tire sur les juges). On ne sait pas ce que ces derniers pensent d’elle : on ne sait que ce qu’elle croit qu’ils pensent d’elle à travers ses pensées.

Da Vinci Code, de Dan Brown

Cette nuit Silas avait enfin le sentiment de rembourser sa dette. Il ouvrit le dernier tiroir de la commode, en sortit le téléphone mobile qu’il y avait caché, et composa un numéro.
– Oui ? répondit une voix masculine.
– Je suis rentré, Maïtre.
– Parle, ordonna la voix qui semblait heureuse de l’entendre.
– Tous les quatre ont été supprimés, les trois sénéchaux et le Grand Maïtre lui-même.

Dans cet extrait, bien que l’on soit à la troisième personne du singulier, nous sommes dans le cas d’un point de vue interne. Les pensées de Silas sont les seules qui parviennent au lecteur. Quelques pages plus loin, c’est le héros qui prend la main. Cette succession de points de vue interne permet à l’écrivain d’incorporer suspense et révélation (ce qui ne serait pas le cas en cas de point de vue omniscient) (nous verrons les avantages de chacun des points de vue dans un prochain article).

Le point de vue externe

Dans le point de vue externe, le narrateur en sait moins que les personnages de l’histoire. Il est spectateur de l’action et la raconte, sans l’expliciter par les pensées ou le passé des personnages. Pour mettre en place ce type de point de vue, les auteurs utilisent la troisième personne du singulier.

Dans l’extrait de Victor Hugo proposé, l’écrivain dresse un portrait de l’homme et de ces actions. Jamais il ne rentre dans sa tête ou n’essaye d’expliquer son action par son passé, ses envies… Cela donne du suspense à l’action.

Le point de vue omniscient

Dans le point de vue omniscient, le narrateur en sait plus que chacun des personnages présents. Il est Dieu. Il sait tout, voit tout, connait tout. Libre à lui de tout dire ou non. La troisième personne du singulier est souvent utilisée pour mettre en place ce point de vue.

Dans l’extrait de Guerre et paix proposé précédemment, il est évident que le narrateur sait tous les détails concernant cet homme. Bien plus que chacun des personnages présents dans la salle au moment de cette réception. Peut-être même bien plus que le personnage qu’il décrit : il sait son passé, ses envies profondes, comprend son caractère… Toutes les descriptions de Léon Tolstoï dans Guerre et Paix sont une mine d’information que je trouve passionnantes : elles témoignent de l’effort de précision apporté à chacun des personnages.

Voilà pour cette description des différents points de vue utilisables dans un récit. Le prochains article concernera les interventions du narrateur dans son récit : est-il objectif ? subjectif ? complètement douteux ? Je traiterai ensuite l’impact de ces points de vue sur un récit.

À vendredi,

Marièke

Crédit image : Le point de vue d’une histoire, c’est la façon qu’à le narrateur de la regarder. (Pixabay, CC0).

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6 comments

sabassy gueye sy 27 avril 2018 - 16 h 10 min

C’est intéressant vraiment bon travail vous aidez les étudiants à comprendre.

Reply
Marièke 9 juin 2018 - 16 h 01 min

Merci ! Quels étudiants ? 🙂

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pierre poulin 27 mars 2019 - 15 h 04 min

Merci beaucoup pour ces informations! Je suis en révision et j’étais confus sur le type focalisation que je devais utiliser. Merci encore 🙂

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Marièke 21 avril 2019 - 15 h 09 min

Merci pour ton message !

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Marilly 9 décembre 2021 - 16 h 22 min

merci beaucoup

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Marièke 13 mars 2022 - 15 h 58 min

🙂

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