Le paragraphe, l’arme fatale pour écrire un roman que votre lecteur ne lâchera pas

by Marièke

Bonjour à tous ! Je quitte mon NaNoWriMo l’espace de quelques minutes pour revenir avec vous sur un des outils de base de l’écriture : le paragraphe. Le paragraphe et l’enchaînement des paragraphes sont les meilleurs outils pour écrire un roman fluide que votre lecteur ne lâchera pas. Je vous propose de revenir sur cet outil et de vous montrer, à partir de deux extraits, comment la fluidité s’installe grâce aux paragraphes.

>> Cet article s’inscrit dans ma série Voulez-vous écrire un roman avec moi ? Retrouvez l’ensemble des articles de cette série dans ma méthode Ecrire un roman pas à pas.

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Avant-propos : Le découpage d’un roman

Dans un article que j’ai fait il y a de cela longtemps, je rappelais que le roman se composait d’une multitudes de parties différentes : loin d’être un amas de pages en vrac, un roman se compose de :

  • Parties…
  • à l’intérieur desquelles il y a des chapitres
  • à l’intérieur desquels il y a des scènes
  • à l’intérieur desquelles il y a des paragraphes
  • à l’intérieur desquels il y a des phrases et des mots et des lettres.

Ce travail de découpage du roman est important, à mon avis, si vous vous apprêtez à plonger pour la première fois dans la rédaction d’un texte. En effet, il peut être très aisé de se perdre face à la montagne de travail que représente l’écriture d’un roman. En découpant ce dernier en de multiples entités comme je viens de le faire, je trouve que c’est tout de suite moins éprouvant… non ?

Pourquoi connaître l’entité « paragraphe » pour écrire un roman ?

Certains auteurs n’ont peut-être jamais pensé le roman sous cette forme et pourront être étonnés que je vous présente un roman éclaté ainsi… A vrai dire, je suis une autrice plutôt spontanée qui écrit en fonction du ressenti et qui a banni la grammaire de sa vie le jour où elle a arrêté les cours de français (en Terminale).

Mais au moment de vous expliquer comment fonctionne le récit, je trouve que c’est très intéressant  de vous montrer comment fonctionne l’entité « paragraphe » car qu’est-ce qu’un roman sinon une enfilade de paragraphes ?

A la découverte du paragraphe

La définition du paragraphe

Au niveau grammatical, le paragraphe est :

Un paragraphe est une section de texte en prose vouée au développement d’un point particulier souvent au moyen de plusieurs phrases, dans la continuité du précédent et du suivant.

Dans les textes linéaires narratifs, le changement de paragraphe marque généralement :

  1. un changement de saynète avec un déplacement dans le temps, dans l’espace, un changement de personnage, ou deux ou trois de ces modifications cumulées,
  2. un changement de type d’énonciation : on passe alors d’un type de texte à l’autre entre narration, description, explication, argumentation ou dialogue.

Ce que l’auteur en vous devrait retenir

Le paragraphe a donc plusieurs caractéristiques :

  • Il est en prose (= sans rime)
  • Il comporte une unité de sujet : cela peut être la description d’un personnage, la description d’une action, la description d’un lieu, la description d’une pensée / d’un cheminement de pensée
  • Il se compose de plusieurs phrases
  • Il fonctionne en meute : un paragraphe n’est pas seul, il fonctionne en lien avec les paragraphes précédents et suivants.

Utiliser le paragraphe pour écrire un roman fluide

La définition qui précède montre à quel point le paragraphe est un outil essentiel pour créer l’équilibre de votre roman. Pour écrire un roman fluide que votre lecteur ne lâchera pas, il suffit (Ah ah ah !) d’enchaîner des paragraphes qui sont liés les uns aux autres — par des mots, des expressions, des idées — et qui comportent une unité de thématique.

Suivent plusieurs exemples :

Harry Potter à l’école des sorciers

Mr et Mrs Dursley, qui habitaient au 4, Privet Drive, avaient toujours affirmé avec la plus grande fierté qu’ils étaient parfaitement normaux, merci pour eux. Jamais quiconque n’aurait imaginé qu’ils puissent se trouver impliqués dans quoi que ce soit d’étrange ou de mystérieux. Ils n’avaient pas de temps à perdre avec des sornettes.

Mr Dursley dirigeait la Grunnings, une entreprise qui fabriquait des perceuses. C’était un homme grand et massif, qui n’avait pratiquement pas de cou, mais possédait en revanche une moustache de belle taille. Mrs Dursley, quant à elle, était mince et blonde et disposait d’un cou deux fois plus long que la moyenne, ce qui lui était fort utile pour espionner ses voisins en regardant par-dessus les clôtures des jardins. Les Dursley avaient un petit garçon prénommé Dudley et c’était à leurs yeux le plus bel enfant du monde.

Les Dursley avaient tout ce qu’ils voulaient. La seule chose indésirable qu’ils possédaient, c’était un secret dont ils craignaient plus que tout qu’on le découvre un jour. Si jamais quiconque venait à entendre parler des Potter, ils étaient convaincus qu’ils ne s’en remettraient pas. Mrs Potter était la sœur de Mrs Dursley, mais toutes deux ne s’étaient plus revues depuis des années. En fait, Mrs Dursley faisait comme si elle était fille unique, car sa sœur et son bon à rien de mari étaient aussi éloignés que possible de tout ce qui faisait un Dursley. Les Dursley tremblaient d’épouvante à la pensée de ce que diraient les voisins si par malheur les Potter se montraient dans leur rue. Ils savaient que les Potter, eux aussi, avaient un petit garçon, mais ils ne l’avaient jamais vu. Son existence constituait une raison supplémentaire de tenir les Potter à distance: il n’était pas question que le petit Dudley se mette à fréquenter un enfant comme celui-là.

>> Dans cet extrait, qui correspond à la première page de Harry Potter à l’école des sorciers, le lecteur rencontre la famille des Dursley (qui s’avérera bien vite n’être qu’un personnage secondaire de l’histoire). Le premier paragraphe évoque les réticences des Dursley envers le mystérieux et l’étrange, le deuxième décrit les Dursley au niveau physique et professionnel et le troisième s’arrête sur les relations entre les Dursley et les Potter. Les idées s’enchaînent logiquement.  

Ensemble c’est tout

Franck, qui travaillait tous les dimanches comme extra dans un autre restaurant sur les Champs, se rendait chaque lundi au chevet de sa grand-mère.

Elle se trouvait désormais dans une maison de convalescence à quelques kilomètres au nord de la ville et guettait son arrivée dès le lever du jour.

Lui, par contre (opposition au paragraphe précédent), était obligé de régler son réveil. Il descendait comme un zombi jusqu’au troquet du coin, buvait deux ou trois cafés d’affilée, enfourchait sa moto et venait se rendormir auprès d’elle sur un affreux fauteuil en skaï noir.

// On change de focus, de Franck à la vieille dame, mais la thématique reste la même : se rendormir auprès d’elle

Quand on lui amenait son plateau-repas, la vieille dame posait son index sur sa bouche et indiquait, d’un mouvement de tête, le gros bébé enroulé sur lui-même qui lui tenait compagnie. Elle le couvait du regard et veillait à ce que son blouson reste bien en place sur sa poitrine.

Elle était heureuse. Il était là. Rien qu’à elle… (Une autre façon de raconter, on est dans sa tête)

Elle n’osait pas appeler l’infirmière pour lui demander de remonter son lit, saisissait sa fourchette délicatement et mangeait en silence. Elle cachait des choses dans sa table de nuit, des morceaux de pain, sa portion de fromage et quelques fruits pour les lui donner quand il se réveillerait. Ensuite, elle repoussait la tablette tout doucement et croisait ses mains sur son ventre tout en souriant. (Présentation de ses actions quand son petit-fils est prêt d’elle)

Elle fermait les yeux et somnolait, bercée par le souffle de son petit homme et les débordements du passé. Elle l’avait perdu tant de fois déjà… Tant de fois… Il lui semblait qu’elle avait passé sa vie à aller le chercher… Au fond du jardin, dans les arbres, chez les voisins, caché dans les étables ou affalé devant leur télévision, puis au café bien sûr, et maintenant sur des petits bouts de papier où il lui avait griffonnée des numéros de téléphone qui n’étaient jamais les bons… (Souvenirs de la vieille dame)

Elle avait fait tout ce qu’elle avait pu pourtant… Elle l’avait nourri, embrassé, câliné, rassuré, houspillé, puni et consolé, mais tout cela n’avait servi à rien… A peine sut-il marcher ce gamin-là, qu’il prit la poudre d’escampette et quand il eut trois poils au menton, c’était fini. Il était parti. (Souvenirs et retour au présent)

>> Dans cet extrait, on suit les pensées d’une vieille dame qui accueille régulièrement son petit-fils dans sa maison de convalescence. Les paragraphes s’enchaînent entre les actions présentes et les souvenirs de la vieille dame. 

*****

S’il y a de nombreux éléments à prendre en compte avant l’écriture (la cohérence des personnages et de l’intrigue étant essentiels), les paragraphes et leur enchaînement, les uns par rapport aux autres, sont un outil majeur pour écrire un roman fluide qui coule et que votre lecteur ne lâchera pas.

Pour vous entrainer à enchaîner les idées, je n’ai pas vraiment de recette miracle… sinon, vous imaginez bien que 1) j’aurais déjà été publiée et 2) je vous l’aurais confiée. Ma technique consiste en écrire, écrire et écrire encore, quite à déplacer des blocs entiers de texte quand j’ai la sensation que les idées ne se sont pas enchaînées comme elles le devraient. Pour m’aider, j’aime aussi écrire directement sur papier et taper ensuite à l’ordinateur pour remettre tout en ordre.

J’espère que cet article vous sera utile alors que vous vous lancez dans la rédaction de votre roman. Je vous ferai un article la semaine prochaine (vendredi) sur les différentes façons de commencer votre texte (et donc, sur le Prologue et le Chapitre 1).

Bon weekend prolongé à tous,

Marièke

Crédit image : Reading par Lou Levit (Unsplash, CC0)

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6 comments

Mansp@g 31 mars 2017 - 20 h 26 min

Salut Marièke,

Je me pose actuellement une question sur la taille des chapitres, mais je n’ai pas trouvé la réponse sur le blog, qu’est-ce que tu peux nous conseiller la dessus ? Est-ce que nos chapitres doivent avoir un certain nombre de mots ? Doivent-ils tous être à peu près de la même taille ?

Merci d’avance de tes réponses !
Bonne soirée,
Mansp@g

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Marièke 10 avril 2017 - 14 h 48 min

Coucou ! J’aurais tendance à dire que c’est mieux quand c’est à peu près équilibré car le lecteur sait à quoi s’attendre (genre « je lis encore un chapitre avant d’aller me coucher, de toute façon, ils sont courts »). Maintenant, il n’y a aucune règle, comme d’habitude en écriture : donc si une scène ou un chapitre de ton roman est plus long, ce n’est pas forcément très grave. En plus, ça dépend de ta façon de créer le suspens : dans certains textes, il y a un cliffhanger à chaque fin de chapitre, tandis que d’autres déroulent le suspens d’une page à l’autre. J’espère que cela t’aidera un peu, même si ma réponse est vague !!

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Audrey 3 mai 2019 - 13 h 26 min

Je viens de tomber sur cet article en faisant des recherches pour mieux organiser mon roman et je le trouve vraiment très intéressant. A vrai dire, c’est une chose à laquelle je n’avais pas pensé avant d’écrire. Je me suis penchée dessus en voyant mes gros blocs de textes que je trouvais trop longs et en lisant en parallèle de nombreux livres avec de nombreux découpages en petits paragraphes. Je trouve que ça a complètement changé mon organisation et ça a rendu la lecture beaucoup plus agréable ! Merci pour ces dernières précisions que je vais appliquer de suite à mon roman qui est en phase d’être finalisé. C’est une bonne découverte que j’ai fait ce jour avec ce site. Merci.

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Marièke 26 mai 2019 - 11 h 58 min

Bonjour et merci pour ton message.
L’entité paragraphe est souvent négligée et est peu expliquée pourtant, je trouve que c’est le meilleur outil pour construire son récit et pour avancer dans son écriture 🙂

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Danny Taubhussino 28 juin 2019 - 15 h 55 min

Merci, ça faisait 2 heures que je cherché une réponse à comment changer de paragraphe et votre article m’a beaucoup aidé.

Bonne continuation.

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Marièke 20 août 2019 - 8 h 56 min

Top ! Contente que mon contenu vous ait été utile ! Merci 🙂

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