Écrivons malgré les fautes d’orthographe

by Marièke

Il y a près d’un mois, je proposais aux abonnés de la newsletter un coup de gueule concernant l’orthographe. Son but : arrêter de faire de l’écriture un média réservé à une élite qui écrit sans faire de faute. Ce texte a reçu une bonne réception et j’ai eu envie de prolonger le débat 🙂 N’hésitez pas à y répondre et à partager votre avis (même si vous faites des fautes !)

>> En postant ce texte, mon intention n’est ni de me dédouaner par rapport aux fautes d’orthographe que je fais régulièrement sur ce blog, ni de prôner le langage SMS. Il s’agit avant tout de montrer qu’internet entraîne une nouvelle utilisation de l’écrit.

*****

Le web renforce la visibilité des fautes

Comme l’imprimerie et l’ouverture de la lecture ont changé le français en leur temps, le web transforme notre langue en permettant à tous de s’exprimer sans filtre. L’écrit s’expose brut, spontané et constellé de fautes d’orthographe sur les réseaux sociaux et les blogs, là où il se cachait auparavant dans la correspondance privée. Le seul écrit visible publiquement était alors l’écrit officiel, corrigé, lu et relu avant de s’apparaître dans les livres, les journaux et les textes officiels.

Face à cette montée de la visibilité des fautes d’orthographe, certains s’offusquent et craignent pour leur langue et son intégrité : le langage SMS est le Mal, les fautes d’orthographe sont le fait d’imbéciles qui sont complètement illettrés rendus abrutis par leurs écrans de télévision.

Cette réaction est disproportionnée mais entraîne une forte auto-censure. Bon nombre de personnes se limitent dans leur écriture parce qu’elles font des fautes. Elles ont tellement peur de la mauvaise image qu’elles pourraient avoir qu’elles préfèrent s’autocensurer, se taire. Et ce, alors qu’elles ont certainement des choses pas plus bêtes que les autres à dire.

L’omniprésence des fautes d’orthographe

La science de l’orthographe est une science barbare et quelques fautes, par-ci, par là, ne sont pas forcément le signe de la débilité profonde de celui qui les commet. Elles peuvent être dues à un manque d’attention, de connaissances, d’habitudes, d’intérêt, aussi. Ou encore à la dyslexie et ou à la dysorthographie, troubles qui rendent difficile la mémorisation de l’orthographe des mots, bien qu’on les ait lus et écrits des milliers de fois.

Au final, la plupart des francophones font des fautes d’orthographe, ne serait-ce que parce que notre langue est compliquée à maîtriser de bout en bout (pensez à la fameuse dictée Pivot : que celui qui l’a finie sans aucune faute me jette la première pierre virtuelle !). En donnant la possibilité à tous de publier, le web ne fait qu’afficher notre perfectibilité.

Le droit de s’exprimer à l’écrit

Faut-il forcer pour autant les francophones au silence digital pour ne plus écorcher la langue française ? Faut-il fermer l’accès internet de tous ceux qui font plus de trois fautes ? Faut-il automatiquement refuser le manuscrit d’un auteur parce qu’il commet une faute par page ? Faut-il renvoyer dans leur chambre tous ces délinquants de l’orthographe pour qu’ils y étudient le Bescherelle ? Faut-il couper les mains de tous ces assassins de la langue de Molière pour qu’ils cessent d’écrire ?

Je ne le crois pas. Je ne le crois pas, en partie parce que je commets des fautes moi-même, mais aussi parce que je pense que les idées ne devraient pas être muselées pour un « é » devenu « er » ou un « s » manquant. Pour le bien du français, de la littérature et des idées, ne faisons pas de l’écriture un média élitiste. Tout le monde a le droit de s’exprimer, d’être lu et d’être écouté, qu’il fasse des fautes ou non. Le web permet cette ouverture et je la trouve salvatrice pour notre démocratie.

Osez, pensez, écrivez. Malgré les fautes d’orthographe.

*****

N’hésitez pas à réagir sur cet article. Cela fait longtemps que je m’interroge sur ces questions. J’aime la langue française et ses complications (elles me le rendent bien) et en même temps, je ne peux pas accepter que celui qui ne la maîtrise pas doive se taire ou attendre qu’on le corrige pour avoir le droit de s’exprimer. Quelqu’un a-t-il une idée de compromis ? 🙂

Très bon weekend à vous et à lundi pour un article tout particulier…

Marièke

 Crédit image : Une main sur un clavier. (Pixabay, CC0)

Je m'abonne à la newsletter !

Abonnez-vous à la newsletter et recevez des ressources gratuites pour avancer sur vos projets d'écriture. Toutes les informations sur cette page.

Je ne spamme pas ! Consultez mes engagements pour plus d’informations.

À lire sur le même thème

10 comments

Lucie 2 avril 2017 - 13 h 08 min

Merci pour ton article,

Moi, qui suis dyslexique, ça me rassure de savoir que mes fautes ne devrait pas m’empêcher d’écrire.

Reply
Marièke 10 avril 2017 - 14 h 49 min

Disons que c’est ma façon de voir 🙂 Après, tu tomberas toujours sur des gens qui te diront d’arrêter parce que tu ne pourras pas y arriver… Mon conseil : ignore-les et trouve des parades pour limiter la casse (un correcteur patient et un logiciel de correction efficace).

Reply
Romy 26 juin 2017 - 16 h 28 min

Bonjour Marièke,

Quelle joie de lire ton article ! Tu parles de quelque chose de très important et tellement tabou encore. Je suis bloggueuse littéraire et j’avoue sans complexe faire des fautes d’orthographes… mais je me soigne. Tu as raison de dire que les personnes qui font des fautes ne doivent pas être marginalisées ou mise de côté. Les exclures du processus d’écriture est une grosse erreur. Le droit de s’exprimer par l’écrit est vital ! Mais pour encourager à l’écriture et surtout pour se décomplexer de faire des fautes il y a peut-être quelques trucs simples : s’équiper d’un correcteur orthographique, d’un ou plusieurs dictionnaires, de livres de règles de grammaires, conjugaisons… mais je crois que la principale difficultés réside dans le fait que pour beaucoup l’écriture est quelque chose d’élitiste, par conséquent une seul minoritée aurait se fabuleux don d’écrire sans fautes. C’est abjecte et faux ! Bien écrire demande de la patience et beaucoup de travail. Je t’encourage vivement dans tes travaux d’écritures avec plein de fautes !!! A oui, j’ai lu un livre intéressant sur le sujet qui s’appel : Au bonheur des fautes de Muriel Gilbert, délicieux !!

Reply
Marièke 20 juillet 2017 - 22 h 05 min

Contente d’avoir pu (un peu) briser ce tabou que sont les fautes 🙂
Je ne connais pas le livre dont tu parles, j’irai voir !

Reply
Algil 5 décembre 2017 - 1 h 25 min

Je comprends tout à fait ce propos, pour avoir lu de nombreuses fanfictions (avant de m’y lancer moi-même).

Souvent, on compare la présence de fautes à un écrit amateur, qui serait de moins bonne qualité. Comme le montre un article du blog « La chaise pliante », traitant justement de l’orthographe :
« À défaut d’arguments, l’orthographe fait office d’outil de jugement ultime sur la valeur d’une personne, sur son intelligence, sur sa légitimité à débattre »
C’est ce qui conduit à penser que mauvaise orthographe = personne peu intelligente/cultivée = propos peu intéressant.
Le raccourci est vite fait. Ceci dit, quand on regarde d’un peu plus près l’histoire de la langue française, on s’aperçoit que son orthographe et sa grammaire sont volontairement complexes afin de rendre le français écrit élitiste. Pour preuve une citation de Mézeray qui déclare, en 1673 (citation disponible sur le blog « The conversation ») :
« [L’Académie] déclare qu’elle désire suivre l’ancienne orthographe qui distingue les gens de lettres d’avec les ignorants et les simples femmes. »

Au-delà de cette volonté de mettre d’un côté les bons en orthographe qui méritent d’être lus et les autres qui ne sont pas foutus d’ouvrir un dico, dont la parole ne serait certainement pas intéressante, on pourrait s’interroger sur le fait que notre langue est vivante, et que les fautes qui sont faites dans les textes que nous lisons sont peut-être aussi le témoin d’une évolution en cours de notre langage écrit.

Un point que j’aimerais aborder également est le fait que l’on écrit de plus en plus dans l’instantané. Sur internet, sur nos portables, on écrit un message rapidement et on l’envoie à la personne voulue. Pareil pour les commentaires, les articles de blogs, les chapitres de fanfictions… Le but est de mettre rapidement notre avis ou nos récits à disposition des lecteurs. Et souvent, nous ne prenons pas la peine de nous relire. Ou nous nous relisons mais, connaissant déjà notre propos, les fautes que nous serions en mesure de détecter – et de corriger – nous passent sous les yeux sans que nous les remarquions.
De mon point de vue, du moment que lesdites fautes ne rendent pas ma lecture pénible, ou qu’elles me conduisent à m’interroger sur le sens d’une phrase, je suis tout à faite capable de les supporter (et pourtant, je suis une maniaque de l’orthographe, mais je me soigne). Cela dit, ce n’est pas parce que je remarque des fautes que je vais dire à l’auteur-trice qu’il est nul-le et qu’il-elle devrait arrêter de publier. Je préfère faire des commentaires positifs et si possible, constructifs (du moins j’essaye).

Terminons ce commentaire par une excellente solution, proposée sur le blog de « La chaise pliante » :
« Et si on commençait à respecter les personnes plutôt que l’orthographe ? »

En lien, les articles qui m’ont servi à étayer mon propos :
http://lachaisepliante.canalblog.com/archives/2016/01/29/33287865.html >> pour le blog « La chaise pliante »
https://theconversation.com/lortografe-ca-sert-a-koi-75876 >> pour le blog « The conversation »

Reply
Marièke 14 janvier 2018 - 15 h 51 min

Je suis d’accord avec cette conclusion : respectons les personnes plutôt que l’orthographe et ne partons pas du principe qu’une personne qui fait des fautes d’orthographe ne nous respecte pas 🙂

Reply
maria 6 décembre 2018 - 14 h 42 min

Bonjour . Je suis Maria, formatrice de professeur de français dans une université à Alger et j’ai toujours dit à mes étudiants qu’il ne faut pas être esclave de l’orthographe ,la langue française ne se limite pas à cela.heureuse de connaitre votre blog
Maria

Reply
Marièke 2 janvier 2019 - 11 h 28 min

Merci pour ton retour ! C’est d’autant plus vrai pour des étudiants dont le français n’est pas la langue maternelle !

Reply
Oiseau-de-Pluie 14 avril 2019 - 0 h 55 min

Bonjour,
Je suis d’accord avec cet article. Depuis toute petite, j’ai toujours été plutôt bonne en orthographe à l’école et je n’avais quasiment que des bonnes notes en dictées. De très bonnes notes en rédaction également, c’était même mon exercice préféré au collège. On m’a toujours dit que j’écrivais très bien. Ceci dit, les dictées de l’école étaient assez simples en comparaison avec celle à laquelle j’ai assisté cet après-midi. En effet, une dictée était organisée dans ma ville et je me suis aperçue que j’avais fait… 10 fautes d’orthographe ! Oui, absolument, dix fautes en moins de dix lignes…
Dans cette dictée, il y avait pas mal de mots difficiles que je ne connaissais même pas, mais aussi d’autres que je connaissais et dont je butais sur l’orthographe. En plus de ça, en me relisant, je me suis également aperçue qu’après coup, j’avais fait deux fautes d’inattention…
J’avoue que sur le coup, j’ai eu honte de moi et je me suis sentie idiote, d’autant plus que les autres concurrents n’écrivent pas forcément et n’ont fait que 3 ou 4 fautes au maximum…

Mais il faut essayer de dire qu’on a pas forcément la science infuse et que la qualité d’écriture d’une personne ne se mesure pas aux nombres de ses fautes (à moins que ce soit vraiment illisible et que tout le texte ou tout le roman soit écrit comme ça : « sa va kestufé demin sa te di kon aye o raistoren poure mengé dé enbeurgeur ? » lol ).

En 2013, une maison d’édition avait refusé un de mes manuscrits, mais sa réponse avait été très encourageante. Ils m’avaient confié avoir adoré l’originalité de mon histoire et m’avaient dit que j’avais un vrai talent d’écriture. Mais le mail se terminait ainsi : « Une autre remarque, minime par rapport à celles citées auparavant, est l’orthographe : trop de fautes peut laisser une mauvaise impression au lecteur ».

Donc au final, oui, on peut faire beaucoup de fautes et avoir du talent, ce n’est pas forcément lié…

Reply
Marièke 21 avril 2019 - 15 h 27 min

Merci pour ton témoignage ! J’espère que tu as réussi à dépasser la peur de la faute et que tu parviens à t’exprimer sans t’autocensurer 🙂

Reply

Leave a Comment