Comme son nom l’indique, l’auto-fiction est un genre littéraire qui consiste à parler de soi de façon fictionnelle. Le genre est apprécié des jeunes écrivains car il semble assez facile à mettre en oeuvre — on a tendance à maitriser le sujet principal du livre : soi-même. Mais écrire une autofiction comporte des pièges. Découvrons-les ensemble dans cet article.
*****
Le genre de l’autofiction
Néologisme invité par Serge Doubrovski en 1977, « autofiction » désigne un genre littéraire qui consiste à parler de soi de façon romancée. Il s’agit du croisement entre un récit réel de la vie de l’auteur et un récit fictif explorant une expérience vécue par celui-ci.
Les caractéristiques
- Récit d’un ou de plusieurs événements de la vie de l’auteur sous une forme plus ou moins romancée
- Emploi de la première personne du singulier ou de la troisième personne du singulier
- Les noms ou les lieux peuvent être changés
Les genres associés
L’autobiographie. Lorsque l’auteur compose une autobiographie, il passe avec son lecteur un pacte autobiographique à travers lequel il s’engage à dire la vérité et à être loyal avec son lecteur. Il doit être transparent dans le récit de ses actes mais aussi de ses émotions. Il ne doit rien cacher par honte ou par pudeur. Au final, seule la mémoire peut corrompre ce pacte.
Le roman autobiographique. C’est un roman dont l’histoire du personnage principal est fortement inspirée de la vie de l’auteur. Le texte est rédigé à la première personne du singulier.
L’exobiographie. C’est la biographie d’une personne inventée par l’auteur.
Quelques auteurs / romans de l’autofiction
Amélie Nothomb : nombre des romans de l’écrivaine au chapeau sont des autofictions dans lesquelles ont retrouve des éléments réels et des éléments de fiction. Si Amélie Nothomb parle de ses livres comme des romans autobiographiques, elle ajoute des éléments de fiction qui permettent de l’inscrire dans ce genre littéraire (elle raconte par exemple être née au Japon pour renforcer l’un de ses récits… alors qu’elle est née en Belgique).
Edouard Louis : En finir avec Eddy Bellegueule évoque l’enfance et l’adolescence de cet auteur, homosexuel, en Picardie dans une famille issue d’un milieu défavorisé. Il analyse les difficultés à grandir en tant qu’homme efféminé et à s’affirmer en tant qu’homosexuel.
Les pièges de l’autofiction
Si l’autofiction peut déboucher sur des livres appréciés par la critique, c’est un genre difficile dont les écueils sont nombreux. C’est pourquoi je ne vous conseille pas de commencer l’écriture par un roman appartenant au genre de l’autofiction.
Virer dans le narcissisme, le moi-rêvé
Il est difficile de prendre du recul sur soi-même et d’analyser ses fautes, ses défauts et ses faiblesses. Un risque de l’autofiction, à mon sens, est de créer un personnage principal sans défaut aucun, une sorte de version de vous-même rêvée. Une Mary Sue. Si c’est une façon amusante de réinventer sa vie et de modifier un événement passé, le risque est de créer un personnage parfait. Qui aime les personnages parfaits ?
Utiliser l’écriture comme défouloir
Utilisez l’écriture comme un défouloir est une bonne solution. C’est même une solution que je conseille pour analyser la situation et vous remettre.
Sauf que ce genre de texte n’est PAS fait pour la publication.
Et ce, pour deux raisons :
- D’une part, vous risquez d’aboutir à un texte où le personnage principal (vous, en l’occurence), sera un pauvre petit bougre sans défense face à une société particulièrement dure. Attention à ne pas tomber dans le Calimérisme : « Personne ne m’aime… ».
- D’autre part, vous risquez de vous fâcher avec vos proches. Que vous changiez, ou non, les noms des lieux et des personnages, les personnes qui ont joué un rôle dans votre histoire devraient facilement se reconnaître dans votre texte… et vous risquez de les vexer.
Oublier les règles de base du récit
Comme toute histoire bien conçue, une autofiction demande un conflit principal autour de laquelle va se construire l’histoire. Il ne s’agit pas seulement d’aligner les anecdotes de votre vie comme on enfile les perles d’un collier. Ni de raconter une année de votre vie normale. A moins que vous n’ayez un style détonnant, personne n’a envie de lire un an dans la vie de Monsieur Métro-boulot-dodo.
Ecrire avec soi et non sur soi
Le piège majeur de l’autofiction est qu’il ne faut pas écrire sur soi mais avec soi. Le thème du livre ne devrait pas être sa propre personne mais un élément extérieur qui puisse toucher le public. Dans En finir avec Eddy Bellegueule, par exemple, le thème n’est pas tant la personnalité et les goûts de l’auteur qu’une analyse de la réception de l’homosexualité dans une famille défavorisée. D’une manière générale, il faut retenir que le lecteur se fiche de votre vie à vous. Il souhaite simplement que votre récit trouve une résonance dans sa propre histoire.
*****
Au final, l’autofiction demande énormément de maîtrise pour ne pas sombrer dans un étalage gênant de son journal intime. Il faut parvenir à trouver un bon dosage entre le réel et la fiction pour composer un texte agréable sur un sujet de société inspirant. C’est parce qu’il faut jongler avec ces éléments que je ne conseille pas forcément l’écriture d’une autofiction comme premier texte de fiction pour un auteur. (Après, c’est comme d’habitude, vous faites bien ce que vous voulez !)
Mon avis sur l’autofiction
Pour ma part, vous l’aurez peut-être compris, je ne suis pas vraiment une fan d’autofiction. Je trouve qu’il est un peu facile de tomber dans l’autocontentement avec ce genre de livre et qu’il n’est pas toujours facile de passionner les gens sur un thème aussi banal que soi-même. Je pense que l’on n’a pas besoin d’écrire de l’autofiction pour donner à ses personnages des traits de caractère qui nous ressemble ou pour incorporer des événements que l’on a vu ou vécu.
Ceci étant dit, je serai curieuse de savoir si certains d’entre vous se sont lancés dans la rédaction d’une autofiction. N’hésitez pas à me donner vos raisons !
A vendredi pour un article sur mon organisation cette année,
Marièke
Crédit image : Follow me de Christophe Morre (Unsplash, CC0)