La méthode d’écriture d’Elizabeth George

by Marièke

Il y a plusieurs semaines, Lauraline évoquait le nom de Elizabeth George et de sa méthode d’écriture dans les commentaires d’un de mes articles. Ne connaissant pas du tout cette autrice ni sa méthode, j’ai décidé d’y jeter un œil en lisant son livre sur l’écriture. Je vous propose aujourd’hui de découvrir cette méthode, assez proche de la méthode flocon.

*****

Elizabeth George

Autrice américaine de roman policier, elle place la plupart de ses romans dans l’Angleterre contemporaine.

En plus de ses activités d’écrivaine et certainement pour gagner sa vie en étant uniquement auteur, elle donne des ateliers d’écriture au sein d’universités et de bibliothèques. Elle développe cette expérience ainsi que ses connaissances dans le livre Mes secrets d’écrivain paru le 18 mai 2006. J’ai mis la main sur ce livre et vous propose de découvrir ses enseignements.

Le livre d’Elizabeth George se trouve à mi-chemin entre la biographie et le livre sur l’écriture classique. Il est beaucoup plus technique qu’écrire de Marguerite Duras, mais l’auteur y partage des anecdotes et des sentiments sur l’écriture qui rappelleront des sensations bien connues aux écrivains d’entre vous.

La méthode : de l’idée à la réécriture

La partie 4 du livre Mes secrets d’écrivain porte sur la méthode de l’écrivaine. Je pense qu’elle sera très intéressante pour les écrivains d’entre vous : elle ressemble pas mal à la méthode flocon, mais est un peu plus flexible.

Étape #1 : L’idée

Pour Elizabeth George, une idée de roman est une pensée qui renferme l’un de ces trois éléments :

  • l’événement déclencheur qui mettra la mécanique en mouvement
  • OU l’intrigue contenant le début, le milieu et la fin
  • OU une situation énigmatique qui suggère un éventail de personnages en conflits

Si elle possède l’un de ces trois éléments, elle estime avoir assez de matière pour commencer à travailler.

Étape #2 : L’idée développée

L’idée développée est la suite de questions-réponses qui découle de l’idée initiale. Répondre à toutes les questions lui permet de rédiger un paragraphe que certains écrivains appellent synopsis qui renferme la majorité du déroulement de l’histoire.

Étape #3 : Les recherches

Cette étape se déroule en trois phases pour Elisabeth George. Dans un premier temps, elle définit les recherches qu’elle va avoir à faire pour rendre concrets ses romans. Ensuite, elle fixe ses rendez-vous avec les personnes qu’elle souhaite rencontrer. Enfin, elle effectue les recherches sans hésiter à se déplacer sur place. Elle prend des photos, enregistre les interviews au magnétophone ainsi que ses sentiments lors de ses visites — enregistrements qu’elle reporte ensuite sur son ordinateur. Elle constitue ainsi des dossiers d’information propres à chaque lieux.

Étape #4 : La création des personnages

Une fois le travail de recherches réalisé, Elisabeth George passe à la création de ses personnages. Elle commence par leur choisir un nom, car, pour elle, le nom est sa « première occasion d’orienter l’attitude du lecteur envers ce personnage ». Une fois le nom choisi, elle écrit, pour chacun des personnages qui jouent un rôle dans le roman, une fiche descriptive qu’elle rédige sur le mode de l’écriture créative : à partir d’une fiche qui lui permet d’orienter sa réflexion et de rester dans les clous, elle écrit de façon automatique afin d’aller le plus loin possible dans la psychologie de ses personnages. Une fois qu’elle a écrit 4-5 pages A4 au clavier par personnage, elle l’imprime et surligne les éléments importants pour s’en souvenir.

Étape #5 : L’élaboration du décor

Pour chaque lieu de son roman, Elisabeth George rédige une fiche avec des éléments lui permettant de rendre réel le lieu. Elle peut dessiner une carte, décrire des odeurs, des couleurs, une atmosphère… Tout ce qui lui permet de faire du lieu le sien et surtout celui de son intrigue. Le but est de le faire vivre aux yeux de son lecteur.

Étape #6 : La création du « canevas »

La création du canevas se fait en deux étapes. Dans un premier temps, l’autrice écrit très vite une liste des événements qui ont lieu dans le roman. Ils n’ont pas forcément à être dans l’ordre chronologique : il faut simplement qu’ils soient assez nombreux. Elle s’estime heureuse quand elle a 15 événements dans un roman, mais elle a déjà construit un roman autour d’une dizaine d’événements. Dans un second temps, elle recherche les liens de cause à effet des différents événements entre eux. Elle commence alors à relier les événements entre eux. Elle gribouille sa liste initiale, trace des flèches… Le but est d’avoir le plus de scènes possibles rattachées les unes aux autres.

Étape #7 : La mise en place du « séquencier »

Le séquencier découle du canevas. C’est un compte rendu dans lequel elle décrit tout ce qui va se passer dans chacune des scènes du roman. Elle prend alors les décisions techniques : le choix du personnage-point de vue, la construction de la scène (son début, sa fin…)… Si elle réalise ce travail en écriture automatique, il est aussi possible de créer un tableau qui reprend, pour chaque scène : les personnages, la narration, quelques lignes de dialogue, le décor, le conflit…

Étape #8 : La rédaction du premier jet

Une fois ce travail préliminaire accompli, c’est le moment de se lancer dans le premier jet. Pour se faire, il lui suffit de suivre son plan de bataille — sans pour autant s’y tenir à 300 %. Il lui arrive de s’en détacher, même si l’expérience lui a démontré plusieurs fois que son travail préliminaire était le bon. Concernant sa méthode d’écriture en tant que telle, elle écrit toujours 5 pages par jour, parfois plus, mais jamais moins. Parfois, cela lui prend une heure, parfois cinq. Et ce, qu’il pleuve, vente, neige, qu’elle soit en vacances ou en conférence pour du travail. Elle écrit la plupart du temps au petit matin et c’est l’une des premières choses qu’elle accomplit dans sa journée.

Étape #9 : La relecture n° 1

En s’obligeant cette discipline rigoureuse, elle termine son premier jet. Elle en fait un tirage papier et le lit le plus rapidement possible. Elle n’effectue aucun changement, mais note au fur et à mesure les faiblesses, les répétitions, les passages flous, un personnage effacé… Suite à ce travail, elle réalise ce qu’elle appelle un argumentaire (mais on peut aussi l’appeler une liste de changements à effectuer) et elle s’attelle à la rédaction du deuxième jet.

Étape #10 : La rédaction du deuxième jet

La première partie du travail de révision du premier jet et de rédaction du deuxième jet se fait sur papier. À partir du tirage papier effectué, elle découpe, colle, réécrit, gribouille, réorganise son roman. Elle n’apporte par ses corrections sur ordinateur dans un premier temps, sauf, parfois, pour écrire un passage plus long. Lors de ce travail, elle peut écrire jusqu’à trente pages par jour. Elle reporte ses corrections sur son roman à l’ordinateur quand elle a terminé son travail de découpage.

Étape #11 : La bêta lecture

Elle fait ensuite confiance à un bêta lecteur. Ce n’est pas forcément le même d’un texte à l’autre, mais c’est toujours quelqu’un qui lit beaucoup et connait ce qu’elle écrit. Elle lui confie son texte pour lecture avec deux listes de questions auxquelles elle aimerait qu’il réponde. La première est à consulter avant la lecture et sert à attirer son attention sur certains points. La seconde est à lire après la lecture.

Étape #12 : La validation

Lorsque le lecteur a fini de lire le roman, Elisabeth George et lui se retrouvent pour en discuter. Elle décide ensuite d’apporter, ou non, des modifications à son roman. Une fois ces dernières effectuées, elle soumet son texte à son éditrice.

*****

J’ai particulièrement apprécié lire le livre d’Elisabeth George. Il est très accessible et sa façon de voir l’écriture et les ateliers d’écriture est finalement assez proche de la mienne ce qui me rend cette écrivaine très sympathique. Il faudra que je tente de lire un de ces livres — même si j’avoue que le genre policier n’est clairement pas mon genre préféré.

Connaissiez-vous Elizabeth George et cette méthode ?

À vendredi pour un dernier article avant les vacances sur les retraites d’écriture,

Marièke

Crédit image : Un ordinateur face à un mur de liège : parfait pour y afficher ses plans et ses fiches pendant la rédaction, par Alexander Filonchik (Unsplash, CC0)

Je m'abonne à la newsletter !

Abonnez-vous à la newsletter et recevez des ressources gratuites pour avancer sur vos projets d'écriture. Toutes les informations sur cette page.

Je ne spamme pas ! Consultez mes engagements pour plus d’informations.

À lire sur le même thème

9 comments

Abigael C 30 juin 2016 - 11 h 45 min

Je suis aussi tombé sur ce livre à la bibliothéque sans rien connaître de cette auteure ( le policier n’est pas non plus mon genre préféré 🙂 ) et je n’ai pas regretté de l’avoir emprunter. C’est rare qu’un auteur livre des conseils réellement applicable et utile. La plupart se contente de nous réexpliquer les différentes types de narration et d’autres trucs du même genre.

Reply
Marièke 16 juillet 2016 - 11 h 20 min

Oui, il est agréable à lire en plus. Les conseils sont concrets et applicables. Je l’ai conseillé à mon copain qui est intéressé par l’écriture mais qui n’avait jamais rien lu sur les techniques d’écriture et il a beaucoup aimé. Je pense que c’est vraiment un bon outil pour les débutants 🙂

Reply
DeVoe 14 août 2018 - 20 h 04 min

Bonjour Marièke !

Quand je lis ton article, je me pose une question (récurrente d’ailleurs ans mes recherches)

C’est quoi « un évènement » ?

La mort de quelqu’un est-elle un évènement ? Aller chercher le pain ? se faire enlever ? Embrasser quelqu’un ? Mettre ses chaussures,… ? J’ai du mal à saisir la frontière, le moment ou un simple jeu d’écriture devient un évènement à part entière.

15 d’entre eux oui, mais ça veut dire quoi ? o_O

Reply
Marièke 18 août 2018 - 20 h 43 min

Bonjour !
Alors je reprends ici le vocabulaire de Elizabeth George mais il y a plusieurs mots pour désigner ce type de moments. Tu peux aussi le voir comme un noeud de l’intrigue ou une péripétie. C’est un enjeu dans l’intrigue, un élément qui fait évoluer l’histoire et lui fait franchir une nouvelle étape.
Dans une histoire d’amour, par exemple : la rencontre, le premier échange de sms, le premier rdv, le premier bisou, la première nuit, une dispute, une demande en mariage, un projet… Toutes ces choses qui font avancer l’histoire 😉

Reply
Juliette 22 avril 2019 - 19 h 30 min

Merci pour cet article, je sens que cette méthode me correspond mieux que les autres… J’ai très envie de l’appliquer sur l’une de mes idées !

Reply
Marièke 12 mai 2019 - 7 h 35 min

Merci pour ton message ! J’espère qu’elle fonctionnera pour toi !

Reply
Ferhani 26 juin 2019 - 2 h 15 min

Marièke, un grand merci pour toutes vos publications. J’ai lu « Mes secrets d’écrivain » et pour mieux le comprendre, et à la suite de cela, j’ai acheté tous les livres d’Elisabeth George. Je peux vous assurer qu’on ne les lache pas facilement même si certains dépassent les 700 pages. Je suis devenue acco de cette auteure.

Reply
Marièke 20 août 2019 - 8 h 14 min

Merci ! Et je vous crois totalement 😉

Reply

Leave a Comment