Choisir la narration de son roman

by Marièke

Choisir la narration de son roman, c’est choisir : le narrateur, le point de vue et le ton de son roman. Pour moi, il est essentiel de faire ces choix en amont de la rédaction de son roman, voire en amont de la création de son plan – puisque certains plans indiquent le point de vue utilisé.

>> Cet article s’insère dans la phase de préparation à l’écriture d’un roman. Retrouvez par ici tous les articles du challenge Voulez-vous écrire un roman avec moi ?

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Pré-requis : pourquoi choisir la narration de son roman ?

Les éléments qui suivent sont absolument essentiels pour donner du corps à votre histoire. La plupart des histoires ont déjà été racontées, ce qui importe ce sont les personnages, leur crédibilité et la façon dont l’histoire est racontée.

Vous pouvez opter pour une narration classique : point de vue omniscient, narrateur extérieur et passé simple. Le lecteur sera certainement plus facilement happé par une telle narration car il n’aura aucune gymnastique de l’esprit à faire. Il se concentrera sur l’histoire.

Des choix de narrations différentes

Avec une narration moins classique, l’histoire peut gagner en profondeur. Voici quelques exemples de choix de narration différents.

Le point de vue interne qui change de chapitre en chapitre comme pour Le trône de fer. Ce choix permet à l’auteur de se glisser dans la tête d’un personnage après l’autre et de donner une voix différente à chacun d’entre eux. Bran Stark, qui est un enfant de 9 ans, ne verra pas la même chose que Sansa sa soeur de 13 ans ou que Tyrion, issu de la famille ennemie des Lannister. Mieux, cela lui permet de glisser du suspens et le lecteur peut se dire régulièrement : « je savais que cela allait arriver depuis plusieurs chapitres… contrairement aux personnages ! » C’est assez jouissif si c’est bien fait 😉 (A contrario, si c’est mal fait, ça peut être frustrant : « Mais il est débile ce personnage ou quoi ?! Il n’a rien senti venir !! »)

Le point de vue interne qui permet de relire l’histoire sous différents angles comme dans Le secret d’Orbae, de François Place. Le lecteur commence par suivre le voyage de Cornélius avant de suivre celui de Ziyara. Le plus intéressant étant de lire sous deux formes différentes l’histoire de leur rencontre.

Dans Orgueil et Préjugés, Jane Austen prend le parti d’alterner une narration classique et un roman épistolaire. On suit l’histoire de la famille Bennet dans son quotidien, mais certains éléments sont apportés sur les autres familles au fur et à mesure de l’histoire. La narratrice de l’histoire adopte un ton ironique et incisif pour la touche de surprise.

Le secret de la manufacture des chaussettes inusables est un roman dans lequel l’auteur adopte une multitude d’outils pour raconter son histoire. Les points de vue, le narrateur et le mode de narration changent scène après scène.

Les éléments qui suivent vous rappellent les choix que vous devez prendre quand vous vous apprêter à commencer un roman.

Choisir le point de vue

Il y a trois types de points de vue :

  • Interne : vous vous placez dans la tête d’un personnage ;
  • Externe : vous vous placez en dehors des personnages et regardez l’intrigue se dérouler ;
  • Omniscient : vous êtes dans toutes les têtes.

Choisir le narrateur

Le narrateur est celui qui raconte l’histoire. Le narrateur est différent du point de vue. Il est aussi différent de l’auteur (sauf dans une autobiographie).

Il peut être :

Un personnage de l’histoire

Dans Hunger Games, Katniss Everdeen est la narratrice de l’histoire. Dans Le Trône de fer, le narrateur est aussi un personnage de l’histoire mais il change à chaque chapitre. Dans Sherlock Holmes, le narrateur de l’histoire est le docteur Watson: s’il participe à l’histoire il en est aussi un spectateur puisqu’il ne sait pas toujours ce qui se déroule dans la tête de Holmes. Le narrateur peut aussi être incertain : tout ce qu’il dit peut être remis en doute.

Un personnage extérieur à l’histoire (voix-off)

Le narrateur peut aussi être extérieur à l’histoire mais adopter un ton particulier. Dans les contes, le plus souvent, le narrateur prend fait et cause pour ses personnages et s’en moque gentiment. Le narrateur des histoires de Jane Austen est extérieur à l’histoire mais il n’est pas neutre: il se moque des personnages, s’en moque. C’est une sorte de voix-off dans un film.

Le narrateur peut être extérieur mais absolument transparent. Il peut raconter factuellement ce qui se passe.

Un narrateur et un personnage sont la même personne

Enfin, le narrateur et l’auteur peuvent être une seule et même personne. C’est le cas des autobiographies.

Attention au genre des fausses autobiographies (Amélie Nothomb en est une experte). Le narrateur n’est pas l’auteur bien qu’il y a des similitudes.

Choisir le ton

En évoquant point de vue et narrateur, j’ai abordé en partie la question du ton… Mais il me semble important de le traiter à part dans cette partie pour vous rappeler à quel point cela peut être important.

  • Ton humoristique
  • Ton ironique
  • Ton neutre
  • Ton cynique

Choisir le temps de la narration

Je ne vous dirai jamais : « Il faut mieux que vous écriviez au présent » ou « Il ne faut pas écrire au passé » car ce n’est pas à moi de vous le dire. Cela dit, je pense qu’il est important de s’interroger sur le temps de narration dont on va faire usage avant de commencer à écrire.

L’écriture au passé (avec la combinaison passé simple + imparfait + passé antérieur + plus que parfait) est la plus courante aujourd’hui dans les romans français. Elle sera plus facile à mettre en oeuvre car en tant que lecteur vous avez l’habitude de la croiser.

Cependant, elle n’est pas la seule combinaison qui peut fonctionner.

Le récit au présent (avec présent + passé composé) est moins courant mais c’est une expérience d’écriture très intéressante.

À nouveau, il est possible de varier avec un première partie au passé et une seconde, au présent. Dans ce cas, il peut être nécessaire de justifier ce changement avec des éléments inclus dans le texte ou extérieurs.

NB : Le plus important dans le choix du temps de narration est la cohérence des temps ! N’hésitez pas à lire cet article pour rendre votre texte grammaticalement correct 😉

Choisir la forme de son roman

Allez-vous opter pour un récit chronologique ? Pour u récit sous forme de journal intime ? Pour un récit épistolaire ? Pour un mixte ? À travers quelle forme allez-vous transmettre et raconter votre histoire ?

Le récit chronologique est le plus courant et d’une manière générale vous n’aurez pas à justifier ce choix. A contrario, si vous optez pour un récit sous forme de journal intime, vous aurez peut-être besoin de faire expliquer à votre personnage pourquoi il raconte sa vie : mon histoire pour adolescents Les voeux de Mathilde, publiée chez Short Editions Jeunesse, commence ainsi :

Cher journal,

Désolée d’être restée si longtemps sans t’écrire.

Les événements se sont bousculés ces derniers mois. 

Que choisir pour mon roman ?

Après avoir lu cet article, vous vous demandez certainement quelle narration adopter pour votre roman. Je peux difficilement répondre à cette question car cela va dépendre de votre affinité avec les différents styles de narration (certains auteurs aiment écrire au présent, tandis que d’autres détestent, par exemple) mais aussi de votre histoire. Au final, tout est une question de dosage. Certains films souffrent d’un excès de mise en scène qui sort le spectateur de l’histoire : il en est de même avec les romans.

La première chose que je peux vous dire est de choisir un type de narration dans lequel vous êtes à l’aise : écrire un roman est assez dur pour que vous vous rendiez la vie encore plus difficile en choisissant un mode de narration que vous ne maîtrisez pas du tout.

La deuxième chose que je peux vous conseiller est d’adopter la technique du test A/B. Cela consiste à écrire une (ou plusieurs) scène sous différentes formes afin de voir laquelle fonctionne le mieux. C’est en général ma dernière étape avant de lancer dans la rédaction d’un roman : j’écris une scène test qui me permet de me lancer. Je vous reparlerai de cette méthode rapidement.

*****

Pour conclure, le choix de l’ensemble de ces éléments est très important pour le passage à l’étape de la rédaction de votre texte.

L’article de vendredi prochain sera consacré au plan ! Préparez vous, ce sera un gros morceau… 😃

Bon weekend,

Marièke

Crédit image : En l’honneur de l’automne, cette jolie photo qui rassemble mes deux amours : la lecture et le café 😉 (Pixabay, CC0)

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4 comments

Blevenec 2 février 2018 - 15 h 24 min

Bonsoir. J’ai toujours utilisé le point de vue interne dans mes huit premières histoires mais je pense utiliser désormais le point de vu externe car j’ai parfois l’envie de raconter certains faits de manière à ce que l’acteur ne soit pas présent.

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Mulon 16 mars 2018 - 8 h 55 min

Bonjour ,avec trois de mes amies on écrit un roman ensemble avec quatre personnages principaux ( un auteur pour un personnage )
on utilise un peu le style du journal intime . On pense que c’est ce qui est le plus adapté .
Vos conseils nous est précieux , merci beaucoup .
Bonne continuation .

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Amelie NP 1 juin 2018 - 14 h 44 min

C’est un sujet qui me travaille beaucoup. J’utilise par habitude et parce que j’aime pouvoir décrire des actions sans que le perso principal soit inclus, le narrateur omniscient. Mais je me rends compte que ce style n’est peut-être pas celui dans lequel je me sens le plus à l’aise. J’ai essayé d’écrire ma première scène dans la tête de ma fille et je me sens beaucoup plus à l’aise. Je pense que c’est dû à ma manière de réfléchir à mon roman, car je me mets souvent dans la tête du perso principal pour penser à sa réaction à telle ou telle chose.

A bientôt,

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Marièke 9 juin 2018 - 14 h 50 min

En général, ça dépend des romans. Il y a des romans qui fonctionnent mieux avec une première personne tandis que d’autres fonctionnent mieux avec un point de vue omniscient à la troisième personne. Cela peut dépendre de la profondeur du texte, de la force de ton personnage principal…

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