L’art du flashback dans Les grands de Sylvain Prudhomme

by Marièke

Les grands retrace la vie de Couto, Guinéen d’une cinquantaine d’années. Sylvain Prudhomme, l’auteur de ce livre, joue avec les flashbacks avec brio et illustre un thème plutôt abstrait : la fin de l’espoir de changement qui anime ceux qui vieillissent.

Le résumé des Grands

Guinée-Bissau, 2012. Alors que Super Mama Djombo, le groupe de Couto, est sur le point de retrouver la scène après plusieurs années creuses, ce dernier apprend la mort de Dulce, son amour de jeunesse. Chanteuse du groupe, elle s’est ensuite mariée à un général devenu Chef de l’État major du pays. Sur fond de coup d’État, les souvenirs de Couto le ramènent bien des années en arrière quand son groupe faisait fureur dans le monde entier.

Mon avis

Par principe, les livres où abondent les souvenirs ne sont pas ma tasse de thé. Et pourtant… J’ai adoré ce livre. (Comme quoi les préjugés.) J’ai aimé la façon dont les histoires passée et actuelle étaient entremêlées l’une dans l’autre. Les passages sur la musique étaient agréables à lire et non envahissants, grâce à un ton aussi parlé que imagé. Enfin, peu familière des récits se déroulant sur le sol africain, j’ai pu découvrir un peu de l’histoire post-coloniale de la Guinée-Bissau.

>> Retrouvez la critique des Grands par François Busnel, sur l’Express.

Un petit extrait des Super Mama Djombo :

Deux mécanismes intéressants

Un effet de style : un flashback permanent

Ce qui m’a marqué dans ce texte est la façon particulière avec laquelle passé et présent s’entrelacent, se répondent l’un l’autre. Chaque chapitre de ce roman qui se déroule sur un jour donne un prétexte aux souvenirs de Couto. Le passé prend le pas sur le présent, le présent revient par bribe, souvent sous forme de dialogue. Il n’y a jamais de flashback en tant que tel. Les pensées de Couto font simplement des aller-retour. Cet effet est renforcé par l’absence de tirets précédant les prises de parole (cela rend difficile la compréhension au départ, mais le lecteur a tôt fait de s’y habituer).

Un effet d’intrigue : le thème omniprésent

À la fin de la lecture, le lecteur est en droit de se demander si l’histoire principale du livre était la vie de Couto et de ses compagnons de route ou la lassitude qui vient avec l’âge. Je pense que le premier est l’histoire principale, le second le thème.

Si le jeune qu’était Couto espérait pouvoir changer les choses, sa version âgée (sa version « grande », comme le dit le titre du livre) n’ose plus vraiment y croire et regarde le coup d’État avec un oeil désabusé, certain de l’échec final de la démocratie. Il côtoie des gens qui ont rejoint le pouvoir qu’ils ont tant critiqué, parle avec des gens qui ont émigré et souffrent… Le changement paraît impossible, la corruption des coeurs inexorable. Au final, l’histoire porte le thème et le thème renforce l’histoire. En résulte une histoire emplie d’émotions entre rires, sensualité et tristesse.

En conclusion

Je conseille d’abord ce livre à ceux qui aiment les Super Mama Djombo car c’est un hommage à ce groupe mais pas seulement. Si vous aimez les livres où la psychologie des personnages est bien définie, vous devriez aussi aimer ce livre et Couto, dans la tête de qui le lecteur se trouve (les autres personnages sont plus grossièrement dépeints). L’aspect historico-politique m’a paru très intéressant (quoiqu’un peu désolant pour les citoyens guinéens). L’histoire commence à la guerre d’indépendance guinéenne contre le Portugal jusqu’à nos jours.

L'art du flasback


Informations pratiques

les grands Titre : Les grands
Auteur : Sylvain Prudhomme
Maison d’édition : Gallimard / Collection : L’arbalète
Publié le : 28 août 2014
Distinction : Prix littéraire Georges Brassens 2014
Prix : 19,50 €

[toggle title= »Crédit image »] Un guitariste dans le Sahara (Pixabay, CC0) [/toggle]

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