8 choses (très) difficiles quand on écrit

by Marièke

Bonjour à toutes et à tous,

À l’occasion de la fin des corrections de mon roman Des médias et des hommes, roman dont l’écriture m’a occupée plus de cinq ans (il s’agit de mon NaNo 2014, rien que ça…), j’avais envie de revenir avec vous sur les choses difficiles quand on écrit.

Si l’écriture est à la fois un plaisir et un besoin pour moi, elle peut aussi m’emplir de doutes. Tout ce qui suit est mon ressenti : il est totalement possible que vous ne le partagiez pas. N’hésitez pas à me communiquer le vôtre en commentaires de cet article 😉

PS : Vous préférerez un article léger aujourd’hui ? Retrouvez, à l’opposé, les raisons pour lesquelles j’aime écrire !


#1 La sensation d’être nulle

Ah… Assise sur mon épaule, les pieds ballants dans le vide, ma conscience d’éditrice me fixe alors que je relis mes textes… Elle est certainement la pire. Elle inspecte, critique, vomit mon travail. C’est dur et les premiers jours de reprise d’un de mes premiers jets sont souvent les plus compliqués pour mon ego. C’est l’un des moments les plus difficiles et il me faut souvent une bonne dose de confiance en moi et de calme pour me lancer dans la première relecture.

#2 La sensation d’être perdue

Pendant l’écriture ou ensuite, quand il s’agit d’organiser le premier jet, la sensation d’être perdue m’étreint souvent. Les personnages ne sont pas clairs, l’intrigue n’est pas bien définie, le texte cumule les incohérences… L’ensemble est un gruyère ajouré.

Ma technique pour atténuer cette impression : tout poser sur papier.

À l’opposé, l’une des sensations les plus agréables dans l’écriture est le moment où la pelote se dénoue. Ce moment où toutes les pensées vont dans le même sens, où les personnages sont alignés avec eux mêmes, où le texte coule dans la cohérence. (J’adore ce moment de transe parfaite.)

#3 Devoir tout recommencer, encore et encore

Arg. Quoi de plus dur que de boucler un premier jet de 500 pages et de réaliser que rien ne tient debout – malgré le synopsis initial de 20 pages ? 😓😌 Mmm, honnêtement, sur le coup : RIEN.

Parfois, la flemme m’envahit. Et si je ne changeais que quelques scènes… C’est ce que j’ai tenté de faire pour mon roman Des médias et des hommes. J’espérais que reboucher les trous suffirait à rendre l’ensemble cohérent. SPOILER : Inutile de vous dire que j’avais tort… Il fallait TOUT reprendre. TOUT. Et c’est bien mieux après. Mais le travail a duré plus d’un mois.

#4 Devoir révéler une part de soi

Écrire, c’est difficile car l’activité même d’écrire consiste à se mettre à nu. C’est raconter ses faiblesses, parler de ses rencontres, étaler ses sentiments. C’est parler des choses qui nous touchent, aussi. Et c’est, surtout, passer des heures et des heures à travailler en solo sur un projet.

C’est pourquoi écrire, c’est être fragile et c’est le montrer. Chaque critique reçue peut s’apparenter à une critique personnelle.

Pour moi qui parle assez peu de moi (dans la vie, car je parle souvent de moi par ici !), faire lire mes textes c’est révéler une grande part de moi… et ça me fait flipper à chaque nouveau texte paru.

4bis. Le fait de devoir montrer son texte

Dans la même veine que la chose désagréable #4, le fait de devoir révéler son texte. En effet, inutile de vous dire que faire lire son texte pour la première fois est une torture. Le pire pour moi : regarder quelqu’un en train de lire mon texte et réagir en direct. Et vous ?

#5 Trouver la vraie voix de ses personnages

On change un peu de point de vue avec ce cinquième point. Parmi les choses que je trouve particulièrement difficiles quand j’écris, il y a le fait de trouver la vraie voix de mes personnages.

Si certains d’entre eux m’apparaissent sans même que j’y réfléchisse – ça avait été le cas de Jo dans Pouvoirs, je vous en parlais dans cet article – d’autres mettent beaucoup plus longtemps à trouver leur voix.

Si je sais ce que je souhaite faire du personnage, celui-ci de sonne pas juste. Les dialogues sont faux, les réactions sont fausses, les attitudes sont fausses… Et ce, jusqu’à ce que je trouve les bons accords. C’est souvent beaucoup de travail. Typiquement, c’était l’un des problèmes de Maxence, le personnage principal de Des médias et des hommes : je ne parvenais pas à la trouver.

#6 Dépasser ses clichés

Cet aspect rejoint en partie le point précédent puisqu’il s’agit de technique d’écriture plutôt que de ressenti. Une des choses que je trouve difficile en écriture est de parvenir à dépasser ses clichés.

Je vous en parlais dans mon guide sur les personnages : un Mohamed qui vit en banlieue et vole des voitures est ce que j’appelle un « personnage cliché ». De même qu’une Capucine qui vit dans le 16e et consomme de la cocaïne pour oublier ses parents absents à cause du travail…

Dépasser ses clichés – ou du moins apprendre à les repérer pour jouer avec et les contourner – est un exercice compliqué. Sans compter qu’ils évoluent avec notre expérience et avancent à couvert. En effet, nous n’avons pas les mêmes clichés à 15 ans qu’à 35 : il faut toujours être en alerte et conscient·e de sa vision du monde en tant qu’auteur·trice !

6bis. Casser ses images littéraires

Ce point est une corollaire du précédent : au-delà des clichés liés aux personnages, il y a les images littéraires toutes faites… « Blond comme les blés », par exemple, en est une. C’est une image qui s’impose naturellement, car on l’a déjà lue, mais qui n’a aucune valeur sur le plan littéraire car elle a déjà été utilisée des milliers de fois.

En tant qu’écrivant·e, il faut savoir aller au delà de ces images et les questionner afin d’écrire des choses différentes – ou, du moins, cohérentes avec son style.

#7 Affronter la comparaison

Qui n’a jamais pensé à raccrocher ses crayons après avoir lu une pièce magistrale de la littérature ? « De toute façon, je ne ferai jamais aussi bien. A quoi ça sert de s’entêter ? »

Affronter la comparaison avec les autres auteurs et autrices est particulièrement compliqué. Je sais que certains et certaines d’entre vous ont même choisi de moins lire – ou de ne pas lire dans le genre qu’il·elle·s écrivent pour éviter de se retrouver exposer.

Il faut savoir ici (disons que c’est ce que je me répète pour me rassurer !), que vous êtes forcément beaucoup moins objectif avec vous-même que pourrait l’être tout lectorat lambda – soit vous êtes plus dur·e, soit vous avez tendance à vous voir plus beau/belle que vous n’êtes. Aussi, la comparaison est vaine de toute façon.

#8 Poser un regard objectif sur son travail

Au début de cet article, parmi les choses difficiles, je pensais noter « la critique extérieure ». Autrement dit, la critique des autres.

Pourtant, à mesure de l’écriture de cet article, j’ai réalisé que, pour moi, la critique la plus difficile ne venait pas des autres. En effet, depuis quelques années, et notamment au contact de mes clients en agence de com’, j’ai appris à gérer les remarques et les critiques et à ne pas les prendre personnellement.

Non, la critique la plus dure et la plus acharnée me vient… De moi-même. Ainsi, tous les points précédents sont liés à ma propre conscience et à ma vision de mon travail. C’est contre moi-même que je me bats quand j’écris.


Quelles sont les choses difficiles quand vous écrivez ? Celles qui vous mettent mal à l’aise, vous épuisent plus vite ou vous poussent à la procrastination ?

Racontez-moi tout ça ici !

Beau weekend !

Marièke

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22 comments

Gaufrette 20 septembre 2019 - 11 h 55 min

Pour moi le plus dur c’est de garder la motivation du début jusqu’à la fin sans céder a l’envie de commencer un nouveau truc plus palpitant dès que j’arrive au milieu…
Ça et lutter contre la flemme en général xD
Oh et la partie recherche aussi, parfois ça me donne l’impression de perdre du temps alors que je sais que c’est faux.

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Marièke 6 octobre 2019 - 15 h 22 min

Ah oui, je comprends carrément. Dans mes premières années d’écriture, j’avais beaucoup ce problème : je commençais avant de m’essoufler… Je ne l’ai plus aujourd’hui grâce 1) aux plans que je concocte et 2) à la joie de terminer une histoire. Quand un nouveau projet me fait de l’oeil, je le note dans un coin, je commence à le planifier un peu si nécessaire, mais je me rappelle que finir une histoire est le meilleur truc qui soit 😉
(Pour la partie recherche, j’avoue que je la saute souvent car effectivement elle me saoule parfois… Du coup, je me retrouve, en pleine écriture, à devoir aller chercher des infos complémentaires…)

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Simo 20 septembre 2019 - 15 h 05 min

Je vous remercie pour votre article très motivant, une sorte de miroir, où, en tout cas pour moi, je me retrouve.
Je suis souvent confronté à vos types de difficultés. D’ailleurs vous le dites si-bien, la plus acerbe des critiques c’est celle que nous affligeant à nous-mêmes, c’est cette voix intérieure qui à mesure qu’on arrive au point de non-retour dans les interstices tentaculaires de notre récit, cette vilaine voix ne murmure pas ces idées venimeuses « vous êtes nul ! Arrêtez c’est pathétique…! » (je parle de mon cas 🙂 ).
Ajoutant à cela, pour mon cas, mon combat avec la langue, le français est ma deuxième langue, la langue seconde ou étrangère, je me force dans un combat incessant de chercher les mots exacts, lutter contre les fautes d’orthographe par dizaines, source de non-motivation.
Enfin, je prends, tout de même, tout le plaisir d’écrire hormis les obstacles.
J’adore écrire et je continuerai.
Merci en tout cas pour vos articles encourageants.
À vous lire !

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Marièke 6 octobre 2019 - 15 h 27 min

Ah l’autocritique…
Pour votre difficulté concernant l’orthographe, je n’ai pas cette difficulté mais je comprends qu’elle puisse être pesante. Aviez-vous vu mon coup de gueule sur le sujet ? Si vous avez l’intention d’être publié en français, peut-être que l’aide/l’accompagnement d’un correcteur (ou d’une correctrice) pourrait vous aider à vous débloquer ?

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Simo 8 octobre 2019 - 12 h 55 min

J’avais une question concernant le style, pensez-vous que le style se façonne par la gymnastique de l’écriture, c’est à l’apport quantitatif ou c’est surtout la lecture.
Quand je dis le style c’est aussi savoir transmettre non seulement le dit du récit mais aussi le non-dit.
Merci d’avance !

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Marièke 1 décembre 2019 - 16 h 37 min

Bonjour, je pense que le style et, plus largement, la technique de l’écriture, s’apprend essentiellement par la pratique. Bien entendu, la lecture aide à connaître ce qui nous plait, mais c’est le fait d’écrire qui va permettre de se mettre face à la réalité de l’écriture.

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Jerome 21 septembre 2019 - 5 h 25 min

Merci pour cet article qui permet de se sentir moins seul 🙂
La sensation d’être nul, de ne jamais pouvoir arriver au bout tant la somme de travail est colossale, la comparaison avec les autres roman… ce sont également mes démons. Et ils ont la peau dure 🙂

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Marièke 6 octobre 2019 - 15 h 29 min

On est toutes et tous dans le même bateau :p

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Hyldakae 21 septembre 2019 - 17 h 49 min

Je suis d’accord avec tous les points évoqués, en particulier le fait de se dévoiler et de montrer mon travail aux autres, surtout aux personnes qui me sont proches, est quelque chose que j’appréhende particulièrement. Et la montagne de travail lors des corrections, devoir réécrire des pans entiers du roman, sinon le livre entier… C’est décourageant rien que d’y penser, mais il faut bien passer par là, et ça en vaut la peine !

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Marièke 6 octobre 2019 - 15 h 30 min

Tous ces combats en valent la peine, c’est vrai… Mais l’écriture nous donne quand même beaucoup de fil à retordre :p

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Ismerie 21 septembre 2019 - 17 h 57 min

Excellent article. Bravo

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Marièke 6 octobre 2019 - 15 h 30 min

Merci 🙂

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Faby P 22 septembre 2019 - 17 h 56 min

Le plus dur pour moi, c’est de se lancer… et par la suite (sans doute, mais je ne suis jamais allée jusqu’à cette étape), faire publier le livre et ainsi dévoiler, en quelque sorte, une part de soi.

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Marièke 6 octobre 2019 - 15 h 33 min

Pour le coup, me lancer ne m’a jamais trop fait peur mais je veux bien imaginer que ce soit compliqué… surtout si l’on se juge très durement de façon générale et que l’on est un peu perfectionniste (je ne sais pas si c’est ton cas). Si ça peut t’aider, tout ce que tu écriras pourra être 1) effacé, 2) amélioré et 3) caché 😉 N’hésite pas à me tenir au courant de tes avancées !

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Khairo 9 octobre 2019 - 11 h 04 min

Le plus ardu c’est de ne pas laisser mes auteurs préférés relire ma copie au-dessus de mon épaule. A ma droite Albert Camus, à ma gauche Romain Gary, en embuscade cachés dans les rideaux de la pièce Graham Greene et le grand George (Orwell), Pierre Lemaître. Sous leur regard narquois mes épaules s’enfoncent, puis mon cou, puis ma tête et je disparais finalement happé par l’océan de médiocrité littéraire que pisse ma plume sur une triste copie. Celle-ci atterrit au panier, évidemment. Quelques jours plus tard je me relève si j’ai pris soin entre temps de ne rien lire qui eût été produit par un de mes bourreaux….
J’aimerais que le corollaire soit vrai … lire un ou deux auteurs que je déteste avant de prendre la plume (Nothomb, Foenkinos, Houellebecq) pour me trouver génial.
Me concernant donc, la comparaison tue la création. C’est ainsi !

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Marièke 1 décembre 2019 - 16 h 39 min

Je comprends totalement cette sensation. J’avais commencé un livre de fantasy et je me suis lancée dans la lecture de Games of Throne : ça m’a coupé dans mon élan tellement je ne tenais pas la comparaison. Ceci étant avoué, je crois qu’il faut parvenir à dépasser ses peurs car nous ne sommes pas objectifs quant à notre style et nos romans 🙂 Finir son texte et le soumettre aux autres est encore le meilleur moyen de connaître la réelle valeur de ses textes !

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Estelle 20 octobre 2019 - 14 h 21 min

Merci pour cet article qui nous montre que nous ne sommes pas seul devant l’adversité ! le plus difficile pour moi est de me dire « ça y est, c’est fini ». Par peur de soumettre mon manuscrit je pense, je me répète que je peux encore faire mieux, retravailler le texte… et du coup je me sens en plus frustrée de ne pas commencer un autre manuscrit.

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Marièke 1 décembre 2019 - 16 h 55 min

Bonjour Estelle, pour éviter ce sentiment de frustration, as-tu essayé de travailler sur deux manuscrits en même temps (mettre ton manuscrit actuel sur pause, passer à un autre et revenir ensuite sur ton manuscrit actuel) ? Cela pourrait te permettre de prendre du recul et de le voir d’une façon neuve, tout en évitant la frustration 🙂

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Margaretty 5 novembre 2019 - 19 h 02 min

C’est vraiment un super article.
Pour moi le plus dur, c’est de ne pas abandonner. Au premier jet, ça a l’air génial ! Mais…quand je me relis je trouve ça vraiment nul et j’abandonne mon texte le jugeant « impossible à corriger ».
Mais tous vos conseils et même votre site tout entier m’aide beaucoup et je recommence à écrire. Je crois de nouveaux avoir les armes pour.

Merci pour tous ces conseils !

Reply
Marièke 1 décembre 2019 - 17 h 07 min

Ahah, merci à l’autocritique, cette gentille petite voix dans nos têtes qui nous crie que l’on n’est pas à la hauteur ! Bon courage pour avancer 🙂

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Emie 9 novembre 2019 - 22 h 42 min

Bonsoir,
En effet, l’autocritique est assez dangereuse dans l’écriture, c’est une sacré source de démotivation.
Ce qui me bloque le plus facilement c’est en partie la peur de ne pas utiliser les mots qui collent le mieux à l’idée que je souhaite mettre en avant, résultat je n’ose pas rédiger les choses et je n’avance pas dans mes récits…
Et un autre élément qui me pose (encore plus) problème, c’est le passage de mes idées pour un récit, à leur rédaction et leur l’enchainement. C’est-à-dire que je peux lister, de façon très factuelle, ce qui arrivera à mes personnages, je peux facilement rédiger un premier jet pour des passages de l’histoire qui me semblent être cruciaux dans le développement (un dialogue, une situation brève). Mais ensuite lorsque je souhaite etoffer ces passages pour :
– les faire passer d’un paragraphe court à plusieurs paragraphes,
– puis les faire s’enchainer de façon logique, ordonnée et naturelle,
je souffre un peu du syndrome de la page blanche.
Est-ce que ce type de blocage vous arrive ? Et comment vous le dépasser ?
Merci beaucoup
Bonne continuation !

Reply
Marièke 1 décembre 2019 - 17 h 11 min

Bonjour 🙂
Pour l’autocritique, c’est très compliqué et cela découle essentiellement d’un manque de confiance en soi. Cela va passer avec la pratique, promis 🙂
Pour la partie « pas les bons mots », il faut absolument que tu te convainques que le premier jet n’est… qu’un premier jet. Tu pourras toujours faire évoluer le texte à la relecture / réécriture.
Pour la partie « du plan détaillé à la rédaction », je comprends. A trop détailler ton récit, tu te bloques… Peut-être essayer de ne pas détailler ?

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